13 septembre 2025
« Un Haïtien au cœur de la gouvernance éducative mondiale : Nesmy Manigat promu par le GPE » ou l’éloge de la corruption, du népotisme et de l’impunité
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« Un Haïtien au cœur de la gouvernance éducative mondiale : Nesmy Manigat promu par le GPE » ou l’éloge de la corruption, du népotisme et de l’impunité

Par Robert Berrouët-Oriol

Linguiste-terminologue

Conseiller spécial, Conseil national d’administration du Regroupement des professeurs d’universités d’Haïti (REPUH)
Konseye pèmanan, Asosyasyon pwofesè kreyòl Ayiti (APKA)
Membre du Comité international de mise à jour du Dictionnaire des francophones

Montréal, le 12 septembre 2025

Lettre ouverte à Laura FRIGENTI

Directrice 

Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation

701 18th Street N.W.
2e étage
Washington D.C., 20006
États-Unis d’Amérique

NOTA BENE / Cette lettre ouverte est acheminée à sa destinataire en version originale française et en traduction anglaise.

Madame la Directrice générale,

Les remontées de terrain qui nous parviennent d’Haïti confirment, toutes, la stupeur et la réprobation d’un grand nombre d’enseignants et de directeurs d’écoles à l’annonce de la nomination de Nesmy Manigat, ancien ministre de l’Éducation d’Haïti, au poste d’« envoyé et conseiller de haut niveau promu par le GPE » au cœur de la gouvernance éducative mondiale. Une telle annonce a une résonance particulière dans l’écosystème éducatif haïtien amplement dévoyé et corrompu, ces douze dernières années, par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste, écosystème dont le ministre Nesmy Manigat était la « vedette médiatique » et l’ordonnateur. Elle intervient également dans le prolongement du vaste scandale de corruption, de gabegie administrative et financière et de népotisme au Fonds national de l’éducation d’Haïti : Nesmy Manigat a été président du Conseil d’administration de cette institution à deux reprises. Aux yeux de plusieurs enseignants haïtiens que nous avons consultés, la « nomination-promotion » de Nesmy Manigat constitue, explicitement, un éloge délictueux de la corruption et du népotisme dans le secteur éducatif national haïtien. Et sur le registre de la reddition institutionnelle de compte, elle est également un plaidoyer, à l’échelle internationale, en faveur de l’impunité comme vecteur associé à la gouvernance de l’éducation. Le présent article en fait la démonstration par le rappel des faits historiques et par celui des pratiques kleptocratiques, du népotisme et des détournements de millions de dollars à travers la chaîne de l’invisibilisation de la corruption dans le système éducatif haïtien durant les deux mandatures de Nesmy Manigat à l’Éducation nationale. 

Datée du 5 septembre 2025, l’annonce de la « nomination-promotion » de Nesmy Manigat est consignée sur le site officiel du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation. La version française du texte de cette « promotion » a pour titre « Le GPE annonce la nomination de Nesmy Manigat comme envoyé de haut niveau pour l’éducation ». Elle a été reprise le 5 septembre 2025 par le site haïtien leplacentin.com et dans son édition du 5 septembre 2025 Le Nouvelliste, à Port-au-Prince, en fait état sous le titre « Nesmy Manigat nommé envoyé de haut niveau et conseiller pour l’éducation du GPE ». La « nomination-promotion » de Nesmy Manigat est ainsi fidèlement reproduite sur le site leplacentin.com : 

« Le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE) a annoncé la nomination de Nesmy Manigat, ancien ministre haïtien de l’Éducation, en tant qu’envoyé et conseiller de haut niveau. Cette distinction place un Haïtien parmi les figures appelées à influencer la gouvernance éducative internationale.

Le GPE est un partenariat et un fonds mondial qui soutient plus de 90 pays à faible revenu dans la transformation de leurs systèmes éducatifs. En mobilisant ressources et expertises, il œuvre pour garantir une éducation de qualité aux enfants, en particulier dans les régions les plus vulnérables, où la crise de l’apprentissage compromet l’avenir de millions de jeunes.

« Ces dernières années, Nesmy Manigat a joué un rôle déterminant dans les efforts du GPE pour donner à chaque enfant la possibilité d’apprendre », a souligné Laura Frigenti, directrice générale de l’organisation. Elle a mis en avant son engagement constant et sa vision, rappelant que l’éducation constitue un levier essentiel pour la santé, l’égalité, la croissance économique et la stabilité mondiale.

De son côté, Nesmy Manigat a exprimé sa fierté et son engagement renouvelé : « Je suis honoré d’avoir été nommé envoyé et conseiller de haut niveau auprès du GPE. Je m’engage à amplifier la voix des enfants et des jeunes des pays partenaires et à soutenir la prochaine reconstitution des ressources du partenariat. Dans un monde en crise, investir dans l’éducation est une urgence collective. »

Économiste et expert reconnu, Manigat a occupé à deux reprises le poste de ministre de l’Éducation nationale d’Haïti, de 2014 à 2016 puis de 2021 à 2024. En 2024, il a été élu président du Comité des finances et des risques du GPE, organe qui veille à la bonne gestion des ressources de l’organisation. Cette nouvelle nomination confirme son rôle central dans la gouvernance éducative internationale.

Aux côtés de Serigne Mbaye Thiam, ancien ministre sénégalais, et de Ruth Kagia, ex-haute conseillère du Kenya, Nesmy Manigat représentera désormais la voix des enfants et des jeunes à l’échelle mondiale. Pour Haïti, sa présence au sein de ce cercle restreint illustre l’apport d’expertise du pays à la cause universelle du droit à l’éducation. » [Le souligné en italiques et gras est de RBO]

La « nomination-promotion » de Nesmy Manigat par le Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation repose-t-elle sur un bilan analytique public de l’action du « ministre-délégué » du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste dans le système éducatif haïtien ? Aux yeux des enseignants haïtiens, quel est le bilan réel et mesurable de l’action de Nesmy Manigat à l’Éducation nationale ? 

