1 octobre 2025
Laurent Saint-Cyr : une résolution des Nations Unies peut-elle prolonger son mandat au-delà du 7 février 2026 ?
Actualités Cas d'assassinat Corruption Diplomatie Élections Pages d'Histoire d'Haiti PHTK autorise l'occupation du pays Société

Laurent Saint-Cyr : une résolution des Nations Unies peut-elle prolonger son mandat au-delà du 7 février 2026 ?

L’Edito du Rezo

Le principe de la souveraineté nationale, réaffirmé dans l’article 58 de la Constitution de 1987, stipule que « la souveraineté nationale réside dans l’universalité des citoyens » et non dans une résolution internationale, quelle qu’en soit la portée normative.

La diffusion du communiqué présidentiel du 30 septembre 2025, qui exalte le vote du Conseil de sécurité des Nations Unies en faveur de l’établissement d’une Force de suppression des gangs (GSF), met en exergue une aporie centrale dans la gouvernance d’Haïti : le heurt entre l’ordre normatif international et le régime de facto interne. Loin de constituer une simple déclaration diplomatique, ce texte engage une réflexion sur la portée des résolutions onusiennes au regard de la souveraineté nationale, principe cardinal du droit public haïtien. En effet, si l’intervention des Nations Unies traduit une reconnaissance internationale de l’urgence sécuritaire, elle ne saurait en aucune manière être assimilée à une délégation de pouvoir politique, ni constituer un prolongement implicite du mandat d’un organe transitoire tel que le Conseil Présidentiel de Transition. La Constitution de 1987, fruit d’un référendum populaire et expression suprême de la volonté générale, demeure la seule source de légitimité démocratique. Toute tentative de s’adosser à un acte international pour contourner les échéances prévues en droit interne relèverait, au regard des principes de hiérarchie des normes et de souveraineté populaire, d’une usurpation juridique et politique.

La présidence actuelle du CPT s’inscrit dans une trajectoire institutionnelle fragile. L’accord du 3 avril, jamais publié au Moniteur, prive d’emblée cette transition d’une assise juridique formelle. Des acteurs politiques tels que Louis-Gérald Gilles ou Smith Augustin, pressentis à la présidence du Conseil, n’ont jamais accédé à cette fonction, révélant les manipulations d’équilibre interne et les soupçons d’arrangements opaques. La présence de figures contestées, accusées de conflits d’intérêts et de pratiques douteuses dans des affaires financières liées à la BNC, entame la crédibilité du CPT. En ce sens, parler d’« élections crédibles » organisées par ce conseil relève davantage de l’incantation diplomatique que d’une perspective réelle.

Le parallèle avec l’expérience d’Ariel Henry, qui avait déjà plaidé pour une force robuste, mérite d’être souligné. L’appel de Saint-Cyr à la communauté internationale reproduit un schéma déjà éprouvé, bouyon rechofe : invoquer le soutien sécuritaire externe pour tenter de justifier la continuité du pouvoir exécutif, en dépit des échéances imposées au peuple haïtien par l’accord d’avril 2024, signé entre alliés de circonstance et véritables coquins politiques. Reste à savoir si, au terme de ces arrangements viciés, l’on accordera enfin au peuple haïtien le bénéfice de sa propre cause. L’histoire haïtienne, marquée par les précédents de 1918 et par les multiples occupations internationales, enseigne que la légitimité d’un pouvoir ne peut être déléguée par des résolutions internationales, mais doit trouver sa source dans la volonté populaire exprimée dans des élections libres et transparentes.

Le commentaire politique et juridique doit rappeler que l’actuelle transition s’inscrit dans une longue succession de gouvernements provisoires et de mandats prolongés en marge du cadre constitutionnel. La métaphore biblique de la « traversée du désert » témoigne avec force la condition du peuple haïtien, contraint d’endurer un provisoire sans fin, où les promesses de démocratie et de stabilité se dissipent dans les pratiques enracinées de corruption et de clientélisme. Qu’ils soient élus par les urnes, cooptés par des arrangements de coulisses ou autoproclamés à la faveur des crises, les dirigeants haïtiens tendent à exercer le pouvoir comme une rente indue, en flagrante contradiction avec la règle cardinale de l’alternance démocratique. Dans ce contexte, le discours de Laurent Saint-Cyr, habillé de formules diplomatiques et de remerciements adressés à la communauté internationale, élude la méfiance structurelle que nourrit la société civile face à un Conseil Électoral Provisoire discrédité et à un appareil institutionnel qui, loin d’incarner la légitimité populaire, reproduit les travers d’un système électoral incapable d’inspirer confiance.

Le problème central n’est pas tant l’éventualité d’un rétablissement de l’ordre par une intervention internationale que la nécessité de rappeler que la sécurité ne saurait se confondre avec la légitimité institutionnelle.L’histoire haïtienne, de l’occupation de 1915-1934 aux interventions post-2004, atteste qu’aucune présence étrangère n’a jamais résolu les crises politiques endogènes. Ce que demande le peuple haïtien, ce n’est pas une nouvelle tutelle internationale, mais un retour au respect de la Constitution et une rupture avec les pratiques opaques du pouvoir. En ce sens, Laurent Saint-Cyr devrait préparer son départ le 7 février 2026 et ouvrir un processus électoral réellement inclusif, plutôt que de nourrir l’illusion qu’une résolution du Conseil de sécurité peut lui octroyer une légitimité prolongée. L’international, tout au plus, peut appuyer un cadre ; il ne saurait fabriquer une souveraineté que seule la nation détient.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.