La politique-spectacle à Port-au-Prince face à l’exclusion globale des Haïtiens
Par une proclamation présidentielle rendue publique le 4 juin 2025, les autorités américaines ont décidé d’interdire l’accès à leur territoire aux ressortissants de douze pays, dont Haïti, seul État de la Caraïbe concerné par cette mesure. Cette exclusion s’appuie officiellement sur des « insuffisances dans les mécanismes d’identification et de partage de données sécuritaires ». Pour le Dr Josué Renaud, directeur de la New England Human Rights Organization (NEHRO), il s’agit d’une « résurgence manifeste des dynamiques xénophobes ayant marqué le premier mandat de Donald Trump ». L’annonce a provoqué une onde de choc parmi les chancelleries visées, ainsi que dans les organisations internationales engagées dans la défense des droits fondamentaux et la promotion des mobilités transnationales.
Parmi les premières réactions, l’Union africaine — dont sept pays membres sont directement affectés par la mesure — a exprimé, dans un communiqué officiel, sa « vive préoccupation quant aux effets négatifs d’une telle décision sur les relations diplomatiques, les échanges éducatifs, les partenariats commerciaux et la coopération globale entre les États-Unis et l’Afrique. »
Tout en reconnaissant le droit souverain d’un État à réguler ses frontières, elle a plaidé pour une approche fondée sur le dialogue, les données factuelles et les principes d’équité. Dans le même esprit, plusieurs ONG, dont Amnesty International et Oxfam America, ont dénoncé une politique d’exclusion racialisée, ciblant prioritairement les pays à majorité musulmane ou à forte population afro-descendante, qualifiant l’initiative de « régression institutionnelle » empreinte de discrimination systémique.
En Haïti, cette annonce majeure n’a suscité aucune réponse officielle, aucun communiqué de la chancellerie, ni aucun geste consulaire ou mobilisation diplomatique. Ce silence interroge, d’autant plus qu’Haïti est le seul pays de l’hémisphère occidental touché par cette interdiction. Moins de vingt-quatre heures après la proclamation américaine, le Premier ministre de facto, Alix Didier Fils-Aimé, s’illustrait dans une cérémonie pompeuse de signature avec Sunrise Airways pour la reprise des vols domestiques — une annonce répétitive qui ne constitue en rien une avancée stratégique. Les dessertes annoncées, vers Jacmel, Jérémie et Cap-Haïtien, sont connues de longue date, sans réduction de prix, sans élargissement de l’offre, et sans inclusion de l’aéroport international Antoine Simon des Cayes. Ce spectacle technocratique ne peut masquer le désengagement diplomatique flagrant du gouvernement face à une crise majeure de mobilité internationale.
Dans son discours, le Premier ministre s’est félicité de cette « relance économique » sans même mentionner l’interdiction américaine qui, dans le même temps, condamne des milliers d’Haïtiens à renoncer à des voyages, des études, des soins ou des retrouvailles familiales aux États-Unis. En choisissant de se réfugier dans une mise en scène pseudo-développementaliste, l’exécutif haïtien confirme son incapacité à articuler une diplomatie de défense des intérêts nationaux. À l’heure où d’autres capitales africaines interpellent Washington ou mobilisent leurs ambassades, Port-au-Prince se mure dans un mutisme irresponsable, révélant l’impuissance structurelle de son appareil étatique.
Cette inaction devient d’autant plus préoccupante lorsqu’on la met en regard des ambitions affichées par le chef du gouvernement concernant l’organisation d’un référendum constitutionnel-bidon. Comment un pouvoir exécutif, frappé d’illégitimité, incapable de protéger la libre circulation de ses citoyens, pourrait-il prétendre à refonder le contrat social de la nation ? Ce paradoxe met à nu le vide stratégique d’un gouvernement plus prompt à orchestrer des opérations de communication qu’à affronter les urgences diplomatiques. Il en résulte une déconnexion dramatique entre les priorités réelles du pays et les gesticulations d’un exécutif enfermé dans une logique d’apparence.
Pays concernés par l’interdiction totale
Les ressortissants des pays suivants sont entièrement interdits d’entrée aux États-Unis, que ce soit pour des visas d’immigration ou de non-immigration :
- Afghanistan
- Myanmar
- Tchad
- République du Congo
- Guinée équatoriale
- Érythrée
- Haïti
- Iran
- Libye
- Somalie
- Soudan
- Yémen
Pays soumis à des restrictions partielles
Les ressortissants des pays suivants font face à des restrictions partielles, limitant l’accès à certains types de visas :
- Burundi
- Cuba
- Laos
- Sierra Leone
- Togo
- Turkménistan
- Venezuela
Le gouvernement américain justifie cette décision par des préoccupations liées à la sécurité nationale, notamment des systèmes de vérification des antécédents jugés insuffisants et des taux élevés de dépassement de visa dans ces pays. Cependant, des critiques soulignent que certaines nations, comme l’Égypte, ne figurent pas sur la liste malgré des incidents récents impliquant leurs ressortissants.

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

