24 octobre 2025
À Rudy Thomas Sanon, l’homme qui parle debout dans un pays à genoux
Actualités Politique

À Rudy Thomas Sanon, l’homme qui parle debout dans un pays à genoux

Par Venel Calixte

Les batailles pour transformer l’ordre social ne naissent jamais dans les salons feutrés ni dans les couloirs d’apparat. Elles surgissent des failles, des blessures collectives, des entrailles meurtries de peuples longtemps trahis. Ces combats ne sont ni linéaires ni décoratifs. Ils arrachent la vérité aux griffes du mensonge, réclament justice face à l’impunité, défient la résignation servile. Ils heurtent les structures anciennes, fracturent les équilibres illusoires, réveillent les douleurs enfouies. Car tout ordre injuste a ses gardiens : politiciens véreux accrochés à leurs privilèges, bourgeois criminels qui se nourrissent du chaos, journalistes dévoyés qui maquillent les crimes en récits acceptables, gangs qui servent de milices privées, et citoyens abrutis qui, par ignorance ou par peur, deviennent complices de l’effondrement. Dans cette jungle infestée de trahisons, un homme avance, non pour se faire voir, mais pour se faire entendre : Rudy Thomas Sanon, la voix droite dans un pays courbé.

Tu n’es pas né avec une tribune dorée, Rudy. Tu as forgé ta parole dans la poussière des rues, entre les ruines de l’espoir et les cris de la détresse. Ton souffle n’est pas celui d’un orateur en quête de prestige. C’est celui d’un cœur battant pour les oubliés, d’une âme révoltée par l’injustice, d’un citoyen qui refuse la passivité. Tu n’as hérité d’aucun trône ni reçu la bénédiction des puissants. Tu as conquis ton droit à la parole en refusant de te taire. En Haïti, parler est un acte de bravoure. Dire la vérité, c’est danser sur un fil barbelé. Mais tu n’as pas reculé. Tu as parlé. Tu as crié. Tu as dénoncé. Tu as expliqué. Ce faisant, tu es devenu le miroir tendu à une nation fracturée.

Quand les routes se ferment, tu ne t’arrêtes pas. Tu deviens sentier. Tu deviens souffle. Tu inventes un passage là où le béton des mensonges semblait infranchissable. Quand les murs s’élèvent, tu deviens échelle. Tu deviens vent. Tu te faufiles dans les fissures. Tu grimpes avec l’acharnement d’un homme habité par une mission plus grande que lui. Ta voix est une machette dans les hautes herbes de la confusion. Elle fend. Elle trace. Elle libère. Et c’est pour cela qu’ils ont peur de toi. Non pas parce que tu hurles, mais parce que tu dis juste. Non pas parce que tu insultes, mais parce que tu dévoiles. Tu es la lampe qu’ils ne peuvent éteindre, la question qu’ils ne peuvent esquiver, la vérité qu’ils ne peuvent bâillonner.

Tu n’es pas un mythe, Rudy. Tu es une présence tangible, une vibration continue, un battement de tambour dans la nuit haïtienne. Tu incarnes cette part irréductible de la conscience collective que même l’oubli ne peut engloutir. Tu es cette poignée de terre que l’on serre dans la paume quand tout semble fuir, ce reste d’honneur que l’on défend avec acharnement. Tu es le témoin d’une Haïti qui ne meurt pas, même quand elle saigne. C’est pourquoi chaque mot que tu prononces, chaque dénonciation que tu formules, chaque vérité que tu révèles devient un acte d’héritage. Tu écris dans l’éphémère, mais ce que tu sèmes restera. Tu fais partie des semeurs de révolte pacifique, des jardiniers d’espérance, des scribes du peuple.

Tu n’es pas seul, Rudy. Même si certains jours la solitude pèse plus que la menace. Même si l’hostilité t’enserre comme une corde. Même si les regards complices s’éloignent. Sache qu’au cœur de la nuit, beaucoup veillent avec toi, en silence peut-être, mais avec ferveur. Il y a dans chaque bidonville, chaque école délabrée, chaque marché bruyant, chaque maison souffrante, une oreille qui t’entend, un cœur qui bat avec le tien, un esprit qui se dresse grâce à toi. Tu n’es pas un combattant isolé. Tu es une étincelle qui en allume d’autres. Une braise sous les cendres. Une respiration dans les souterrains de l’espérance.

