En Haïti, le terme « gang » évoque immédiatement la violence armée, les kidnappings et la terreur des quartiers populaires. Mais, dans les coulisses de la société, il existe une autre forme de clan, moins visible mais tout aussi redoutable : les « gangs de plume ».
Ces groupes ne tiennent pas des fusils, mais des stylos, des micros ou des claviers. Ils utilisent la puissance de l’écriture et de la parole pour attaquer, salir, manipuler ou défendre des causes souvent dictées par des intérêts politiques ou économiques. Articles de presse orientés, tribunes incendiaires, publications commanditées sur les réseaux sociaux : leur arsenal est symbolique, mais redoutable.
Comme les gangs armés, ils fonctionnent en clans solidaires, prêts à se mobiliser pour détruire la réputation d’un adversaire ou glorifier un protecteur. Certains journalistes, chroniqueurs ou écrivains se mettent ainsi au service de causes particulières, troquant leur indépendance contre des avantages financiers ou matériels.
Cette réalité affaiblit l’espace public haïtien, car au lieu d’élever le débat, la plume se transforme en instrument de polarisation et de division. Dans un pays déjà miné par la crise, la manipulation de l’opinion devient une arme silencieuse mais destructrice.
Face à cette dérive, la question demeure : qui osera utiliser la plume non pas comme un poignard, mais comme un outil de vérité, de lucidité et de construction collective ?
Benjy ORICIA