28 décembre 2025
Haïti – Insécurité : Et si le véritable problème résidait dans la doctrine des forces de sécurité ?
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Haïti – Insécurité : Et si le véritable problème résidait dans la doctrine des forces de sécurité ?

L’insécurité persistante en Haïti, marquée par l’emprise croissante des gangs armés sur de vastes portions du territoire national, met à rude épreuve les institutions chargées de garantir la paix et l’ordre public. Malgré les multiples discours politiques et les initiatives répressives, les résultats sont décevants, voire contre-productifs.

La doctrine policière, entendue comme l’ensemble des principes, idées et orientations qui guident l’action de la police — pratiques, méthodes, philosophie d’intervention — semble inexistante ou du moins inapplicable. Cette absence de repères stratégiques rend l’institution policière inefficace, et la Force armée d’Haïti (FAD’H) n’est guère mieux lotie. Leurs modes opératoires respectifs témoignent d’un même déficit de doctrine.

Une question fondamentale
Face à ce constat préoccupant, une question cruciale s’impose : la Police nationale d’Haïti (PNH) et les FAD’H souffrent-elles d’un véritable vide doctrinal ? Et si le problème sécuritaire du pays résidait d’abord dans l’absence de vision claire de ces institutions ?

Même sans être expert en sécurité, l’observation suffit pour remarquer un contraste flagrant entre les forces haïtiennes et celles d’autres pays confrontés à des menaces similaires. Ailleurs, une opération de sécurité poursuit son objectif final coûte que coûte. La perte d’un agent, bien que douloureuse, n’interrompt pas l’action. Discipline, cohésion et détermination priment. C’est une question de doctrine.

En Haïti, c’est bien souvent l’inverse. Dès qu’un policier est blessé ou qu’un militaire est touché, l’opération est suspendue — parfois pendant plusieurs jours. Une pause souvent fatale, qui laisse le champ libre aux gangs pour fuir, se réorganiser, renforcer leur position et revenir plus menaçants encore. Résultat : une stratégie d’échec systématique.

Des exemples révélateurs
Les opérations récentes ne manquent pas d’illustrer cette faillite :

L’assaut avorté au Bas-Delmas ;
L’intervention ratée contre le chef de gang Vitelhomme Innocent ;
Les affrontements à Kenskoff, Mirbalais, ou encore dans l’Artibonite ;
Le drame du Village-de-Dieu, où plusieurs agents du SWAT ont trouvé la mort ;
Et la situation désastreuse des commissariats de Port-au-Prince, aujourd’hui détruits ou occupés par des gangs.

Dans tous ces cas, on retrouve le même scénario : manque de coordination, abandon des opérations, absence de suivi. Une question troublante s’impose alors : l’État haïtien instrumentalise-t-il l’insécurité à des fins de survie politique ?

Une armée et une police sans vision
À cette incohérence opérationnelle s’ajoute une politique de recrutement tout aussi déconcertante. Chaque année, seules quelques centaines de policiers sont formés, faute de budget dit-on. Pourtant, l’État n’hésite pas à dépenser des millions pour engager des mercenaires étrangers. Une aberration totale. Cela démontre que les fondations de nos institutions sécuritaires ont été posées sans vision, sans mission, et surtout sans doctrine.

Car ce n’est pas l’arme qui fait la force d’un soldat ou d’un policier, mais bien la doctrine : ce cadre mental et stratégique qui forge la discipline, l’engagement et le courage face à l’adversité.

Une réforme doctrinale s’impose
Il est urgent de repenser en profondeur la doctrine de la PNH et des FAD’H. Il ne s’agit pas seulement de mieux armer les forces de l’ordre, ni d’adopter des technologies de pointe, mais de bâtir une stratégie cohérente, avec des objectifs clairs, une chaîne de commandement efficace et une culture de la persévérance.

Toute opération de sécurité comporte des risques, y compris des pertes humaines. Mais seule la constance dans l’action, l’engagement total et la discipline rigoureuse permettent d’obtenir des résultats durables. Haïti ne retrouvera un semblant de stabilité que si elle se dote d’une doctrine sécuritaire moderne, inspirée des meilleures pratiques internationales, mais adaptée à ses réalités.

L’État complice par négligence ?
Plus inquiétant encore, un récent rapport des Nations Unies révèle que plusieurs équipements destinés à la PNH se retrouvent entre les mains des gangs. Ce constat soulève l’existence de liens illicites entre policiers et criminels, alimentant un trafic d’armes et de munitions au sein même de l’institution. Une force de sécurité sans doctrine devient ainsi non seulement inefficace, mais dangereuse pour la société qu’elle est censée protéger.

Il est grand temps d’en finir avec l’improvisation. Haïti a besoin d’une réforme profonde, sérieuse et durable de ses forces de sécurité. Et cette réforme doit commencer par une doctrine forte, claire et assumée.

Alceus Dilson, Communicologue, juriste
E-mail:Alceusdominique@gmail.com

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