PREMIER DÉNI DE RÉALITÉ : le Partenariat mondial pour l’éducation occulte le bilan réel de la gestion administrative et financière de Nesmy Manigat à la direction du ministère de l’Éducation nationale d’Haïti

En amont de la rédaction de la présente lettre ouverte à LAURA FRIGENTI , Directrice générale du GPE/PME, nous avons rigoureusement consulté différentes rubriques du site officiel du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation et nous n’avons trouvé nulle trace d’un quelconque bilan documenté de l’action de Nesmy Manigat à la direction de l’Éducation nationale Nous n’avons pas non plus trouvé un quelconque document relatif aux critères de nomination et/ou de promotion des cadres de la haute direction du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation… 

En l’absence de ces deux documents majeurs et compte-tenu des données accessibles en ligne et relatifs au bilan réel de l’action de Nesmy Manigat à l’Éducation nationale, nous exposons le constat que le Partenariat mondial pour l’éducation met en oeuvre deux dispositifs stratégiques majeurs : (1) celui de la myopie et de la surdité volontaires étroitement liées à (2) celui du silence complaisant sur le bilan réel de la gestion administrative et financière de Nesmy Manigat à la direction du ministère de l’Éducation nationale d’Haïti. Ces deux dispositifs stratégiques majeurs autorisent le Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation à manipuler et à trafiquer les faits historiques quant au bilan réel de Nesmy Manigat à l’Éducation nationale afin de lui accorder une « suprême distinction », sa nomination à titre d’envoyé et conseiller de haut niveau. Il faut en prendre toute la mesure et en évaluer les conséquences prévisibles d’autant plus que Nesmy Manigat est du sérail, il a auparavant été, de 2021 à 2023, le « serviable » Président du Comité de gouvernance, d’éthique, du risque et du financement du Partenariat mondial pour l’éducation… 

L’on observe qu’il est invraisemblable qu’une organisation internationale de l’envergure du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation –« qui soutient plus de 90 pays à faible revenu dans la transformation de leurs systèmes éducatifs »–, ne dispose pas de données analytiques vérifiables sur la gestion administrative et financière de Nesmy Manigat à la direction du ministère de l’Éducation nationale d’Haïti. Il est invraisemblable qu’une organisation internationale de l’envergure du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation ne soit pas en possession des états financiers et des audits administratifs et financiers émanant de toutes les institutions internationales et des gouvernements dits « amis d’Haïti » dans le secteur de l’éducation nationale d’Haïti ces douze dernières années. Il est invraisemblable qu’une organisation internationale de l’envergure du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation n’ait pas sollicité du ministère de l’Éducation d’Haïti les états financiers et les audits administratifs et financiers de chacun des programmes financés par la coopération bilatérale et/ou internationale ces douze dernières années. 

Il est par contre vraisemblable que le Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation ait choisi de fermer les yeux et d’« oublier » que de telles données analytiques relatives à la gestion administrative et financière auraient dû figurer parmi les premiers critères évaluatifs d’attribution, à Nesmy Manigat d’un poste de haut niveau à sa direction. L’on observe, à ce sujet, que nulle part il n’est question de critères évaluatifs dans la déclaration du 5 septembre 2025 intitulée « Le GPE annonce la nomination de Nesmy Manigat comme envoyé de haut niveau pour l’éducation ». Ce texte –publié sur le site officiel du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation–, est de nature déclarative sinon propagandiste et flagorneuse : il expose un satisfecit institutionnel dénué de la moindre référence documentaire à l’appui de la « nomination-promotion » de Nesmy Manigat pourtant publiquement « indéxé » par l’ULCC, l’Unité de lutte contre la corruption, dans le dossier de la corruption au Fonds national de l’éducation et dans le scandale des détournements de fonds au PSUGO. 

L’on observe que reconduit illégalement à la direction de l’Éducation nationale, le 24 novembre 2021, dans le contexte d’une gouvernance inconstitutionnelle du pays –ce qui ne semble lui poser aucun problème d’éthique politique–, Nesmy Manigat est porteur depuis plusieurs années d’un certain nombre d’idées relatives au système éducatif national. À travers des déclarations publiques et des articles parus dans la presse, il défend une vision apparemment novatrice de la gouvernance du système éducatif national et cette vision, si elle comporte une dimension linguistique, doit être scrutée de manière objective, en particulier au chapitre de l’aménagement du créole dans l’École haïtienne.

Dès son retour à la direction du ministère de l’Éducation nationale, les toutes premières déclarations publiques de Nesmy Manigat –qui ne se réfèrent à aucun plan d’ensemble, il faut bien le noter–, ont paru démagogiques et politiciennes à l’ensemble des observateurs de la « scène » scolaire en Haïti.  Au sein d’un gouvernement sans prise réelle sur les grands dossiers de la gouvernance du pays, il entend d’entrée de jeu « résoudre » le vieux problème de la nomination des étudiants finissants de l’École normale supérieure dans les écoles de la République et, surtout, réactiver « les douze mesures » administratives » qu’il avait promues sous la houlette de Michel Martelly, le caïd-en-chef du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste… « Les 12 mesures sont de retour en force » a-t-il cocoricoté lors de son installation, pour remettre sur le tapis une potion magique qu’il a conçue et généreusement offerte au système éducatif haïtien dès le 8 août 2014 et dont on a attendu, en vain, les résultats mesurables… Fuite en avant, stratégie-blòf de communication ou effet d’une certaine mal-voyance politique, ces déclarations sont en lien avec le bilan du premier passage de Nesmy Manigat à la direction du ministère de l’Éducation nationale (2014 – 2016).

Au chapitre des idées de Nesmy Manigat sur la gouvernance de l’Éducation nationale, il y a lieu de rappeler qu’il a soutenu celle d’une énième « réforme » du système éducatif national plutôt que sa complète refondation prônée par de très nombreux enseignants. On ne lui connaît aucun texte, aucune déclaration publique ciblant le droit à la langue maternelle créole dans l’École haïtienne qu’il prétend vouloir « moderniser ». Comme l’expose un article paru en 2018 en Haïti, « L’ancien ministre de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle, Nesmy Manigat, attire l’attention sur des défis immenses qui [sont en lien avec] les problèmes fondamentaux du système éducatif haïtien. Deux ans après son départ du ministère de l’Éducation nationale (…), M. Manigat, actuel président du comité de gouvernance du Partenariat mondial pour l’éducation, constate avec déception qu’aucune réforme n’est en marche malgré l’engagement pris par d’importantes personnalités de la société en faveur du « Pacte national pour une éducation de qualité » (voir l’article « Éducation : la réforme ne doit pas attendre », Le National, Port-au-Prince, 30 août 2018). Sans se référer ouvertement dans le même article à son propre bilan, Nesmy Manigat précise ce qui suit : « Nous avons beaucoup zigzagué et perdu du temps, et, aujourd’hui, à part de simples idées de réforme, nous ne pouvons pas dire que le pays suit un véritable plan ».

