16 septembre 2025
Haïti : La Banque mondiale poursuit son appui sur le terrain malgré la volatilité croissante
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Haïti : La Banque mondiale poursuit son appui sur le terrain malgré la volatilité croissante

par Anne-Lucie Lefebvre

Ma connexion avec Haïti a commencé avec une poupée exotique et colorée offerte par mes parents après une courte visite dans ce pays des Caraïbes. J’avais 16 mois. Des décennies plus tard, j’ai visité Haïti pour la première fois en tant que responsable pays de la Banque mondiale et j’y ai découvert une terre riche en opportunités, une culture formidable, une cuisine exceptionnelle, une population jeune, mais aussi un pays entravé par les facteurs de fragilité qui freinent son développement socioéconomique.

Certaines personnes pourraient dire que je suis arrivée à un très mauvais moment. En août 2024 – il y a un peu plus d’un an – un moment où la liberté de circulation est complètement restreinte dans la capitale, contrôlée à 85 % par des groupes armés. Depuis 2019, Haïti est plongée dans une vague d’insécurité chronique provoquée par la prolifération de groupes armés, en particulier dans la capitale, Port-au-Prince, mais aussi dans les départements du Centre et de l’Artibonite.

Le niveau de violence et d’insécurité demeure élevé, avec des conséquences dévastatrices pour la population, notamment le déplacement de 1 300 000 personnes au 30 juin. Selon le Service des droits de l’homme du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), entre le 1er janvier et le 30 juin 2025, plus de 3 100 personnes ont été tuées et plus de 1 100 blessées dans le cadre de violences perpétrées par des gangs, des groupes d’autodéfense, des membres non organisés de la population ainsi que lors d’opérations des forces de sécurité.

La combinaison de crises politiques, de violences sociales croissantes, de séismes successifs, d’ouragans et d’épidémies au cours de la dernière décennie a accentué la pauvreté et la fragilité. Cette situation a été aggravée par des institutions faibles, la perception de corruption généralisée et une inégalité extrême. En décembre 2024, sous l’égide du gouvernement, la Banque mondiale a lancé une évaluation en partenariat avec l’ONU, l’UE et la BID, qui a estimé qu’Haïti aurait besoin de 1,34 milliard de dollars au cours des deux prochaines années pour couvrir les besoins immédiats résultant de la crise sécuritaire.

C’est dans ce contexte que la Banque mondiale a approuvé une stratégie pour Haïti, que nous appelons le Cadre de partenariat-pays. Ce document expose les priorités du Groupe de la Banque mondiale pour soutenir Haïti dans la restauration de la gouvernance, le maintien des services publics essentiels et la reprise de la croissance. Il couvre la période 2025 à 2029. Alors que le contexte sur le terrain évolue sans cesse, la stratégie veille à ce que l’action de la Banque mondiale en Haïti reste pertinente, contribue à préserver les acquis du développement et cible les besoins des plus vulnérables.

Grâce à cette nouvelle stratégie, nous mettrons à disposition environ 320 millions de dollars de subventions, dans le but de renforcer la résilience des populations les plus vulnérables d’Haïti. Etant donné l’immense potentiel dont dispose Haiti, nous choisissons de voir le verre à moitié plein, plutôt qu’à moitié vide, et nous travaillons, grâce à l’Association internationale de développement, à le remplir. Récemment, le vice-président de la Banque mondiale pour l’Amérique latine et les Caraïbes, intervenant sur la situation d’Haiti, a souligné que le coût de l’inaction serait insoutenable pour les générations futures. La Banque mondiale, à travers l’IDA, investit pour remplir ce verre.

Nous travaillons à renforcer le développement humain par des actions ciblées autour de trois piliers principaux. Premièrement, nous voulons renforcer la gouvernance économique et créer des opportunités d’emplois. Le Groupe de la Banque mondiale continuera de soutenir des actions à court et moyen terme pouvant catalyser des changements structurels à long terme, en soutenant l’agriculture résiliente au climat et en facilitant l’accès au crédit et aux ressources financières. L’amélioration des routes, de l’accès à l’énergie, à l’eau et à une meilleure connectivité digitale est également vitale pour les populations impliquées dans les chaînes de valeur agricoles.

Maintenir une capacité institutionnelle essentielle pour soutenir la prestation des services de base constitue un autre pilier de notre stratégie. Sur ce point, la Banque mondiale appuiera la modernisation institutionnelle au niveau central, la mise en œuvre de réformes-clés en matière de décentralisation, ainsi que la promotion d’une plus grande redevabilité et de la participation citoyenne à différents niveaux. S’attaquer aux griefs socio-économiques liés à l’inégalité et à l’exclusion, et rétablir la confiance du secteur privé, seront essentiels pour aider le gouvernement dans les domaines critiques de la fourniture des services publics.

Enfin, mais non des moindres, nous concentrerons nos efforts sur la préservation du capital humain et le renforcement de la résilience face aux catastrophes naturelles et aux chocs d’origine humaine. L’appui au gouvernement dans la préparation et la réponse d’urgence, la réduction des risques de catastrophe, la reconstruction des infrastructures de base et le renforcement de la résilience dans les secteurs des transports et de l’urbanisme sont essentiels. L’objectif est d’améliorer la résilience et la préparation dans les zones à risque climatique élevé, en développant les systèmes d’alerte précoce, la surveillance des maladies, l’accès aux routes en toute saison, les infrastructures de transport et la résilience des aéroports.

Il est important de souligner que la réussite de ces actions dépendra fortement de l’évolution du contexte social et sécuritaire. Pour permettre la continuité des activités, la Banque mondiale a relocalisé son bureau principal au Cap-Haïtien et adapté la portée de certains projets afin qu’ils soient mieux alignés avec la nouvelle réalité, tout en accroissant notre flexibilité pour créer davantage d’opportunités pour les populations les plus vulnérables. La Banque mondiale reste engagée envers le peuple haïtien !

Anne-Lucie Lefebvre

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