9 octobre 2025
Le tombeau est vide, Haïti cherche encore son matin de Pâques
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Le tombeau est vide, Haïti cherche encore son matin de Pâques

L’Edito du Rezo

Haïti connaîtra-t-elle, un jour, le sursaut qui la ferait renaître de ses ruines, à l’image du Christ sortant du tombeau ?
Les responsables politiques auront-ils la lucidité morale et la dignité de reconnaître leurs torts ?
Oseront-ils tourner le dos à l’impunité pour s’engager enfin dans l’édification d’un véritable État de droit ?
Mettront-ils un terme à la prédation des biens publics et choisiront-ils de préserver, plutôt que de piller, les ressources nationales ?

Il est ressuscité. Voilà l’annonce qui bouleverse le monde chrétien chaque dimanche de Pâques. L’homme de douleur, meurtri, crucifié, abandonné des siens et couvert de honte, sort vivant du tombeau. Il renverse le verdict d’un procès injuste, déjoue la logique du pouvoir romain et juif, et proclame un Royaume qui ne repose ni sur l’oppression ni sur le mensonge. La résurrection du Christ n’est pas qu’un événement spirituel : elle est aussi un appel à un renversement des ordres établis. Ainsi, en ce dimanche de Pâques sur le plan social, la réflexion se pose avec acuité : Haïti, ce pays cloué au pilori du monde, finira-t-il lui aussi par sortir de son calvaire ? Haïti connaîtra-t-elle, à l’image du Christ, une aurore de justice, de paix et de réconciliation authentique ?

Le Vendredi Saint haïtien dure depuis trop longtemps. Il est fait de souffrances anonymes, de villes abandonnées à la cruauté des armes, de détresses silencieuses dans les hôpitaux et de faim dans les rues. Il est peuplé de gouvernants qui, loin de laver leurs mains comme Pilate, les trempent dans les coffres de l’État. À la différence du Nazaréen innocent condamné par des puissances corrompues, ceux qui en Haïti sont pointés du doigt pour corruption, détournement de fonds publics ou collusion avec les gangs, siègent sans honte au sommet de l’État. Ils défilent avec arrogance, multiplient les apparitions médiatiques, s’expriment avec une audace insolente, pendant que la majorité croupit dans une détresse sans voix. Le paradoxe haïtien, c’est qu’on condamne l’innocent, et qu’on couronne le coupable.

Mais Pâques n’est pas qu’un rappel de la souffrance et de l’injustice. C’est un appel pressant à la conversion. La résurrection du Christ, si elle signifie la victoire de la vie sur la mort, exige aussi une métanoïa : un retournement intérieur, un aveu de vérité. Ceux qui gouvernent Haïti aujourd’hui auront-ils le courage de se repentir ? Abandonneront-ils l’impunité pour bâtir l’État de droit ? Feront-ils enfin le choix de protéger les caisses publiques plutôt que d’y puiser avec voracité ? Car la justice, dans l’histoire pascale, est indissociable du pardon. Mais le pardon n’a de sens que précédé par la vérité, le jugement équitable, la reconnaissance du tort et la réparation. Jésus a pardonné, mais il n’a pas effacé la vérité du procès ni nié l’ignominie de la croix.

Espérer une résurrection haïtienne suppose donc plus qu’un rêve ou une prière. Elle exige un peuple debout, lucide, et une élite décidée à sortir du cycle de la prédation. Ce n’est pas en récitant des liturgies de circonstance que le pays ressuscitera, mais en réhabilitant la justice, en protégeant les plus vulnérables, en restituant ce qui fut volé, en jugulant la corruption. Une Haïti nouvelle ne naîtra ni dans la résignation ni dans la répétition des trahisons. Elle surgira lorsque ceux qui disposent du pouvoir oseront la vérité, même au prix de leur confort.

Oui, à l’instar du Christ, Haïti peut connaître un matin de Pâques. Mais ce matin-là ne viendra pas sans passer par un vrai Samedi Saint de silence, de deuil et de lucidité. Le tombeau est vide, proclame l’Évangile. Que les palais haïtiens, eux aussi, se vident enfin de ceux qui méprisent la justice et étouffent l’espérance. Haïti ressuscitera, non parce que le calendrier le dicte, mais parce qu’un jour, la vérité, la justice et la mémoire auront le dernier mot.

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