Sur le site officiel du ministère de l’Éducation nationale, il est impossible de retracer, documents à l’appui, les résultats mesurables d’une verbeuse profusion de « réformes » et d’« actions opérationnelles » que Nesmy Manigat aurait mises en oeuvre dans le système éducatif national… En réalité, par-delà les effets d’annonce et le « buzz médiatique » propulsés au moyen d’une cascade de « réformes » en état comateux sitôt annoncées, TROIs DISPOSITIFS SYSTÉMIQUES CARACTÉRISENT LA GOUVERNANCE DU SYSTÈME ÉDUCATIF HAÏTIEN SOUS LA HOULETTE DE NESMY MANIGAT : 

  1. l’absence d’une politique linguistique éducative devant encadrer l’apprentissage des matières scolaires et celui de l’aménagement du créole dans l’École haïtienne
  2. la propagande délictueuse et le plaidoyer visant l’implémentation du « populisme éducatif » qu’illustrent entre autres l’aventure du LIV INIK AN KREYÒL, le renforcement des attributions et de l’action du Fonds national de l’éducation et la caution politique et administrative accordée au PSUGO
  3. l’absence d’une politique ministérielle de lutte contre la corruption dans le système éducatif haïtien.

Nous examinerons brièvement, plus loin dans le déroulé du présent article, en quoi consiste et comment est systématisée la corruption au PSUGO et au Fonds national de l’éducation. Le phénomène de la corruption dans le secteur de l’éducation a été l’objet de rigoureuses analyses. Ainsi, à l’échelle internationale, plusieurs spécialistes du secteur de l’éducation estiment que le Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation a été créé par de puissants lobbies financiers nord-américains selon la « vision » de la coopération bi et multilatérale véhiculée par la USAID et pour concurrencer l’action de l’UNESCO… Cela expliquerait pour l’essentiel le fait que sur le site officiel du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation, « qui soutient plus de 90 pays à faible revenu dans la transformation de leurs systèmes éducatifs », l’on ne trouve aucun document traitant de la corruption dans le secteur de l’éducation à travers le monde. À cet égard, l’on prendra toute la mesure que l’UNESCO a depuis plusieurs années inscrit la lutte contre la corruption dans les systèmes éducatifs au chapitre de ses priorités majeures. L’UNESCO a ainsi entériné le récent diagnostic de Transparency International intitulé « Rapport mondial sur la corruption : l’éducation » daté du 1er octobre 2013. Ce rapport, consigné sur ETICO, le site de l’Institut international de planification de l’éducation de l’UNESCO, expose que « La corruption et la mauvaise gouvernance sont reconnues comme des obstacles considérables au droit à l’éducation et à la réalisation des Objectifs mondiaux pour le développement. La corruption limite non seulement l’accès à l’éducation mais porte également atteinte à la qualité de l’enseignement et à la fiabilité des résultats de la recherche. Des risques de corruption majeurs peuvent être identifiés à tous les échelons des systèmes éducatif et universitaire, de la passation de marchés publics biaisés pour les fournitures scolaires au népotisme dans le recrutement des enseignants, en passant par la vente et l’achat de diplômes et la distorsion des résultats de la recherche. Par ailleurs, l’éducation sert à renforcer l’intégrité personnelle et représente un outil indispensable dans la résolution efficace du problème de la corruption. Le « Rapport mondial sur la corruption » est la publication phare de Transparency International : il concentre l’expertise du mouvement de lutte contre la corruption sur un secteur ou une facette particulière de la corruption. Le « Rapport mondial sur la corruption : l’éducation » comporte plus de 70 articles de spécialistes des domaines de la corruption et de l’éducation issus du monde universitaire, de groupes de réflexion, des entreprises, de la société civile et des organisations internationales ».

La corruption au PSUGO, vaste « station de pompage » des ressources financières : d’abord aussumée, furtivement dénoncée puis renforcée par Nesmy Manigat durant ses deux mandatures à l’Éducation nationale

Le Programme de scolarisation universelle et gratuite (PSUGO) a été mis sur pied en 2011 par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste : très largement dénoncé par les enseignants et les directeurs d’écoles, il a donné lieu à une énorme opération de détournement de fonds publics et de gabegie administrative. Sur la corruption au PSUGO, un diagnostic objectif a été établi par AlterPresse au terme « d’une longue et rigoureuse enquête (portant sur des documents et à l’aide de témoignages et entrevues), et les résultats ont été publiés en trois livraisons, « Le Psugo, une menace à l’enseignementen Haïti ?  (parties I, II, III) ». Dans ce diagnostic il est précisé que « Mal planifié et slogan de campagne électorale de l’actuelle administration politique, le Programme de scolarisation universelle, gratuite et obligatoire (Psugo), dit « lekòl gratis », se révèle entaché d’irrégularités, trois ans après son lancement officiel en octobre 2011, suivant les données recueillies par Ayiti kale je (Akj) au cours d’une investigation [de] deux mois. » À propos du PSUGO promu par Nesmy Manigat, le même diagnostic objectif a été élaboré par Charles Tardieu, enseignant-chercheur, spécialiste des sciences de l’éducation et ancien ministre de l’Éducation nationale. Dans son article fort bien documenté et rigoureux, « Le Psugo, une des plus grandes arnaques de l’histoire de l’éducation en Haïti » (30 juin 2016), Charles Tardieu analyse les mécanismes mis en œuvre par le PHTK néo-duvaliériste pour pérenniser cette vaste arnaque de détournement de fonds dans un premier temps dénoncée puis, dans un second temps, amplement soutenue par Nesmy Manigat.  

C’est le lieu de rappeler que dès son retour, en novembre 2022, à la direction du ministère de l’Éducation nationale, le ministre Nesmy Manigat a vite fait de reconduire le décrié PSUGOLa presse locale en a fait état à travers divers articles. Ainsi, « Dans le cadre du Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO) seules les écoles publiques sont autorisées (sauf dérogation formelle du MENFP) à accueillir la nouvelle cohorte en première année fondamentale 2014-2015. Les enfants déjà en cours de scolarisation à travers le PSUGO poursuivent normalement leur parcours d’études » (voir l’article « Nesmy Manigat reprend les rênes du ministère de l’Éducation nationale », Le Nouvelliste, 26 novembre 2021). Cette décision de reconduire le PSUGO doit être mise en perspective au creux des déclarations antérieures du ministre missionné par le cartel politico-mafieux du PHTK : « Le ministre de l’Éducation Nationale, Nesmy Manigat, affirme que les 85 directeurs d’écoles récemment épinglés pour corruption dans le cadre du PSUGO ne représentent qu’une infirme partie des détournements de fonds publics dans le secteur éducatif ». Et sans identifier les mécanismes institutionnels de ces détournements de fonds publics, il a précisé que « Plusieurs centaines d’écoles sont impliquées dans ces détournements (…) rappelant que les directeurs corrompus ont des connexions au sein du ministère de l’Éducation » (voir l’article « Important réseau de corruption au sein du Psugo », Radio Métropole, 13 juillet 2015). Les directeurs d’écoles épinglés et leurs zélés « correspondants » au sein du ministère de l’Éducation nationale ont-ils été traduits en justice ou ont-ils bénéficié de l’obscure impunité qui gangrène le corps social haïtien ainsi que les institutions du pays, notamment le ministère de l’Éducation nationale ? NOTE – À propos de la corruption au PSUGO, voir également l’article « Le système éducatif haïtien à l’épreuve de malversations multiples au PSUGO », par Robert Berrouët-Oriol, Le National, Port-au-Prince, 24 mars 2022.

