La capitale malgache a été le théâtre de violents affrontements jeudi entre manifestants et forces de l’ordre, dans un contexte de contestation grandissante contre le président Andry Rajoelina. Le mouvement, initié il y a deux semaines par la génération Z, s’est renforcé malgré la répression policière.
Une contestation sociale devenue politique
Né du ras-le-bol face aux coupures d’eau et d’électricité, le mouvement a rapidement pris une tournure politique. Les protestataires dénoncent désormais la gouvernance d’Andry Rajoelina, accusé de ne pas avoir tenu ses promesses depuis son retour au pouvoir en 2018.
« Le problème, c’est le système. Depuis l’indépendance, rien n’a changé », déplore Heritiana Rafanomezantsoa, 35 ans, parmi la foule rassemblée près du lac Anosy.
Répression brutale et scènes de chaos
Dès la mi-journée, un millier de manifestants ont été dispersés par un usage massif de gaz lacrymogènes et l’intervention de véhicules blindés. S’en est suivie une bataille de rue : les forces de l’ordre tirant balles en caoutchouc et grenades assourdissantes, les protestataires répliquant par des jets de pierres.
Des incidents graves ont été signalés :
- des gaz se sont infiltrés dans une maternité, forçant l’évacuation de bébés prématurés ;
- un homme a été roué de coups par des policiers, avant d’être pris en charge par la Croix-Rouge ;
- au moins six blessés recensés par SOS Médecin et Medikelly, dont quatre touchés par balles de caoutchouc.
Une contestation qui s’étend
La mobilisation a gagné d’autres villes, notamment Toliara, où plusieurs centaines de personnes ont défilé. Malgré un essoufflement temporaire, la contestation semble reprendre de la vigueur.
Le président Rajoelina, qui avait renvoyé son gouvernement pour tenter d’apaiser les tensions, a nommé lundi un militaire, le général Ruphin Zafisambo, au poste de Premier ministre. Une décision perçue comme un durcissement autoritaire.
Crainte d’une « dérive militaire »
Plus de 200 organisations de la société civile ont dénoncé une « dérive militaire » dans la gestion du pays. Depuis le début du mouvement, l’ONU fait état d’au moins 22 morts, un bilan contesté par le chef de l’État qui parle de 12 « pilleurs ».
« Le président est égoïste. Il fait des promesses qu’il n’applique jamais », fustige Niaina Ramangason, étudiant en polytechnique, présent dans le cortège.
Parallèlement, des appels à la grève générale se multiplient. Certains enseignants de lycées publics ont déjà cessé le travail, tandis que la prison centrale d’Antanimora reste paralysée par une grève des agents pénitentiaires.
Un pays fragilisé
Dans ce pays où 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté fixé par la Banque mondiale (4,5 $ canadiens/jour), la colère populaire prend racine dans une précarité chronique. La montée de la contestation pose désormais un défi politique majeur à un président accusé de s’accrocher au pouvoir dans un climat d’instabilité sociale et institutionnelle.