À la veille du 38e anniversaire de la Constitution de 1987, APORK s’élève contre le référendum du 11 mai 2025 pour éviter, précise son coordonnateur, « yon gòl a men ki prepare pou pèp Aysyen an« .
À moins de trois mois de la tenue annoncée d’un « référendum », la situation contraste fortement avec le processus ayant conduit à l’adoption de la Constitution de 1987, marqué par une large transparence. À l’époque, les articles et propositions de loi avaient été lus publiquement à la radio, et les débats retransmis et largement discutés à la télévision. En 2025, le texte de la nouvelle constitution, élaboré sous l’égide du PHTK et du Conseil Présidentiel de la Transition (CPT), demeure entouré d’un secret total. Jusqu’à présent, aucune communication officielle n’a permis à la population de connaître le contenu précis de ce document, renforçant ainsi la méfiance et les inquiétudes quant aux intentions réelles de ses promoteurs.
Asosyasyon Pou Onè Respè Konstitisyon 1987 (APORK)
Montréal – Rezo Nòdwès. (samedi 1er mars 2025) — Le 29 mars 2025, alors qu’Haïti s’apprête à commémorer le 38e anniversaire de la promulgation de la Constitution de 1987, des inquiétudes naissent au sein de la diaspora haïtienne et de plusieurs organisations de défense de l’ordre constitutionnel. A la base de cette tension : la tenue annoncée d’un référendum constitutionnel, programmé pour le 11 mai 2025, date hautement symbolique qui marque également le 14e anniversaire de l’arrivée au pouvoir de Michel Martelly.
L’opposition frontale menée par l’APORK
L’Association pour l’Honneur et le Respect de la Constitution de 1987 (APORK), fondée le 2 novembre 2024 en réponse directe à ce projet de référendum, se mobilise sur plusieurs fronts. À Montréal, New York et Haïti, ses membres entendent coordonner une mobilisation internationale pour dénoncer une initiative illégale, anticonstitutionnelle et porteuse de graves menaces pour l’avenir démocratique du pays.
« Ce référendum est une violation flagrante de la Constitution. L’article 284.3 est clair comme de l’eau de roche : toute modification par référendum est formellement interdite », insiste Kepler Norelia, coordinateur de l’APORK à Montréal. Il rappelle que la Constitution de 1987 prévoit un mécanisme strict pour toute révision constitutionnelle : « L’article 282 confie cette responsabilité au pouvoir législatif, qui doit initier et encadrer toute proposition de modification. Aucune disposition n’autorise un référendum pour modifier la loi mère ».
Une stratégie de démantèlement institutionnel en cours depuis 2012
Pour Kepler Norelia, ce projet de référendum s’inscrit dans la continuité d’un processus de déconstruction institutionnelle entamé en 2012. A l’époque, le Parlement haïtien avait tenté d’annuler certains contrats signés en 1997, estimés comme totalement obsolètes face aux réalités économiques de l’époque. Face à cette volonté de contrôle parlementaire, le pouvoir exécutif en place, dirigé par Michel Martelly, a initié une stratégie visant à contourner les institutions de contrôle démocratique.
L’objectif ? Modifier la Constitution de 1987 pour donner au Président de la République la liberté de signer de grands contrats – notamment dans les secteurs minier et énergétique – sans aucun contrôle parlementaire. « L’idée était d’ouvrir la voie à la prédation systématique des ressources naturelles du pays », accuse M. Norelia.
En 2020, le président Jovenel Moïse reprend cette offensive constitutionnelle. En s’attaquant directement aux institutions, en neutralisant progressivement le Parlement et en affaiblissant toutes les structures de contrôle, il prépare les conditions nécessaires à un référendum.
« Ce projet de référendum 2025 n’est que le prolongement de cette dynamique », poursuit le coordinateur d’APORK. « Ce que nous vivons, c’est la tentative d’institutionnalisation d’une présidence omnipotente, capable de décider seule de l’avenir des ressources du pays, en dehors de tout cadre légal. »
Des listes électorales obsolètes et une situation sécuritaire explosive
Au-delà de l’illégalité constitutionnelle du processus, les conditions techniques et sécuritaires rendent ce référendum impossible, affirme APORK. Depuis le massacre de La Saline en novembre 2018, les déplacements forcés de population se sont multipliés, rendant toute mise à jour crédible des listes électorales impraticable. « Depuis 2021, les citoyens fuient les gangs et se déplacent dans l’urgence. Il n’y a plus de registre électoral fiable », insiste M. Norelia.
Parallèlement, l’insécurité généralisée du pays rend physiquement impossible l’organisation d’un scrutin crédible. Les zones urbaines sont sous le contrôle de groupes armés, les infrastructures électorales sont absentes ou dysfonctionnelles, et la confiance de la population dans le processus est totalement effritée.
