12 octobre 2025
Editorial de Haiti-Observateur – La corruption, un blocage du retour à la normale
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Editorial de Haiti-Observateur – La corruption, un blocage du retour à la normale

Editorial de Haiti-Observateur – La corruption, un blocage du retour à la normale

Chaque fois qu’il se produit une modification de la composition de l’équipe gouvernementale, le retour à la normale, dans tous les domaines, est inscrit sur la feuille de route. Dans ce contexte d’insécurité généralisée et quasiment omniprésente, le rétablissement de celle-ci figure en tête de liste, ainsi que l’équilibre des finances du pays. Mais la tenue des élections et l’organisation du référendum constitutionnel reviennent comme des leitmotivs dans les discours et les prises de position, tant au niveau des nouveaux dirigeants que des pays dits « amis » d’Haïti. Pourtant, d’un côté comme de l’autre, tous semblent ignorer le fait que la corruption battant son plein, au plus haut niveau de l’administration publique, est source de blocage de tous ces objectifs.

Depuis plusieurs décennies, dans l’Haïti post-Duvalier, la corruption s’est progressivement développée dans l’administration publique, jusqu’à devenir la norme. Bien que la communauté internationale dise combattre ce fléau, notamment en le dénonçant publiquement, rien ne laisse croire que ces accusations concernent les dirigeants haïtiens. Car, commencée sous le régime Aristide, avec les détournements de fonds publics, et les nombreux trafiquants de drogues œuvrant en partenariat avec ce dernier, les différents choix d’hommes politiques propulsés à la présidence, accusés de malversations au détriment de la caisse de l’État, ou encore élus à la première magistrature de la République sous le coup d’inculpation pour blanchiment d’argent, se félicitent d’avoir bénéficié de l’appui des « pays tuteurs ».

De Michel Martelly au Conseil présidentiel de transition (CPT) de neuf membres, en passant par l’Exécutif monocephale, avec le Dr Ariel Henry, dont l’accession au pouvoir était due à l’intervention directe des Américains agissant par personnes interposées, aucun ne s’est jamais soucié de la toxicité ou de la voyoucratie de leurs candidats. Pourvu que ces derniers répondent aux exigences de leurs politiques, de leur diplomatie ou de leurs intérêts.

En effet, après le coup d’État infligé au président Jean-Bertrand Aristide, par les Forces armées d’Haïti (FAdH), dirigées par l’équipe Cédras-Biamby, le président américain William Jefferson Clinton fit retourner le prêtre défroqué au pouvoir derrière 20 000 marines américains. Ayant ainsi reconquis le Palais national, avec la bénédiction, voire l’appui agissant de Washington, M. Aristide se croyait tout permis. Aussi avait-il orchestré l’assassinat de tous ses ennemis politiques, réels ou imaginaires, y compris le journaliste Jean Léopold Dominique, qui était son ardent supporteur. Une série d’autres personnes ont été aussi physiquement éliminées, dont l’avocate Mireille Durocher Bertin, le pasteur Emmanuel Leroy, les frères Arbouet, Hector Kétan, pour ne citer que ceux-là.

Il faut souligner que parmi les centaines d’assassinats perpétrés sous la garde d’Aristide, nombre d’entre eux étaient liés au trafic de stupéfiants. Et même sous la présidence de René Préval, l’ex-prêtre de Saint-Jean Bosco avait fait exécuter M. Dominique et le gardien de sa station de radio.

Dans cette même logique, Michel Joseph Martelly, personnage toxique, misogyne, en sus d’être un trafiquant de drogue patenté, l’ex-secrétaire d’État américaine, l’ancienne première dame Hillary Rodham Clinton, décidant au nom du Département d’État, enfonça ce dernier dans la gorge du peuple haïtien comme président, en 2010, le privilégiant à l’ex-sénatrice et ancienne première dame Mirlande Manigat. Un des grands acteurs de la corruption, Martelly s’est signalé, de concert avec son Premier ministre, Laurent Salvador Lamothe, dans la dilapidation du Fonds PetroCaribe et le détournement des avoirs de l’État, à son profit personnel et à celui de Sophia Saint-Rémy, son épouse, et d’Olivier Martelly, son fils.

