Une force née pour rompre avec la tradition militariste friande des coups d’etat depuis l’apres-1934
La Police nationale d’Haïti (PNH) est officiellement fondée le 12 juin 1995, dans un contexte post-dictatorial et post-coup d’État, alors que le pays sortait de trois années de régime militaire fort. Fruit de la démobilisation des Forces armées d’Haïti (FAd’H), cette institution fut créée sous l’égide de la Constitution de 1987 et sous forte pression internationale, notamment de l’ONU et de l’OEA. Elle devait incarner une rupture décisive avec les pratiques autoritaires, en posant les bases d’un appareil de sécurité apolitique, professionnel et civil.
Dès ses débuts, la PNH a été formée dans une perspective républicaine : encadrer les libertés publiques, protéger les citoyens, et garantir l’ordre sans dériver vers la répression ou l’allégeance aux factions politiques.
Réformes inachevées, commandements instables
En trois décennies, la PNH a connu plus d’une douzaine de directeurs généraux, nommés et révoqués au gré des alternances politiques, souvent sans cadre législatif de transition ni bilan institutionnel. Certains, comme Mario Andrésol ou Michel-Ange Gédéon, ont tenté de structurer la hiérarchie et d’instaurer une doctrine de commandement. D’autres, comme Léon Charles ou Frantz Elbé, ont été associés à une gestion de crise dans des périodes de chaos sécuritaire.
Cette instabilité a profondément affaibli l’institution, rendant difficile l’implémentation de réformes structurelles durables, notamment en matière de formation, d’éthique, de renseignement et de commandement opérationnel. L’absence de politique de carrière claire, les nominations clientélistes et le déficit de contrôle interne ont compromis l’autonomie et la crédibilité de la PNH.
Succès ponctuels dans un océan d’impunité
Malgré les conditions déplorables de fonctionnement — manque de véhicules, de carburant, de salaire, de munitions — la PNH a parfois réussi à accomplir des missions sensibles. Des opérations anti-enlèvements, des arrestations de trafiquants, ou la sécurisation d’élections ont été saluées par l’opinion.
L’UDMO et le SWAT, bien que mal équipés, ont montré des signes d’engagement dans des zones de conflit urbain. Cependant, ces résultats ponctuels demeurent fragiles, souvent effacés par la persistance de zones de non-droit. Les principales agglomérations sont désormais contrôlées par des groupes armés mieux organisés et mieux armés que les unités d’intervention de la police, illustrant la désintégration progressive de l’autorité régalienne de l’État.
La PNH accouche d’un chef de gang meurtrier : Barbecue
Paradoxe tragique : l’un des chefs de gang les plus puissants et violents d’Haïti, Jimmy Chérizier, alias « Barbecue », est un ancien policier. Formé par la PNH, affecté au sein de l’UDMO, puis au sein de l’Unité Départementale de Maintien d’Ordre à Port-au-Prince, il est cité dans plusieurs rapports pour avoir été impliqué dans des massacres urbains avant d’être révoqué.
Devenu figure centrale de la coalition armée dénommée G9 an Fanmi e Alye, Chérizier incarne la faillite morale et fonctionnelle de l’institution : un système de recrutement poreux, une absence de suivi de carrière, une culture d’impunité. Que la PNH ait pu engendrer un acteur armé accusé de crimes contre l’humanité, sans enquête judiciaire aboutie ni condamnation, en dit long sur la profondeur de la crise institutionnelle. Barbecue n’est pas une anomalie : il est le produit extrême d’un appareil d’État miné par la fragmentation, la corruption et l’abandon politique.
cba