24 octobre 2025
L’état d’urgence en Haïti : Course contre la montre mettant à l’épreuve le droit face à la guerre urbaine
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L’état d’urgence en Haïti : Course contre la montre mettant à l’épreuve le droit face à la guerre urbaine

Par Patrick Prézeau Stephenson

Lorsque le gouvernement haïtien a décrété, le 9 août 2025, un état d’urgence de trois mois, il n’a pas seulement invoqué un outil constitutionnel. Il a, en réalité, reconnu que la mécanique ordinaire de la gouvernance avait cédé face à une guerre urbaine qu’il ne pouvait ni contenir ni surmonter.

La mesure, couvrant les régions de l’Ouest, de l’Artibonite et du Centre — le grenier du pays — intervient alors que les groupes armés ont acquis non seulement un contrôle territorial, mais aussi une forme d’autorité quasi-politique. Ils perçoivent des taxes sur les routes, réglementent les déplacements, et, dans certaines zones, organisent même des travaux publics, tout en terrorisant les habitants par des meurtres, des enlèvements et des violences sexuelles.

Sur le plan juridique, la Constitution haïtienne autorise l’exécutif à déclarer l’état d’urgence lorsque la sécurité nationale est menacée. Pourtant, cette disposition a été pensée pour des crises brèves — cyclones, catastrophes naturelles, soulèvements ponctuels — et non pour l’usure lente et continue d’un conflit armé urbain qui dure depuis des années. Le décret d’urgence confère à l’État de larges pouvoirs : couvre-feux, perquisitions sans mandat, restrictions de rassemblement. Mais il concentre aussi l’autorité entre les mains d’un exécutif non élu et transitoire, dirigé par le conseil présidentiel de Laurent St-Cyr.

Cette ambiguïté juridique soulève des questions inconfortables. Un gouvernement de transition, dont la légitimité repose sur l’aval de la communauté internationale plutôt que sur un mandat populaire, peut-il prolonger indéfiniment de telles mesures sans saper le processus démocratique qu’il prétend défendre ? L’histoire haïtienne regorge de décrets de sécurité « temporaires » devenus quasi permanents. Chaque prolongation érode un peu plus les libertés publiques et banalise l’exceptionnel.

Dans le contexte de la guerre urbaine, toutefois, le calcul est différent. Les gangs de Port-au-Prince et des régions environnantes ne se contentent pas de défier l’autorité de l’État : ils l’ont remplacée. Ils contrôlent jusqu’à 90 % de la capitale, et leurs opérations ressemblent davantage à celles d’insurgés qu’à celles de criminels ordinaires. La Police nationale d’Haïti, même appuyée par une mission des Nations unies dirigée par le Kenya, reste sous-dotée en effectifs, en moyens, et souvent infiltrée par les acteurs mêmes qu’elle est censée combattre.

La nomination d’André Jonas Vladimir Paraison comme directeur général par intérim de la police traduit une volonté de resserrer la chaîne de commandement. Son passé à la tête de la sécurité du Palais national — et sa présence lors de l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021 — en font un choix controversé, mais peut-être calculé : il est perçu comme un homme connaissant à la fois les rouages du pouvoir politique et les opérations de sécurité en période de crise.

Le véritable enjeu réside dans la capacité à aligner l’état d’urgence sur une stratégie claire. Proclamer des pouvoirs exceptionnels sans plan crédible pour reconquérir les territoires perdus risque de réduire la mesure à une gesticulation juridique. Si, dans trois mois, les gangs restent solidement implantés, le gouvernement sera confronté à un dilemme : prolonger l’urgence et reconnaître l’échec, ou y mettre fin et exposer la population à un regain de chaos.

Dans la guerre urbaine, l’état d’urgence n’est pas seulement un instrument juridique — c’est une course contre la montre. Son succès dépendra de la capacité de l’État haïtien, pour une fois, à rompre le cycle : utiliser les pouvoirs extraordinaires non pas pour consolider son autorité, mais pour démanteler les structures criminelles qui l’ont remplacée. Faute de quoi, les élections de février 2026 ne seront qu’un simulacre, organisées dans un pays où les bulletins et les balles partagent les mêmes rues — et où ces dernières dictent encore la loi.

Contact Médias Patrick Prézeau Stephenson: Éditeur manifeste1804@gmail.com

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