APORK met également en garde contre une manipulation systématique déjà observée dans le passé : « Dès qu’il y a un électeur, il y a une élection », formule détournée pour faire croire que la seule présence d’électeurs légitime automatiquement un processus, quelle que soit sa nature ou sa légalité.
Un appel à la mobilisationdans la diaspora et en Haiti
À l’approche du 38e anniversaire de la Constitution de 1987, APORK prévoit une série d’actions pour sensibiliser la communauté internationale et la diaspora haïtienne. Des événements, conférences et discours publics sont prévus à Montréal, New York et dans plusieurs villes haïtiennes.
« Ce 29 mars 2025 doit être un signal fort envoyé à ceux que nous appelons les vendeurs de pays », prévient M. Norelia. « Ce combat transcende les clivages politiques : il s’agit de défendre la souveraineté constitutionnelle d’Haïti, un héritage précieux arraché au prix de la lutte et du sang. »
Enfin, APORK entend inscrire ce combat dans le cadre légal haïtien, en exigeant que toutes les personnes impliquées dans ce projet de référendum illégal soient poursuivies pour haute trahison.
« Ce sont des criminels constitutionnels et ils devront répondre de leurs actes devant un tribunal pour haute trahison. Violer la Constitution de 1987, c’est trahir la nation elle-même », dénonce le coordonnateur de l’APORK.
Dans la dernière partie d’une interview exclusive avec Rezo Nòdwès, M. Kepler Norelia, coordonnateur de l’Association pour l’Honneur et le Respect de la Constitution de 1987 (APORK), a étendu ses réflexions à la dynamique de la diaspora haïtienne face au projet de référendum et aux coûts faramineux associés à ce processus controversé.
Interrogé sur les soi-disant « réunions constitutionnelles » organisées au sein de la diaspora pour sensibiliser et mobiliser les Haïtiens de l’étranger en faveur du référendum, M. Norelia s’est montré sceptique. Selon lui, aucune véritable consultation populaire ou débat sérieux n’a été organisé avec la diaspora. Il rejette catégoriquement l’idée que ce référendum soit le fruit d’un consensus populaire ou d’une large consultation, y compris à l’étranger.
Autre source de colère pour APORK : les enjeux financiers. M. Norelia révèle que l’organisation de ce référendum pourrait coûter entre 70 et 90 millions de dollars US, une somme jugée indécente dans un pays où la famine sévit, où une grande partie de la population peine à se nourrir et où l’insécurité alimentaire atteint des niveaux critiques.
« Alors que des milliers d’Haïtiens n’ont rien à manger, que des gangs contrôlent des quartiers entiers et que nos compatriotes sont chassés de la République dominicaine et des Etats-Unis, ce gouvernement de transition trouve opportun de dilapider près de 90 millions de dollars pour organiser un référendum illégal visant à démanteler la Constitution de 1987 », dénonce M. Norelia.
L’interview a également levé le voile sur des pratiques douteuses entourant la gestion de ce projet. M. Norelia rapporte que le comité de pilotage chargé de superviser le référendum comprend des personnalités qui perçoivent des salaires exorbitants, parfois supérieurs à 700 000 gourdes par mois, soit environ 5 000 dollars.
L’exemple le plus frappant concerne une Haïtienne vivant à Montréal, ancienne candidate à la mairie d’un arrondissement de la métropole québécoise, qui perçoit de telles rémunérations sans jouer aucun rôle concret sur le terrain. « Elle est restée à Montréal, sans rien faire, tout en percevant plus de 5 000 dollars par mois, payés par l’État haïtien sous prétexte qu’elle mobiliserait la diaspora en faveur du référendum. C’est une insulte au peuple haïtien qui se bat pour sa survie », s’indigne M. Norelia.
Des élections possibles sans toucher à la Constitution
APORK est convaincu que la Constitution de 1987 doit être amendée pour permettre la tenue d’élections crédibles. « Oui, il est tout à fait possible d’organiser des élections en Haïti sans modifier la Constitution », assure M. Norelia. Il rappelle que c’est au Parlement, et non à l’exécutif ou à un quelconque comité de transition, de proposer et de mener à bien les procédures d’amendement, conformément à l’article 282 de la Constitution.
Pour APORK, ce référendum n’est pas seulement une violation de la loi, c’est un acte de haute trahison. M. Norelia réaffirme que toutes les personnes impliquées dans l’organisation, la promotion ou la supervision de ce processus devront répondre devant un tribunal de haute trahison de l’atteinte à la souveraineté constitutionnelle du pays.
La Constitution de 1987 n’est pas à vendre, le peuple haïtien refuse la voie de la spoliation et du renversement institutionnel.
entretien réalisé par cba
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