Haïti traduira-t-elle un jour devant les tribunaux internationaux ceux qui ont laissé mourir son peuple alors que leur mission était de protéger les vies et les biens ?
Alors que la France vient de condamner un ancien dirigeant africain pour des crimes contre l’humanité commis dans son pays, en Haïti, la communauté internationale, et notamment le BINUH, se contente depuis un certain temps d’énumérer le nombre de victimes par balles, sans jamais tenir les auteurs ou co-auteurs directement responsables, au point de les traduire devant la justice internationale. Tout gouvernement de fait a son lot de morts. Ariel Henry, après avoir gouverné le pays dans le chaos, est parti couler une retraite paisible en Californie, et Garry Conille lui a emboîté le pas avec un lourd bilan dans les 120 jours qui ont suivi son investiture.
« Comme par magie, le nombre de morts est rapporté dans la presse, puis s’arrête, et au cours des trois mois suivants, la même chose se produit, s’insurge un dirigeant de droits humains, ajoutant que tout le monde se contente d’observer avec complicite grave l’élimination directe de la population par les gangs « en mission ».
Plus de 1 740 personnes ont été tuées ou blessées en Haïti entre juillet et septembre, soit une augmentation de près de 30 % par rapport au trimestre précédent, selon les derniers chiffres publiés mercredi par les autorités de l’ONU.
Cette flambée de violence survient alors que les gangs prennent le contrôle de 85 % de la capitale Port-au-Prince – contre 80 % auparavant – tandis qu’une mission soutenue par l’ONU et dirigée par la police kenyane pour réprimer la violence des gangs se heurte à un manque de financement et de personnel, ce qui a suscité des appels en faveur d’une mission de maintien de la paix de l’ONU.
« En l’absence de représentants de l’État, les gangs revendiquent de plus en plus les rôles habituellement dévolus à la police et à la justice, tout en imposant leurs propres règles », a averti le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH).
Les 1 223 meurtres signalés au cours du troisième trimestre sont largement imputés à la violence des gangs, bien que les forces de l’ordre aient perpétré au moins 106 exécutions extrajudiciaires, dont six enfants âgés d’à peine 10 ans, accusés d’avoir transmis des informations à des membres de gangs, a indiqué le BINUH.
Sur les 106 exécutions extrajudiciaires, 96 ont été perpétrées par des policiers et 10 autres par Jean Ernest Muscadin, procureur de la ville de Miragoâne, sur la côte sud du pays. Au total, Muscadin est accusé d’avoir tué au moins 36 personnes depuis 2022, soupçonnées d’être membres de gangs ou d’avoir commis des « crimes de droit commun », a indiqué le BINUH.
Un porte-parole de la police nationale d’Haïti n’a pas répondu aux demandes de commentaires, tandis que Muscadin a refusé tout commentaire et a raccroché lorsqu’il a été joint par téléphone.