Quant à Jovenel Moïse, un des témoins de la disparition d’Evinx Daniel, son partenaire et celui de Michel Martelly, dans le commerce de stupéfiants, ce dernier, qui voulait en faire la continuité du régime Parti haïtien tèt kale (PHTK), a piloté sa candidature à la présidence, comme son successeur, alors que Moïse était inculpé pour blanchiment des avoirs. À l’instar de son prédécesseur, il participait au pillage du Fonds PetroCaribe, et aménageait des créneaux ayant permis à sa femme, Martine Joseph Moïse, de s’offrir, elle aussi, des opportunités de corruption.

Autour d’Ariel Henry, nommé chef exécutif unique, par un tweet du CORE Group, à l’instigation de Washington, il ne s’est pas comporté différemment au pouvoir. Si les méthodes ont changé, les résultats restent les mêmes. Le Premier ministre de facto Henry a eu son lot de transactions occultes ayant favorisé l’accumulation de juteuses commissions, comme celle, apprend-on, réalisée sur le paiement de USD 500 millions sur la dette du Fonds PetroCaribe due au gouvernement du Venezuela, et qui aurait été effectué dans des conditions occultes.

À la faveur de la mise au rancart en douce de Jovenel Moïse, condamné à l’exil, aux États-Unis, par l’administration Biden-Harris, Washington a joué un rôle encore plus direct dans la mise en place du gouvernement haïtien. Aussi les Américains ont-ils, encore une fois, violé la Constitution haïtienne, en innovant dans la gouvernance : une présidence multicéphale à neuf membres, dont deux n’ayant droit de vote.

Puisque le CORE Group et leurs gouvernements n’ont aucun intérêt à enquêter sur les candidats, ou d’en exiger une, ces derniers, une fois entrés en fonction, laissent agir leur réflexe naturel. Trois d’entre eux n’ont pas tardé à donner en plein dans la corruption.

Certes, depuis déjà plus de trois mois, a éclaté un gros scandale impliquant les conseillers-présidents Jean Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin. Voilà déjà des semaines depuis qu’a été dénoncé le scandale de ces trois plus hauts fonctionnaires de l’Exécutif, dans une affaire de corruption liée à la Banque nationale de crédit (BNC). En dépit de la gravité des accusations, ils se trouvent encore en poste. Les dénonciations dont ils sont l’objet font état d’une demande d’un million de gourdes faite à l’ex-président du Conseil d’administration de cette institution bancaire étatique, Raoul Pierre-Louis. Alors que celui-ci a été mis en disponibilité par le Conseil présidentiel.

Restés désespérément accrochés au principe juridique selon lequel l’accusé bénéficie de la présomption d’innocence, ils continuent de faire partie du CPT et de jouir des privilèges qu’offre la fonction. Or, la gravité de l’accusation, qui pèse sur MM. Gilles, Vertilaire et Augustin, entraînerait indubitablement leur mise à l’écart dans des pays évoluant sous un régime démocratique. Surtout qu’il faut éviter que les accusés se trouvent en position d’influencer l’enquête qui pourrait être déclenchée sur ce dossier.

Si la transgression dont sont accusés ces membres du CPT constitue un scandale majeur, il est encore plus alarmant qu’ils soient toujours en poste. Surtout qu’après l’enquête menée sur leur cas par l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC), ils ont été déférés devant la Justice. De toute évidence, les pressions provenant de nombreux secteurs politiques et de la société civile appelant à leur « mise au rencart » n’ont pas donné les effets escomptés, parce qu’ils sont appuyés par les organisations politiques et les groupes restés solidaires de leur situation, et qui les avaient nommés.

Par ailleurs, on se demande quelle influence la communauté internationale, créatrice de ce gouvernement hybride, a pu exercer sur ces hauts fonctionnaires quant à leur maintien en poste, malgré leur violation présumée de la loi et les graves accusations pesant sur eux.

Mais, quoi que puissent avancer comme arguments les différents secteurs exerçant une quelconque influence sur le CPT, un fait reste certain : le scandale des 100 millions de gourdes de la BNC constitue un blocage majeur de la transition, irrémédiablement engluée dans l’immobilisme. À la lumière de ces faits, l’indécision et la friponnerie manifeste des autres membres de l’organisme présidentiel, sans oublier les influences exogènes, ne feront que prolonger la période de transition.

C’est donc le cas de dire, concernant la feuille de route de la transition : « Adieu veau, vache, cochon, couvée ».

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