25 octobre 2025
Entre slogans et réalités : pourquoi 1986 n’a pas transformé Haïti?
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Entre slogans et réalités : pourquoi 1986 n’a pas transformé Haïti?

Depuis 1986, Haïti semble avancer à tâtons dans sa quête démocratique. La chute de la dictature des Duvalier a été perçue comme une libération historique. Certains l’ont qualifiée de « révolution », mais une question demeure : où cette révolution nous a-t-elle conduits ?

Le problème fondamental d’Haïti, depuis son indépendance, repose sur une lutte permanente pour le pouvoir plutôt que sur une véritable lutte pour la transformation sociale et économique. Cette situation illustre la théorie marxiste de la lutte des classes, selon laquelle les acteurs politiques se disputent l’accès aux ressources et aux privilèges sans chercher à transformer les structures profondes qui produisent les inégalités. Après 1986, aucun projet social structurant n’a été conçu ni appliqué. Des slogans politiques ont circulé, mais comme l’aurait souligné Max Weber, le charisme des leaders ne peut remplacer une organisation rationnelle et institutionnelle. Or, un État moderne ne peut se fonder uniquement sur des discours : il a besoin d’institutions solides et d’un plan économique cohérent.

Cette « révolution » a mis l’accent sur la liberté d’expression, ce qui constitue un acquis indéniable. Mais, pour reprendre Émile Durkheim, la liberté, si elle n’est pas accompagnée d’une solidarité organique, ne peut produire de cohésion sociale ni de progrès. La liberté d’expression seule ne peut pas développer un pays, si elle n’est pas liée à des politiques sociales concrètes qui répondent aux besoins de la majorité.

Un autre élément essentiel est la violence. Sous les régimes autoritaires, les massacres étaient orchestrés par l’État lui-même. Aujourd’hui, avec l’effondrement institutionnel, ce sont les gangs armés qui imposent leur loi. Cela confirme la théorie de Michel Foucault sur le pouvoir diffus : lorsqu’il n’est plus centralisé par l’État, il se déplace vers d’autres acteurs sociaux qui exercent, à leur manière, une domination sur la population.

Face à cette réalité, il est indispensable de questionner le mouvement de 1986. Non pour le rejeter totalement, mais pour en tirer des leçons. Comme l’affirme Jürgen Habermas, une démocratie ne peut survivre que si elle repose sur une délibération rationnelle et inclusive, où les citoyens participent à la définition du bien commun. Haïti doit dépasser les luttes stériles pour le pouvoir et se doter enfin d’un véritable plan de développement social et économique, seul garant d’une démocratie viable

Alceus Dilson, Juriste, Communicologue 

E-mail : Alceusdominique@gmail.com

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