29 décembre 2025
Après le TPS : Un appel à la mobilisation, au plaidoyer et à la reconstruction pour les Haïtiens
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Après le TPS : Un appel à la mobilisation, au plaidoyer et à la reconstruction pour les Haïtiens

Par Dr. Celucien L. Joseph

En septembre 2025, le gouvernement des États-Unis mettra fin au Statut de protection temporaire (TPS) pour 500 000 Haïtiens, exposant ainsi de nombreuses personnes à un risque de déportation vers une nation en crise profonde et en plein chaos politique. La fin du TPS n’est pas une simple décision administrative — c’est une alerte humanitaire qui menace le bien-être du peuple haïtien. Ce moment appelle à la réflexion, à une mobilisation stratégique, et à un engagement renouvelé envers la diaspora haïtienne ainsi qu’à la reconstruction d’Haïti elle-même.

Je souhaite inviter le public haïtien, tant en Haïti que dans la diaspora, à réfléchir aux questions suivantes :

  1. Que devons-nous apprendre de la décision du gouvernement américain de mettre fin au TPS en septembre et de retirer le statut légal de 500 000 Haïtiens vivant sur le sol américain ?
  2. Quelles seront les conséquences d’une telle révocation ?
  3. Comment les Haïtiens doivent-ils se mobiliser pour nourrir l’espoir collectif, renforcer la solidarité et reconstruire Haïti ?

Comprendre les enjeux

Le TPS avait été accordé aux Haïtiens à la suite du tremblement de terre dévastateur de 2010, puis renouvelé après d’autres catastrophes et périodes d’instabilité. Toutefois, cette mesure n’a jamais été conçue comme une solution permanente. La décision du gouvernement américain de mettre fin à cette protection, annoncée le vendredi 29 juin 2025, révèle la vulnérabilité des populations immigrées aux États-Unis, dont la vie dépend des caprices de la volonté politique, plutôt que d’une reconnaissance de leur dignité humaine.

Cette décision met en lumière les limites de la politique migratoire américaine envers Haïti et les Haïtiens ; elle rappelle aussi cruellement que les personnes vivant sous TPS doivent sans cesse plaider pour leur visibilité et leur protection. Les communautés haïtiennes ne peuvent se permettre la complaisance ni la passivité. En tant que peuple, nous devons faire preuve de proactivité, rester politiquement vigilants et nous préparer à agir.

Ce qui est en jeu

La fin du TPS entraînera une série de conséquences dramatiques, tant sur le plan personnel que national :

  • Des expulsions et séparations familiales déracineront des personnes qui ont vécu, travaillé et élevé leurs enfants aux États-Unis pendant plus d’une décennie.
  • L’économie haïtienne, déjà fragile, subira une chute brutale des transferts d’argent. La diaspora haïtienne aux États-Unis constitue l’une de ses principales sources de revenus.
  • Le gouvernement haïtien, qui manque d’infrastructures de base et de sécurité, n’est pas en mesure d’absorber un retour massif de migrants.
  • Des milliers de déportés haïtiens et leurs enfants feront face à des traumatismes, à une insécurité juridique, et à une grande vulnérabilité — en particulier ceux qui ont construit leur identité et leur vie aux États-Unis.

Cette décision survient à un moment où Haïti est confrontée à une explosion de violence des gangs, à un effondrement politique et à une grave crise humanitaire. Les déportations, dans ce contexte, ne sont pas seulement irréalistes : elles sont inhumaines et constituent une atteinte à la dignité du peuple haïtien.

Un appel à la mobilisation

Plutôt que de céder à la peur ou au découragement, les Haïtiens du monde entier doivent transformer cette crise en une opportunité d’organisation, avec vision, foi et détermination.

1. Plaidoyer politique aux États-Unis

Les Haïtiens doivent, de toute urgence, exiger des protections législatives et administratives. L’administration Trump et le Congrès doivent être tenus responsables et proposer des alternatives — telles que le Deferred Enforced Departure (DED) ou la résidence permanente — pour les bénéficiaires du TPS. Les organisations haïtiennes devraient s’allier à des groupes de défense des droits civiques, des coalitions pour les droits des migrants, et des réseaux dirigés par des Noirs pour faire entendre leur cause et revendiquer la justice.

2. Solidarité communautaire

Plus que jamais, les Haïtiens doivent s’entraider par une organisation communautaire à la base. Cela pourrait inclure les actions suivantes :

  • Création de fonds de défense juridique
  • Services de soutien psychologique et post-traumatique
  • Réseaux d’entraide et de solidarité
  • Rôle des églises et centres communautaires comme refuges et centres de plaidoyer

La solidarité haïtienne, dans cette perspective, signifie dépasser les divisions de classe, de statut, de couleur ou d’affiliation politique pour se protéger et s’élever mutuellement. Il faut agir maintenant pour le bien commun, notre humanité partagée, et les possibilités d’un avenir prometteur.

3. Reconstruire Haïti avec une vision renouvelée

Si le plaidoyer dans la diaspora est crucial, Haïti doit néanmoins rester au centre de nos efforts moraux, politiques, économiques et stratégiques. Nous avons besoin d’un nouveau récit national fondé sur :

  • Une bonne gouvernance et un engagement citoyen actif
  • Le leadership des jeunes et l’autonomisation par l’éducation
  • L’investissement dans l’agriculture, les infrastructures et la santé publique
  • Un renouveau culturel et spirituel enraciné dans la justice et la dignité pour tous

Il est temps de réévaluer nos choix politiques et de bâtir — non seulement de résister ou de se mobiliser. Notre objectif ne doit pas seulement être de protéger les Haïtiens à l’étranger, mais aussi de restaurer l’espoir et les perspectives d’avenir au sein même d’Haïti.

Conclusion : De la survie à l’autodétermination

Le TPS peut prendre fin, mais la lutte pour la justice et la dignité continue.
Notre histoire, en tant qu’Haïtiens, ne se définit pas par la défaite ou la honte. Elle est façonnée par la résistance collective, la créativité, l’imagination et la volonté partagée. Du Bois Caïman à Brooklyn, de Port-au-Prince à Little Haiti, nous avons toujours trouvé un chemin.
Tout moun se moun. Tout Ayisyen se moun.

Que ce moment soit le nôtre — un moment pour nous mobiliser au-delà des frontières et des générations, pour plaider la cause de notre peuple, et pour semer les graines d’une nouvelle Haïti — une Haïti où aucun enfant n’aura besoin d’être protégé contre sa propre patrie.

À propos de l’auteur :

Le Dr Celucien L. Joseph est un éducateur, écrivain et théologien public haïtiano-américain. Il est le fondateur de l’organisation Hope for Today Outreach et un défenseur engagé de la justice, de l’éducation et de la diaspora haïtienne.

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