Le bilan analytique du PSUGO a également fait l’objet d’un rapport de la FJKL (Fondasyon je klere), une institution haïtienne connue pour sa rectitude et la rigueur de ses analyses et dont la mission consiste à « Promouvoir la défense et la protection des droits humains en Haïti ». Le 14 mars 2022, elle a diffusé un rapport en 46 points intitulé « Programme de scolarisation universelle, gratuite et obligatoire (PSUGO) : détournement de fonds publics ? La CSC/CA finira-t-elle par décider dans ce dossier d’une technicité qui tranche avec la routine ? » Dans ce rapport, la FJKL estime que « Le dossier du PSUGO est l’un des dossiers sur lesquels la population souhaite qu’une décision de justice soit prise, précisément sur la gestion de ces fonds. La CSCCA [Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif] doit se prononcer, dans le meilleur délai possible, pour qu’un début d’éclaircissement y soit apporté, prenant ainsi en compte les attentes légitimes de tout le pays et de la diaspora haïtienne fortement concernée dans ces prélèvements pour le compte du PSUGO. »

Ces différents rapports ont été amplement diffusés en Haïti et en diaspora : il est invraisemblable qu’une organisation internationale de l’envergure du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation n’ait pas sollicité du ministère de l’Éducation d’Haïti les états financiers et les audits administratifs et financiers du Programme de scolarisation universelle, gratuite et obligatoire (PSUGO)… En s’abstenant de le faire, le Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation se révèle cohérent et fidèle à ses deux dispositifs stratégiques majeurs : (1) celui de la myopie et de la surdité volontaires étroitement liées à (2) celui du silence complaisant sur le bilan réel de la gestion administrative et financière de Nesmy Manigat à la direction du ministère de l’Éducation nationale d’Haïti. Il faut donc prendre toute la mesure que l’institution étatsunienne Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation —dont le siège social se trouve à Washington et qui a été fondée par des lobbies financiers américains–, ne s’embarrasse pas d’une vision et de principes éthiques/déontologiques aussi bien dans ses objectifs que dans leur implémentation dans différents pays où elle tient haut le pavé avec la bénédiction intéressée de certains régimes politiques, entre autres celui auquel appartient Nesmy Manigat, le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste. Sur le site officiel du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation, l’on cherchera en vain un énoncé similaire à celui de Transparency International exposant que « La corruption et la mauvaise gouvernance sont reconnues comme des obstacles considérables au droit à l’éducation et à la réalisation des Objectifs mondiaux pour le développement » (voir le document intitulé « Rapport mondial sur la corruption : l’éducation » daté du 1er octobre 2013). 

DEUXIÈME DÉNI DE RÉALITÉ : le Partenariat mondial pour l’éducation occulte l’existence attestée d’un vaste système de corruption au Fonds national de l’éducation, l’un des neuf organismes placés selon la Loi du 17 août 2017 sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale d’Haïti.

Le Fonds national de l’éducation, vaste structure gangstérisée de « pompage » des ressources financières de l’État, a fonctionné de manière informelle de 2011 à 2017. Il a été officialisé par la loi du 17 août 2017 mais il n’a jamais été inscrit au Budget officiel de l’État haïtien. Il est donc une structure opérationnelle échappant à tout audit du Parlement haïtien, institution de contrôle de l’action du gouvernement et qui a été atrophiée et frappée de caducité par le PHTK. Au fil de nos recherches documentaires et de la consultation d’enseignants en poste en Haïti, nous avons consacré plusieurs articles au système de corruption au Fonds national de l’éducation. En voici la liste :

1 — Le Fonds national de l’éducation en Haïti, un système mafieux de corruption créé par le PHTK néo-duvaliériste, Rezonòdwès, 20 avril 2024.

2 — La corruption au Fonds national de l’éducation en Haïti : ce que nous enseignent l’absence d’états financiers et l’inexistence d’audits comptables entre 2017 et 2024, Madinin’Art, 3 mai 2024.   

— En Haïti le Fonds national de l’éducation, haut-lieu de la corruption, tente de s’acheter une impunité « à vie » à Radio Magik9, Haïti Inter, 7 janvier 2025.

4 — En Haïti, la corruption généralisée au Fonds national de l’éducation met encore en péril la scolarisation de 3 millions d’écoliers , Rezonòdwès, 18 février 2025.

5 — Le parachutage de Sterline CIVIL à la direction du Fonds national de l’éducation : vers le renforcement de la corruption et de l’impunité dans le système éducatif national d’Haïti, Rezonòdwès, 5 mars 2025.

6 – L’occultation de la corruption au Fonds national de l’éducation : nouvelles acrobaties de Sterline Civil, profuse « missionnaire » du PHTK néo-duvaliériste , Rezonòdwès, 17 juin 2025.

7– Corruption, détournement de fonds publics, népotisme : le Fonds national de l’éducation défie et échappe encore à la Justice haïtienne, Madinin’Art, 22 août 2025.

La corruption systémique au Fonds national de l’éducation (FNE), amplement analysée dans ces articles, se déploie donc à travers les mailles de la chaîne de l’invisibilisation de la captation des fonds (taxes sur les appels téléphoniques, taxes sur les transferts d’argent, taxes diverses, etc.) amassés par le CONATEL puis dirigés vers le compte du FNE à la Banque de la République d’Haïti. 

