Premier point : Une visite sous fond de chaos sécuritaire
En cette journée de trouble où l’Hôpital général d’Haïti est la proie des flammes, livrée à la violence des gangs – en mission – qui dictent leur loi, le Premier ministre de facto Alix Didier Fils-Aimé a choisi ce moment précis pour se rendre au local du Conseil Électoral Provisoire (CEP) de soumis. Ironie du sort ou calcul cynique, cette visite intervient alors même que son gouvernement est incapable d’assurer la sécurité des infrastructures les plus essentielles du pays, malgré la nomination récente d’un directeur général et d’un ministre de la Santé.
Tandis que la population souffre du chaos ambiant, M. Fils-Aimé affiche une assurance déplacée, prétendant pouvoir organiser un référendum et des élections dans un pays où les centres de vote eux-mêmes seront sous la menace des groupes armés ou contrôles par ces mêmesindividus à dessein.
Deuxième point : Une légitimité inexistante et une ambition contestée
M. Fils-Aimé, rejeté par la population du département de l’Ouest lorsqu’il briguait un poste de sénateur, s’est vu propulsé à la tête du gouvernement non pas par la voie électorale, mais par la seule logique des arrangements politiques et conciliabules. Fort de ce pouvoir sans mandat populaire, il s’obstine aujourd’hui à imposer un référendum inconstitutionnel, en dépit du fait que la Constitution de 1987, adoptée à une écrasante majorité, encadre strictement les modalités d’amendement.
Loin de proposer une réforme légitime et concertée, ce projet de révision va plutôt répondre à des intérêts occultes, destinés à servir une classe dirigeante dont Alix Didier Fils-Aimé est lui-même issu.
Troisième point : Une gouvernance marquée par l’opacité et la corruption
L’absurdité de cette entreprise prend toute sa mesure à la lumière des récents rapports de Transparency International, publiés le 11 février, qui dressent un portrait accablant de la gouvernance actuelle en Haïti avec la correction de ses cahiers de charges et l’obtention d’une avilissante de 16 points sur 100. Des accusations de corruption frappent non seulement les gouvernements successifs d’Ariel Henry et de Gary Conille, mais aussi le Conseil Présidentiel de la Transition, dont plusieurs membres sont pointés du doigt pour des faits de détournement et de malversations.
C’est donc dans ce contexte de faillite institutionnelle et morale que M. Fils-Aimé prétend piloter une refonte constitutionnelle, alors même que l’État haïtien semble incapable de garantir l’intégrité de ses propres institutions. Quel cynisme.
Quatrième point : Une République en dérive, administrée par le vide
Ce qui se joue ici n’est pas seulement une question de réforme institutionnelle ou de légitimité politique, mais bien un projet de démantèlement progressif de l’État haïtien en disgracedepuis le 11 mai 2011. En prônant un référendum illégitime le 11 mai 2025, tout en laissant prospérer l’insécurité et la corruption, le Premier ministre et ses maîtres ne font qu’accélérer la déstructuration de la nation.
Son passage au CEP, en dépit de la crise sécuritaire et institutionnelle, ne relève pas d’une volonté de refondation, mais plutôt d’une tentative désespérée d’asseoir un pouvoir sans assise populaire. Dans cette Haïti du XXIe siècle, livrée aux caprices d’une élite qui n’a plus besoin du suffrage du peuple pour gouverner, l’histoire se réécrit sous nos yeux : celle d’un pays abandonné à lui-même, où le pouvoir ne cherche plus à diriger, mais simplement à persister…dans le chaos et la merde.