Le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) a reconnu une aggravation alarmante de la situation sécuritaire dans le pays, alors que les gangs terroristes armés, bien équipés, intensifient leurs attaques dans les zones non encore sous leur contrôle. Mardi, la cheffe du BINUH, Maria Isabel Salvador, a informé le Conseil de Sécurité de l’ONU que « la situation en Haïti s’est malheureusement détériorée », faisant écho à une réalité déjà durement ressentie par la population marginalisée.
Toutefois, « ces déclarations tardives interrogent sur la gestion de la crise préfabriquée par la communauté internationale, en particulier sur le soutien aveugle initial du BINUH à l’administration Tèt Kale3 d’Ariel Henry et à l’alliance SDP-Fusion« , a fustigé le Dr Josué Renaud de New England Humans Rights Organization (NERHO).
Un soutien aveugle et des résultats tardifs
Le BINUH, de La Lime à Salvador, a poursuivi Renaud, qui avait au départ manifesté un appui inconditionnel à l’administration Ariel Henry et à ses alliés politiques, se retrouve aujourd’hui à devoir admettre l’échec de cette stratégie, alors que « la violence programmée des gangs continue de s’intensifier« .
Les critiques abondent quant à l’inefficacité de l’administration soutenue et son incapacité à stabiliser la situation. Cette prise de conscience semble être venue trop tard, car les forces de sécurité nationales, en sous-effectif chronique, se retrouvent débordées par une alliance de gangs toujours plus organisée, comme « Viv Ansanm », qui continue de s’étendre au-delà de la capitale jusqu’aux régions avoisinantes.
En effet, Mme Salvador a souligné l’expansion des violences autour de Port-au-Prince et ses banlieues, ainsi que dans des régions agricoles stratégiques et des villes historiquement symboliques, telles que celle où le drapeau haïtien a été créé. Ces zones, sous un état de siège prolongé, subissent des attaques par voie terrestre et maritime, créant un climat de terreur généralisé.
« Ces développements soulignent l’échec des efforts sécuritaires et du soutien initial accordé à l’administration en place, dont l’inefficacité était pourtant manifeste bien avant que le BINUH ne reconnaisse officiellement cette détérioration« .
Des moyens insuffisants et une mission internationale à la traîne
Le contraste entre les ambitions de la mission internationale de stabilisation et la réalité sur le terrain est frappant. Salvador a souligné le manque de ressources essentielles pour le déploiement de la mission, en insistant sur la lenteur de l’arrivée des troupes promises – une fraction des 3 000 promises est effectivement présente. Ce retard a compromis la capacité de la mission à remplir son rôle de soutien aux forces de police haïtiennes, exacerbant la vulnérabilité du pays à une violence sans précédent.
Les affrontements récents ont conduit au déplacement de plus de 4 200 personnes autour de la capitale, selon les estimations de l’ONU, forçant des milliers de familles à chercher refuge dans des camps de fortune installés dans des écoles, églises et centres de santé. Avec un total de près de 700 000 déplacés à travers le pays et une situation alimentaire désastreuse touchant plus de 5 millions de personnes, Haïti se trouve au bord d’une véritable crise humanitaire.
L’effondrement de la confiance publique et les divisions au sommet
Un autre aspect préoccupant souligné par Salvador est l’érosion de la confiance publique due aux tensions croissantes entre les dirigeants choisis par la communauté internationale à leur place dans le pays, représentés par le Premier ministre de facto, Dr Garry Conille et un Conseil Présidentiel de Transition à 7 tèt dont 3 indexé de corruption accrochés à leur poste. Cette dualité exécutive, loin de renforcer la cohésion politique nécessaire en temps de crise, ne fait qu’aggraver la désillusion populaire, ajoutant une dimension politique à une situation sécuritaire déjà extrêmement complexe.
Face à ces développements, il devient clair que les premières approches adoptées par le BINUH et les partenaires internationaux, consistant à soutenir une administration inefficace sans remise en question critique, ont contribué à l’aggravation de la crise. La reconnaissance de cet échec, bien que tardive, doit être suivie d’une révision des stratégies internationales en Haïti, avec un accent sur la restructuration du système de gouvernance et l’allocation rapide des ressources promises pour enrayer cette spirale de violence.
Enjeux futurs : Un tournant nécessaire ?
La question demeure : quelle sera la prochaine étape pour la communauté internationale face à un conflit qui ne cesse de s’intensifier et qui plonge Haïti dans une instabilité croissante ? Les promesses non tenues de troupes et de financement, ainsi que la faiblesse d’un gouvernement appuyé à l’aveugle, devraient inciter à une réflexion approfondie sur la manière de réellement restaurer la sécurité dans ce pays en souffrance.