Typologie des risques de corruption dans l’éducation — ETICO, site de l’Institut international de planification de l’éducation de l’UNESCO (IIPE)

L’IIPE a établi une typologie des risques de corruption dans différents domaines du champ éducatif, et l’on y trouve l’illustration de certains stratagèmes de la corruption dans le système éducatif haïtien. NOTE – L’on cherchera, en vain, l’équivalent de cette typologie des risques de corruption sur le site officiel du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation

Domaines de planification / gestionExemples de risques de coruption
Financement et allocation de subventions spécifiquesCaptation des fonds
Collecte de frais illégaux
Construction, entretien et réparation des équipements scolairesFraude dans les marchés publics
Inflation des coûts et des activités
Gestion et comportement des enseignantsEnseignants fantômes
Fraudes lors de la nomination et des affectations des enseignants
Cours privés
Examens et diplômes
Accès aux universités
Accréditation des établissements
Fraude lors des examens
Usines à diplômes et faux certificats
Fraude dans le processus d’accréditation
Systèmes d’informationManipulation des données
Production et publication irrégulières d’informations

Source : adapté de Hallak & Poisson, 2009.

Il est nécessaire, compte-tenu des caractéristiques de la corruption systémique au Fonds national de l’éducation que nous avons amplement analysées dans nos sept articles, d’ajouter à la typologie des risques de corruption de l’IIEP/UNESCO une donnée analytique de première importance en lien avec le volet « manipulation des données /
Production et publication irrégulières d’informations » de l’Institut international de planification de l’éducation de l’UNESCO (IIPE) : il s’agit de l’invisibilisation de la captation des fonds destinés à l’Éducation nationale. Nous en avons rigoureusement fait la démonstration dans les sept articles cités et l’on cherchera, en vain, une telle analyse de la corruption sur le site officiel du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation… Là encore, le Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation se révèle cohérent et fidèle à ses deux dispositifs stratégiques majeurs : (1) celui de la myopie et de la surdité volontaires étroitement liées à (2) celui du silence complaisant sur le bilan réel de la gestion administrative et financière de Nesmy Manigat à la direction du ministère de l’Éducation nationale d’Haïti.

RAPPEL – Le Fonds national de l’éducation est un SYSTÈME, une STRUCTURE comprenant plusieurs ACTANTS, ceux-ci sont des individus et des institutions engagés dans un processus transactionnel caractérisé comme suit : 

  1. Des ÉMETTEURS placés en diaspora au point A et effectuant des appels téléphoniques soumis à taxation vers le point B, vers Haïti ; les émetteurs sont des personnes qui effectuent des appels téléphoniques ou des transferts d’argent vers Haïti.
  2. Un RÉCEPTEUR, le CONATEL, placé en Haïti au point B, qui intercepte les appels téléphoniques ou les transferts d’argent et procède au prélèvement d’une taxe de 1.50 $ sur ces transactions.
  3. Le CONATEL achemine les taxes prélevées vers le point C, le compte bancaire du FNE à la Banque de la république d’Haïti. 
  4. Le compte bancaire du FNE à la Banque de la république d’Haïti, le point C, devient à son tour un ÉMETTEUR lorsque le FNE distribue divers montants d’argent vers le point D constitué des écoles réparties sur le territoire national.
  5. Le point D, constitué des écoles réparties sur le territoire national, devient à la fois un RÉCEPTEUR et un ÉMETTEUR : le récepteur reçoit divers montants d’argent en provenance du compte bancaire du FNE à la Banque de la république d’Haïti, tandis que le récepteur distribue divers montants d’argent dans des écoles réparties sur le territoire national. Ces divers montants d’argent sont attribués par le FNE pour payer des salaires ou des arriérés de salaires, et/ou payer des loyers, et/ou payer des travaux de réfection des écoles, et/ou construire de nouvelles infrastructures scolaires, et/ou doter des écoles de matériel scolaire.

L’on observe que c’est dans l’espace-temps compris entre les points B, C et D que s’activent divers mécanismes de détournement de fonds publics et d’invisibilisation de la corruption : les fonds collectés sont dirigés/détournés vers des comptes zombis détenus par des écoles zombis, pour payer des arriérés de salaire zombis, des loyers zombis, des travaux de réfection zombis, pour construire de nouvelles infrastructures scolaires zombis, pour doter des écoles zombis de matériel scolaire zombis. Dans ces circuits institutionnalisés de détournement d’argent, de nombreux relais opérationnels sont à l’œuvre, ce sont des « récepteurs/répartiteurs » bénéficiaires employés dans les différentes institutions de la chaîne de corruption (le CONATEL, la BRH, le FNE, les directeurs d’écoles, les prestataires de services zombis…

Dans un article paru le 1er décembre 2021 sur le site Tripfoumi.info, « Où sont passés les 1.50 $ sur les transferts, destinés au FNE ? », il est précisé que l’économiste Etzer Émile « (…) a pu décrypter la dilapidation qui se fait du Fonds national de l’éducation (FNE) provenant essentiellement des transferts entrants et sortants d’Haïti dont la taxe est fixée à 1.5 $ chacun. Établi depuis 2011, après les dix ans du pouvoir PHTK, personne ne sait où sont investies ces centaines de millions de dollars US. La décision de prélever 1.5 dollar sur tous les transferts qui proviennent de l’étranger et sortant d’Haïti a été prise le 20 mai 2011, seulement 6 jours après la prise du pouvoir de Michel Joseph Martelly comme président d’Haïti, le 14 mai 2011, d’après le professeur et économiste Etzer Émile. Cette mesure était illégale puisqu’elle ne faisait pas l’objet d’une loi ratifiée par le parlement à cette époque. Il [a fallu] attendre 2017 pour que cette disposition ait une couverture légale après avoir été votée [par] le Sénat, même si elle avait déjà été votée par la Chambre basse en 2012, toujours d’après l’auteur du livre « Haïti a choisi de devenir un pays pauvre », Etzer Émile. En ce sens, il est clair que le gouvernement a rassemblé cette taxe pendant 6 ans en dehors de la loi. La République n’a aucun détail sur la façon dont elle a été utilisée. Juste après sa ratification par le Sénat en 2017, la Cour supérieure des comptes est montée au créneau pour révéler des doutes de gestion liés à ce fonds d’après un rapport de la Banque de République d’Haïti (BRH) datant de septembre 2018, sept ans après l’application de cette mesure illégale. Le mois d’avril de cette même année, l’un des mois les plus rentables, il y avait environ 1 988 000 transferts dont 1,50 $ a été prélevé sur chaque appel, ce qui avait donné approximativement un montant de 2 872 000 dollars US pour seulement un mois, d’après le calcul de M. Émile. En effet, toujours selon le rapport de la BRH, 120 130 745 dollars US ont déjà été collectés pour les sept ans, de 2011 à 2018Il faut noter que le rapport de la BRH [publié] en 2018 est le seul document rendu public qui permet de se faire une idée de la valeur de ce fonds. En effet, Etzer Émile, étant un curieux, a pu découvrir que, en moyenne 1 600 000 transferts ont [été] effectués par mois d’après le rapport de 2018 de la BRH. Alors en 2021, après 3 ans, équivalant à 36 mois, 86 400 000 dollars US ont été comptabilisés, selon le bilan effectué par Etzer Émile ». [Le souligné en italiques et gras est de RBO]