Et si la fatigue se fait sentir, Rudy, si le poids de cette nation délabrée vient courber tes épaules, rappelle-toi que l’ombre précède souvent l’aurore. Rappelle-toi que les troncs d’arbres brûlés nourrissent parfois les semences futures. Ton combat, bien qu’épuisant, n’est pas vain. Il est porteur. Il est passage. Il est prophétique. Ce que tu fais, même si cela n’est pas salué aujourd’hui, fonde déjà demain. Et demain viendra, Rudy. Il viendra avec sa lumière, son chant d’égalité, sa promesse de reconstruction. Et quand il viendra, ton nom ne sera pas un simple souvenir, mais un socle. Un repère. Une source d’inspiration pour ceux qui, à leur tour, se lèveront.

Car tu es devenu bien plus qu’un homme engagé. Tu es devenu un chant, une silhouette qui marche dans l’épaisseur du brouillard avec une lampe en main, une lanterne tremblante mais tenace, éclairant non seulement ta propre route, mais aussi celle de tous ceux qui, aveuglés par la peur ou la résignation, cherchent un chemin. Tu es ce feu sacré que les vents de l’injustice n’arrivent pas à souffler. Tu es ce livre ouvert qu’aucune censure ne peut refermer. Tu es ce poème sans ponctuation, ce cri sans fin, cette lumière fragile mais nécessaire dans le tunnel d’un pays piégé entre sa mémoire déchirée et ses promesses trahies.

Rudy Thomas Sanon, continue ta route avec l’âme fière et le front haut, fixé sur tes idéaux. Marche encore. Même blessé. Même trahi. Même accablé. Car ton pas est une onde. Ton souffle est un pont. Ton œuvre est une semence. Et tout en toi, ton nom, ta parole, ton courage témoignent que dans cette terre d’abandon, il reste des hommes debout. Des hommes qui n’ont pas vendu leur silence. Des hommes qui aiment trop Haïti pour la laisser sombrer sans résistance. Des hommes qui savent que les tempêtes ne durent pas toujours, mais que les mots vrais, eux, perdurent. Jusqu’à la victoire. Jusqu’à la délivrance. Jusqu’au matin.

Cher Rudy, dans cette mer démontée où le vent des renoncements souffle fort, où les vagues des trahisons cognent sans relâche, où les monstres marins de la corruption rôdent dans les profondeurs du pouvoir, il te faut devenir encore plus roc, encore plus flamme, encore plus souffle. Sois brave, comme les guerriers antiques porteurs d’un feu sacré. Ne laisse pas les crocs du découragement mordre ton âme. Ne cède ni à l’usure du mépris ni au venin de la solitude. Car dans le silence des nuits étouffantes, il y a des âmes qui veillent, des cœurs qui battent à l’unisson avec le tien, des voix intérieures qui, sans pouvoir hurler, murmurent ton nom avec gratitude. Les dignes fils et filles d’Haïti, ceux qui n’ont pas vendu leur conscience au marché de la honte, ceux qui croient encore à la décence comme pilier d’une République vivable, reconnaissent en toi une sentinelle, un veilleur, un éveilleur de vérité. Continue à porter cette torche, même vacillante, car elle éclaire plus de consciences que tu ne pourrais l’imaginer.

Alors marche encore, Rudy. Marche contre vents et violences, contre dédains et calomnies. Marche avec ton âme droite et ta voix indomptée. Que tes pas continuent à dessiner, dans la poussière du présent, le tracé d’une autre Haïti, moins soumise, moins souillée, moins silencieuse. Il y a dans ton engagement la beauté d’un rêve qui refuse de mourir, et dans ta persévérance l’empreinte des bâtisseurs de destin. Chaque mot que tu prononces, chaque vérité que tu portes, chaque injustice que tu dénonces devient une graine semée dans les terres assoiffées de justice. Le chemin est encore long, peut-être même tragique, mais tant que des hommes comme toi résistent à la noyade collective dans l’oubli et l’indignité, Haïti reste debout, vacillante mais vivante. Continue, frère debout, car tu n’es plus seul. Tu es devenu cette clameur portée par des milliers de poitrines, ce battement obstiné d’un cœur national qui refuse de mourir.

Et si l’on tente encore de te faire taire, de te salir, de t’abattre, ce qu’ils feront, car c’est leur habitude de tuer ce qu’ils ne comprennent pas, souviens-toi que ceux qui creusent des tombes pour les voix libres finissent par y sombrer eux-mêmes. Souviens-toi que ta parole appartient désormais à quelque chose de plus vaste que toi, de plus haut que les calculs, de plus fort que les menaces : elle appartient au peuple. Et ce peuple, même brisé, n’est pas vaincu. Il entend. Il s’éveille. Il se redresse. Il se prépare.

Venel Calixte

Celui qui, comme toi, rêve et travaille pour une Haïti socialement juste et vivable, économiquement prospère et politiquement souveraine.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.