Référendum interdit et crise de gouvernance : le Dr Ménard dénonce un « fiasco consommé » et appelle à une « Conférence de l’urgence »
Le 8 septembre 2025, le Dr Emmanuel Ménard publie un texte au vitriol où il accuse le Conseil présidentiel de transition d’illégalité, de corruption et d’avoir mené le pays à l’impasse en tentant d’imposer un référendum prohibé. Face à ce « fiasco consommé », il appelle à une Conférence haïtienne de l’urgence pour instaurer une gouvernance intérimaire.
Consortium patriotique / Force Louverturienne réformiste
Haiti 8 septembre 2025
Madame, Messieurs les membres du Conseil présidentiel de transition,
Au nom du Consortium patriotique regroupant la Force louverturienne réformiste, le Bloc du Milieu, la Coalition nationale et d’autres partenaires de la société civile et de la diaspora, je m’adresse à vous publiquement, car le pronostic vital du pays est déjà engagé tout comme l’avenir du CPT est périmé. Arrivés au pouvoir à la suite d’un consensus biaisé que j’avais dénoncé lors du Sommet du 11 avril 2024, tout en refusant de m’associer à cette formule collégiale de sursis, vous voici les mains vides devant le peuple au crépuscule de votre mission. Vos engagements n’auront pas tenu la promesse des fleurs. Même l’Accord du 3 avril, considéré comme votre acte de naissance, n’a pas obtenu votre aval pour être publié au Moniteur. Vous avez comploté contre les institutions et fomenté un coup d’État contre ceux qui vous ont portés au pouvoir, refusant la création de l’organe de contrôle de l’action gouvernementale. Vous n’avez donc aucun repère et engagez illégalement un processus pour la tenue d’un référendum constitutionnel en violation de la Constitution que vous avez juré de respecter et de défendre. Vous avez terni l’image de notre République, divisé la société en distribuant le gouvernement et l’administration publique entre vos favoris et vos stipendiés. Vous êtes accusés d’intelligence avec les ennemis de la patrie et d’avoir monnayé des groupes terroristes à des fins politiciennes. Depuis votre présidence, c’est la grande dérobade entre scandales et chantages pour maintenir à flot un Pouvoir exécutif dont les ambitions se sont réduites à assouvir l’appétit de ses membres boustifailleurs, tristement célèbres. La situation générale du pays s’est fortement détériorée sous votre administration, malgré la nomination de deux Premiers ministres, de deux directeurs généraux de la PNH et d’une kyrielle de pseudos diplomates éparpillés ici et là. Le passage de quatre coordonnateurs à la tête du CPT n’a pas arrêté l’hémorragie étatique, malgré l’adoption de votre « budget de guerre » et les nombreuses réunions (à l’étranger comme à travers le pays) grassement financées par le Trésor public. Et dans le tableau lugubre de votre bilan, ni la sécurité, ni les réformes, ni les élections ne sont au rendez-vous. Votre échec est donc consommé.
Face au constat de ce flagrant fiasco, comme pour vous sanctionner, la FAA a prolongé l’interdiction d’utiliser l’aéroport international de Port-au-Prince jusqu’en 2026 ; la République dominicaine a maintenu les restrictions relatives aux déplacements transfrontaliers ; les services consulaires de la majorité des États accrédités dans le pays sont fermés ; les contributions annoncées à la MSS sont restées lettre morte ; et des pays frères d’Afrique ont modifié leur participation à toute mobilisation pour Haïti par méfiance envers votre gouvernement. Aujourd’hui encore, la CARICOM consulte les mêmes secteurs qui ont formé le CPT ; l’OEA élabore une feuille de route ; les États-Unis et le Panama envisagent la création d’une force de répression des gangs ; certains membres du Conseil de sécurité évoquent ouvertement une crise de gouvernance. Naturellement, j’accueille non sans intérêt les différentes propositions venues de la communauté internationale, en quête d’interlocuteurs compétents jouissant de la confiance de la population. Mais je constate avec peine l’immobilisme haïtien à travers vous, autorités de facto en grand déficit de moralité et de crédibilité. Toutefois, en tant que chef de file d’un groupe d’opposition, je veux taire mes critiques sur votre gestion de la chose publique pour tenter de faire appel à votre patriotisme et à votre sens du devoir.
Aussi, dans un esprit de totale abnégation à la recherche d’un socle commun patriotique pour sortir de la crise, j’invite le Conseil présidentiel de transition, en concertation avec le Pouvoir judiciaire, à prendre l’initiative de convoquer la Conférence haïtienne de l’urgence sous la présidence non partisane du Protecteur du citoyen. Cette conférence réunirait les secteurs vitaux de la Nation en conclave, avec pour mission salvatrice de lever le siège, pourvu qu’une résolution soit adoptée afin de faciliter la mise en place d’une nouvelle gouvernance intérimaire aux missions claires.
Devant la gravité de l’heure, je rappelle ces paroles fortes du président Léon Dumarsais Estimé à la classe politique et à la société :
« Si, bergers du troupeau, nous nous en constituons les loups ; si, gardiens de la maison, nous nous faisons les voleurs qui la brisent et la pillent ; si, rebelles aux meilleurs de nous-mêmes, nous manquons à nos engagements solennels, alors il sera temps d’entrer en jugement avec nous et nous demander des comptes. »
Pour ma part, dans ce chaos organisé, seules les voix du cœur et de la raison triompheront du vacarme des extrémistes en fièvre et des terroristes en délire.
Je me tiens disponible pour contribuer à la réalisation d’une telle convention et j’assumerai jusqu’au bout mes responsabilités citoyennes.
Patriotiquement,
Dr Emmanuel Ménard