L’on observe que le FONDS NATIONAL DE L’ÉDUCATION EST UN ÉTAT DANS L’ÉTAT : il collecte depuis 2011 différentes sortes de taxes mais ses entrées fiscales, ses recettes fiscales ne sont pas budgétisées, elles ne sont pas consignées dans le Budget officiel de la République d’Haïti. Alors même que le ministre des Finances, selon la Loi du 17 août 2017, est statutairement vice-président du Conseil d’administration du FNE, il n’exerce dans les faits aucun contrôle sur la gestion administrative et financière de cet organisme d’État. Aucun ministre des Finances, de 2011 à 2025, n’a publié un quelconque rapport dans lequel est analysé le bilan financier du FNE. État dans l’État, le FNE bénéficie –dans la chaîne de la corruption modélisée mise sur pied dès 2011 par le PHTK néo-duvaliériste–, d’une « complicité systémique organisée » au CONATEL et au sein de la Banque de la République d’Haïti qui, elle non plus, n’a publié aucun rapport annuel ces six dernières années (voir sur le site Web de la BRH la rubrique « Rapport annuel »). Il faut prendre toute la mesure que la BRH ne publie pas non plus d’audit financier depuis 2022 alors même qu’elle s’était engagée auprès du FMI à publier l’audit de 2023… en août 2025. Le communiqué de presse du FMI, daté du 1er mai 2025, est explicite à cet égard : « L’engagement des autorités budgétaires et monétaires à maintenir le financement monétaire du déficit à zéro est louable et doit se poursuivre. L’audit financier de la BRH pour l’exercice 2023 est urgent et sa publication éventuelle d’ici août 2025 serait importante pour démontrer la transparence » (voir le document « La direction du FMI approuve la première revue du programme de référence en faveur d’Haïti », 1er mai 2025).

Le Fonds national de l’éducation dans le collimateur de la presse et de l’ULCC (Unité de lutte contre la corruption)

Ces derniers temps, le journal en ligne Hebdo24 a publié plusieurs articles sur diverses facettes de la corruption au Fonds national de l’éducation : 

  1. « Corruption au Fonds National de l’Education : l’ULCC ouvre une enquête » (Haïti24, par la rédaction, 4 juin 2024) ;
  2. « FNE : Sterline Civil ou la transparence douteuse » (par Jenny Toussaint, 28 février 2025).
  3. « Les doutes persistent sur la capacité de Sterline CIVIL à la tête du FNE » (par Bernadin Jules, 5 mars 2025) ; 
  4. « Quand la Nation demande des comptes : Nesmy Manigat et sa mauvaise gestion au MENFP » (par Naïka Eugène, Hebdo24, 12 avril 2025) ; 
  5. « FNE : Le CEREH exige des clarifications sur les 19 milliards de gourdes destinés aux écoles en proie à l’insécurité », (par Naïka Eugène, Hebdo24, 8 mai 2025) ; 
  6. « Quand Nesmy Manigat choisit la voie du contournement médiatique plutôt que la reddition de comptes » (par Jenny Toussaint, 12 juin 2025) ; 
  7. « FNE : Ésaïe Beauchard dépose une plainte auprès de l’ULCC contre la directrice générale Sterline Civile » (par Bernadin Jules, 18 juin 2025).

Ces articles éclairent à plusieurs niveaux les malaises, les maux et les scandales de détournement de fonds et le népotisme qui ont cours au Fonds national de l’éducation depuis sa création informelle en 2011 et depuis sa légalisation en 2017. Ainsi, alors même que le FNE accusait des arriérés de salaire de l’ordre de 4 milliards de gourdes en 2016, l’on observe que la scandaleuse bamboche salariale, à l’œuvre dans le système dilapidateur du Fonds national de l’éducation, est évoquée dans l’article « Au Fonds national de l’éducation, l’argent se gaspille par « millions de gourdes » publié le 1er avril 2024 par le site hebdo24.com. En voici un extrait : « Depuis le weekend dernier, le Fonds national de l’éducation fait l’objet de graves dénonciations. En effet, le FNE constituerait une vraie vache à lait pour certaines personnes, dont son Directeur général. Selon des documents consultés par Hebdo24, le salaire mensuel de Jean Ronald Joseph s’élève à 650 000 gourdes [4 875 $ US]. Additionné sur 12 mois, son salaire est de 7 millions 800 mille gourdes annuellement. De plus, les dépenses salariales au sein du bureau de monsieur Joseph totalisent 24 millions de gourdes par an pour sept personnes, tandis que son cabinet, composé de dix-sept membres, représente une dépense annuelle de 49 millions de gourdes. Dans ces documents figurent des noms de firmes, d’écoles, de journalistes et d’autres contractuels, qui perçoivent des sommes astronomiques pour leurs services. C’est le cas de l’ancien député Déus Déroneth, qui reçoit un montant de 350 000 gourdes à titre de contractuel ».

La saga de la corruption endémique au Fonds national de l’éducation n’a donc pas échappé à l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) comme en fait foi un article fort éclairant paru sur le site Gazette Haïti News le 4 juin 2024. Ainsi, « Les locaux du Fonds national de l’éducation (FNE) ont été le théâtre ce mardi 4 juin 2024 d’une descente des lieux de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC). Selon une source digne de foi, des agents de cette institution ont confisqué des téléphones et archives lors de cette opération survenue suite aux accusations de corruption pesant sur le FNE et son directeur général, Jean Ronald Joseph. Dès leur arrivée, les agents de l’ULCC ont pris des mesures strictes : les téléphones des employés présents ont été confisqués, et ceux-ci ont été contraints de rester à l’intérieur de l’institution pendant toute la durée de l’opération. L’objectif de cette descente était clair : collecter un maximum de documents pour enquêter concernant les allégations de corruption qui minent l’institution. Les enquêteurs de l’ULCC ont concentré leurs efforts sur les archives de l’institution, en particulier celles relevant de la direction générale, de l’administration et de l’unité de passation des marchés. Fait notable, le directeur général du FNE, Jean Ronald Joseph, ainsi que le directeur de cabinet et l’administrateur de l’institution étaient absents au moment de la descente. Cette descente survient dans un climat déjà tendu autour du FNE. Les premières allégations de corruption ont été soulevées par l’avocat Caleb Jean Baptiste, qui a dénoncé des « pratiques douteuses » au sein de l’institution. Selon lui, des fonds destinés à des projets éducatifs auraient été détournés, et des contrats auraient été attribués de manière irrégulière, favorisant des proches du directeur général et ses amis » (voir l’article « L’ULCC fait une descente des lieux au FNE, des archives confisquées, le directeur général absent », Gazette Haïti News, 4 juin 2024 ; voir aussi « Des enquêteurs de l’ULCC ont perquisitionné le FNE », Le Nouvelliste, Port-au-Prince, 4 juin 2024). 

