28 décembre 2025
Haïti : un pays sans refuge, une société sans boussole
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Haïti : un pays sans refuge, une société sans boussole

Par Reynoldson MOMPOINT

Port-au-Prince, le 20 juillet 2025

Il ne reste plus rien à gratter sur le visage exsangue de cette nation. Haïti n’est plus qu’un corps sans défense, étalé sur la table d’opération d’un monde qui l’observe sans même froncer un sourcil. Chaque jour, le pays s’enfonce comme un vieux cargo percé, déserté par son équipage, livré aux vagues d’une mer sans compassion.

Les chiffres ne suffisent plus. Les mots eux-mêmes semblent avoir fui, écoeurés d’être piétinés. Ici, le réel dépasse le drame. Ici, on ne vit pas, on persiste. Et encore, par intermittence.

Le citoyen haïtien ne réclame plus la justice : il s’interroge sur sa propre capacité à espérer. À Port-au-Prince, chaque croisement devient un piège. Les écoles sont devenues des silences, les hôpitaux des antichambres de l’abandon, et les marchés, des zones d’alerte où l’on troque plus la peur que les produits.

Mais où sont-ils passés, ceux qui avaient promis la lumière ? Ceux qui, mains sur le cœur, chantaient des refrains d’un avenir pacifié ? Ils se sont évanouis dans des cortèges blindés, protégés de la misère par des vitres teintées, abonnés absents dès qu’il faut répondre de quelque chose. Ils s’emmurent dans des conseils, se perdent dans des comités, et s’enivrent de leur propre discours comme on boit de l’oubli au goulot.

Pendant ce temps, la jeunesse dérive. Elle ne rêve plus, elle calcule ses chances de survie. L’exode est devenu l’unique rite de passage. Rester, c’est un acte de foi. Partir, un réflexe de survie.

Et que dire de cette fausse élite, bavarde dans les salons, silencieuse face aux deuils quotidiens ? Ils assistent, complices, à l’effondrement du pacte social, applaudissant du bout des doigts quand on crache sur le peuple au nom de la sécurité ou du développement.

Il ne s’agit plus d’indignation, mais de honte. Une honte que l’on ne crie plus, que l’on murmure, à mi-voix, en refermant les rideaux pour que les balles ne voient pas l’enfant qui dort. Une honte qui colle à la peau, comme une humidité qui ne sèche jamais.

Haïti n’est pas un mystère. C’est une évidence qu’on refuse d’affronter. On sait qui, on sait comment, mais on joue la comédie de l’incompréhension. On noie le peuple dans des acronymes, des sommets, des conférences, pendant que les caniveaux débordent de cadavres anonymes.

Il ne reste plus que la parole brute. Celle qui ne cherche pas à plaire, mais à dire. Celle qui refuse de se taire, même lorsque tout pousse au silence. Parce qu’écrire, ici, ce n’est pas informer. C’est résister.

Reynoldson MOMPOINT 

mompointreynoldson@gmail.com

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