24 octobre 2025
Haïti gouvernance : le secteur privé haïtien est au pied du mur
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Haïti gouvernance : le secteur privé haïtien est au pied du mur

Depuis plusieurs décennies, une accusation pèse lourdement sur le secteur privé haïtien : celle d’avoir kidnappé l’économie nationale. Sans jamais offrir de véritable progrès collectif, cette élite économique a avancé ses pions à l’ombre d’un État faible, absent, complice parfois. Aujourd’hui, ce secteur autrefois dans l’ombre semble vouloir contrôler le jeu avec Laurent Saint-Cyr comme président du conseil présidentiel. Mais à quel prix ?

La population gronde. Une partie de la société civile s’interroge. Et les critiques fusent : comment un secteur qui a contribué à appauvrir le pays pourrait-il désormais prétendre à le gouverner ou à en orienter les choix fondamentaux ? Le silence complice ou l’opportunisme politique ne suffiront plus. Le moment est venu pour cette classe dominante de faire face à son histoire, avant même d’entrer en fonction,il a annoncé une forum du secteur privé pour pacifier le pays, qui est contrôlé par les gangs armées.

L’économiste britannique John Maynard Keynes, dans sa célèbre théorie de l’interventionnisme économique, affirmait que le libre marché, livré à lui-même, est incapable d’assurer un équilibre durable, encore moins le bien-être collectif. Selon lui, l’État doit jouer un rôle moteur dans l’économie, particulièrement en temps de crise ou lorsque le secteur privé échoue à créer de la richesse pour tous. Il doit investir, encadrer, orienter, réguler. Sans cela, l’économie devient un champ de bataille déséquilibré, où les plus forts écrasent les plus faibles et où le progrès devient impossible.

Aujourd’hui, en Haïti, force est de constater que cette régulation étatique est absente. Les règles du jeu ne sont ni claires, ni appliquées. L’impunité économique règne. Le capitalisme haïtien évolue sans garde-fou. Et comme le disait Keynes en d’autres termes : un capitalisme sans contrôle est un capitalisme sans conscience. Il devient dangereux, destructeur.

Le secteur privé haïtien a longtemps flirté avec le pouvoir. Aujourd’hui, certains observateurs parlent de prise de contrôle. D’autres évoquent un boulevard ouvert devant lui, une occasion rêvée — ou redoutée — de façonner l’avenir politique et économique du pays selon ses seuls intérêts. Mais une question demeure : cette bourgeoisie saura-t-elle se transformer en force de progrès ? Ou restera-t-elle figée dans ses logiques de rente, de prédation, d’exclusion ?

L’heure est à la responsabilité. Soit ce secteur décide enfin de s’ériger en acteur éclairé du changement — en rompant avec le passé, en réparant les torts, en investissant dans l’humain, dans l’innovation, dans le social — soit il précipitera sa propre perte.

Car si le secteur privé devenait un « dinosaure » glouton, dévorant ce qui reste de notre économie agonisante, il pourrait bien provoquer une rupture sociale brutale, un soulèvement populaire incontrôlable. Dans ce scénario, il ne s’agira plus de discours, mais de révolte.

Le peuple observe. Il est fatigué. Il attend des actes. Le secteur privé est au pied du mur. À lui de choisir entre le chaos et la responsabilité.

Alceus Dilson , Communicologue, Juriste
Alceusdominique@gmail.com

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