RAPPEL – L’absence d’états financiers et d’audit des états financiers du Fonds national de l’éducation de 2011 à 2017 et de 2017 à 2025 contribue puissamment à la reproduction et à l’invisibilisation de la corruption dans cette institution. Et compte-tenu du fait que le budget du FNE –à l’instar de celui de la Régie des allumettes sous François Duvalier durant les années 1960–, n’est pas inscrit au budget officiel de la République d’Haïti, il n’a jamais été soumis au contrôle du Parlement qui, faut-il le préciser, a été décapité par le PHTK néo-duvaliériste. Le Fonds national de l’éducation ne rend compte de son action et de ses dépenses budgétaires à aucune institution nationale, il ne rend compte qu’au cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste… Il y a lieu de rappeler que les deux ministres PHTKistes de l’Éducation nationale, Pierre Josué Agénor Cadet et Nesmy Manigat portent lourdement la responsabilité d’avoir couvert de leur autorité et/ou bénéficié directement du SYSTÈME FNE : le FNE raketè, le FNE piyajè, le FNE gran manjè, le FNE mégaloptère. Selon la Loi du 17 août 2017 le Fonds national de l’éducation est placé sous la tutelle du ministère de l’Éducation (article 2) ; le ministre de l’Éducation nationale est membre du Conseil d’administration du FNE (article 6) ; la présidence du Conseil d’administration du FNE est assurée par le ministre de l’Éducation nationale et la vice-présidence par le ministre des Finances (article 7). Selon l’article 10 de la Loi du 17 août 2017, le Conseil d’administration du FNE a pour attributions, entre autres, d’élaborer les plans et programmes ainsi que le budget annuel de l’institution, il approuve les rapports mensuels sur la gestion du FNE ainsi que les rapports trimestriels sur la situation financière du FNE. L’article 10 précise également que le Conseil d’administration du FNE valide le choix des vérificateurs externes ainsi que leurs rapports d’audit administratif et financier qui doivent être publiés six mois après la clôture d’un exercice financier. Il précise enfin que les acteurs de l’éducation et les partenaires du FNE doivent être informés des activités et de l’exécution des programmes de l’institution.

Une récent manifestation de l’invisibilisation de la corruption au Fonds national de l’éducation

Dans le secteur scolaire en Haïti, la nouvelle a eu l’effet d’un tsunami : le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Augustin Antoine, a officiellement déposé le 9 octobre 2024 une demande d’audit financier et administratif auprès de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA). Augustin Antoine enjoint la CSCCA d’accorder « une suite urgente à cette requête » et précise que l’audit devra être effectué « au niveau du ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle ainsi que dans les directions techniquement déconcentrées et autonomes suivantes :

  • Le Programme national de cantine scolaire (PNCS) 
  • L’Unité de coordination et de programmation (UCP) 
  • La Secrétairerie d’État à l’alphabétisation (SEA) 
  • La Commission nationale haïtienne de coopération avec l’UNESCO (CNHCU) 
  • L’École nationale de géologie appliquée (ENGA) 
  • L’Institut national de formation professionnelle (INFP) 
  • L’Office national de partenariat en éducation (ONAPE) 
  • L’École nationale supérieure de technologie (ENST)
  • Le Fonds national de l’éducation (FNE) ». 
  • (Source : « Le ministre Augustin [Antoine] exige un audit financier des entités du ministère de l’Éducation nationale », Haïti express, 12 octobre 2024). 

En dépit de son caractère officiel, cette demande d’audit financier et administratif auprès de la Cour supérieure des comptes n’a pas eu de suite avérée, le Conseil présidentiel de transition ayant choisi –sous la pression du caïd Claude Joseph, ancien Premier ministre du PHTK néo-duvaliériste encore puissant au ministère de l’Éducation nationale–, de désavouer le ministre Augustin Antoine et de décapiter sa demande d’audit en nommant la protégée de Claude Joseph, l’inexpérimentée Sterline Civil, à la direction du Fonds national de l’éducation sans attendre le moindre avis de la CSCCA… 

Il est invraisemblable que tous les faits de corruption systémique et d’une ampleur jusqu’ici inégalée ayant cours dans le système éducatif haïtien –dirigé à deux reprises par Nesmy Manigat–, n’aient pas retenu l’attention du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation… Faudrait-il, a contrario, poser que ces faits de corruption au Fonds national de l’éducation sont bien connus de l’institution basée à Washington mais qu’elle s’est « réfugiée » sous le parapluie troué de la posture/imposture de l’a-politique, ce qui l’autoriserait à  vaquer, croit-elle en toute impunité, à l’implémentation de SES PROJETS et en fonction de SES OBJECTIFS ? Il faut prendre en compte que l’institution étatsunienne, dès lors qu’elle entend supplanter l’UNESCO dans nombre de pays et singulièrement dans certains pays du pré-carré américain, elle s’efforce à visière levée d’y instituer et sa vision et ses pratiques managériales. La « nomination-promotion » de Nesmy Manigat à titre d’« envoyé et conseiller de haut niveau promu par le GPE » fait certainement partie de l’arsenal idéologique et de la vision stratégico-politique du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation. Il lui faut à cet égard élaborer et modéliser la « fabrique politique du consentement » où interagissent les « acteurs institutionnels » des pays du Sud, en particulier ceux qu’il a identifiés en amont comme étant les « 90 pays à faible revenu dans la transformation de leurs systèmes éducatifs ». 

La version préliminaire de la présente lettre ouverte a été soumise à plusieurs enseignants oeuvrant, en Haïti, à Mirebalais, Cayes-Jacmel, Fort-Liberté, Port-au-Prince, etc. Parmi les divers éléments d’appréciation qu’ils m’ont acheminés, j’ai pris note d’un propos qu’ils ont en commun : la « nomination-promotion » de Nesmy Manigat à titre d’« envoyé et conseiller de haut niveau promu par le GPE » est… de « l’enfumage à géométrie variable » couplé à une reconnaissance internationale de facto des olympiques « succès » du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste dans le domaine de l’éducation ces douze dernières années en Haïti. L’un de ces professeurs, dépositaire de plus de quarante ans dans l’enseignement, estime que la « nomination-promotion » de Nesmy Manigat est celle d’un « politicien » égaré dans le champ de l’éducation, un vrai trafiqueur d’influences ». L’on observe, sur ce registre, que la reconnaissance de facto de « l’action » du PHTK dans le système éducatif national constitue certainement le plus important volet de la « nomination-promotion » de Nesmy Manigat à titre d’« envoyé et conseiller de haut niveau promu par le GPE » et que sa principale « mission » sera de diffuser, à l’échelle internationale, le pseudo « modèle pédagogique » du PHTK que l’économiste-ministre n’a jamais pu rendre crédible en Haïti. En témoignent le lamentable échec du LIV INIK AN KREYÒL, le coma prévisible des intempestives « douze mesures » administratives » de Nesmy Manigat, le pitoyable échec de l’aménagement du créole en salle de classe, le cul-de-sac de la révision curriculaire visant une énième « réforme » du système éducatif national. Par-delà les satisfécits propagandistes diffusés dans la presse locale et dans les réseaux sociaux et destinés à faire bonne figure auprès des institutions de financement de l’International, le bilan réel des deux mandatures de l’économiste-ministre est mince, très mince à tous les étages de l’École haïtienne. Il est invraisemblable que le Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation ne soit pas adéquatement informé de tous les échecs du système éducatif haïtien qui a absorbé, ces douze dernières années, des millions de dollars d’« aide » internationale invariablement et rituellement consacrés à la « réforme » du système éducatif national ou au « renforcement qualitatif de sa gouvernance ». Il est hautement significatif, sur ce registre, que le site du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation ne comprend aucun bilan analytique de l’« aide » internationale déversée à coups de millions de dollars dans le système éducatif national ces douze dernières années. Le même constat est attesté sur le site officiel du ministère de l’Éducation durant les deux mandatures de Nesmy Manigat : il ne comprend aucun bilan analytique de l’« aide » internationale généreusement attribuée à l’Éducation nationale au titre de la coopération bi et mjultilatérale…

Haïti fait-elle partie des 90 pays bénéficiaires d’un éventail de programmes de financement de l’éducation par le Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation ? Autrement dit, les objectifs de partenariat de cette institution auraient-ils donné lieu à des engagements financiers mesurables en Haïti ? 

Selon l’information consignée sur le site officiel du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation, le « GPE est le plus grand fonds au monde dédié exclusivement à transformer l’éducation dans les pays à faible revenu. En tant que partenariat unique et multipartite, il travaille à offrir une éducation de qualité à tous les enfants afin qu’ils puissent bénéficier des opportunités qui en découlent.

« Depuis 20 ans, le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE) octroie des fonds et soutient des solutions permettant de construire des systèmes éducatifs solides et résilients dans les pays touchés par l’extrême pauvreté ou les conflits, afin que davantage d’enfants, les filles en particulier, reçoivent l’éducation dont ils ont besoin pour s’épanouir et contribuer à la construction d’un monde plus prospère et durable. Le GPE rassemble tous les partenaires investis dans l’éducation– pays à faible revenu, bailleurs de fonds, organisations internationales, société civile, y compris les organisations de jeunes et d’enseignants, le secteur privé et les fondations privées– afin que leur travail commun contribue à transformer les systèmes éducatifs en se concentrant particulièrement sur les lieux et les personnes ayant les plus grands besoins. [Le souligné en italiques et gras est de RBO]

« Notre modèle unique a aidé les pays partenaires à faire des progrès significatifs dans l’amélioration de l’accès, de l’apprentissage et de l’équité, et à obtenir de meilleurs résultats pour des centaines de millions de garçons et de filles.

« Le GPE rassemble tous les partenaires investis dans l’éducation– pays à faible revenu, bailleurs de fonds, organisations internationales, société civile, y compris les organisations de jeunes et d’enseignants, le secteur privé et les fondations privées– pour transformer les systèmes éducatifs en se concentrant sur les régions et les enfants ayant les plus grands besoins. » [Le souligné en italiques et gras est de RBO]

Ainsi, il est précisé, entre autres, que 

« Le Partenariat mondial pour l’éducation approuve un financement pour aider à faire avancer la réforme de l’éducation en Haïti » (19 juillet 2021) ». 

« Le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE) a approuvé un financement de 16,5 millions de dollars pour aider à faire avancer la réforme de l’éducation à Haïti à travers le projet Promotion d’un système éducatif efficace en Haïti. Cet effort vise à améliorer les fonctions de planification et de réglementation du ministère de l’Éducation d’Haïti et le système d’évaluation des apprentissages ».

« Pacte de partenariat. Haïti 2024 » (14 mars 2025). Le pacte de partenariat met en exergue l’impact et l’effet catalyseur de la réforme curriculaire sur la transformation de l’éducation ».

–« Décisions sur des financements pour la Tunisie, Haïti et le Burkina Faso (juillet 2025) ». « Un financement pour la transformation du système pour soutenir le Programme d’appui à la réforme curriculaire à Haïti, d’un montant de 23 700 000 dollars ».

–« Cadre de résultats du GPE 2025 pour Haïti » — « Ce document présente les dernières données tirées du Cadre de résultats du GPE 2025 pour Haïti, compilées par le Secrétariat du GPE au mois de septembre 2024 ».

Quelle est la réalité de ces programmes d’appui financier au secteur de l’éducation en Haïti ? Le site officiel du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation, consigne les documents suivants :

« Le GPE reçoit des contributions financières des donateurs, alloue des financements aux partenaires et rend compte de la gestion de ses finances de manière transparente. »

01 juillet 2025 DOCUMENT

« Ce document présente une recommandation sur la situation financière du Fonds du GPE et sur les allocations financières, pour décision par le Conseil ».Les programmes d’appui financier au secteur de l’éducation en Haïti figurent donc, sur le site officiel du Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation, aux chapitres « Informations financières » et « Prévisions financières ». Ces données devront être examinées ultérieurement afin de déterminer (1) si les sommes annoncées ont effectivement été décaissées et vers quels programmes elles ont été dirigées ; (2) si les sommes décaissées ont fait l’objet d’états financiers consultables aussi bien au Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation qu’au ministère de l’Éducation nationale d’Haïti ; (3) si les sommes décaissées ont fait l’objet d’audits desétats financiers consultables aussi bien au Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation qu’au ministère de l’Éducation nationale d’Haïti. Pareil bilan analytique devrait faire l’objet d’un prochain article…

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