Douglas Kanja a pris ses fonctions de chef de la police du Kenya pour un mandat de quatre ans, succédant à Japheth Koome, qui a démissionné en pleine crise des manifestations anti-gouvernementales en juillet. À 61 ans, cet officier vétéran, fort d’une carrière de près de quatre décennies, devient le sixième chef de la police depuis l’adoption de la nouvelle constitution en 2010. Il est appelé à relever un défi majeur : restaurer la confiance des Kényans envers la police, souvent perçue comme corrompue et violente.
Kanja a été intronisé le 19 septembre après avoir obtenu l’approbation des parlementaires et sa nomination officielle par le président William Ruto. Ce dernier l’a investi d’une mission cruciale : garantir l’indépendance du Service National de Police face aux pressions externes et veiller à l’application équitable de la loi pour tous les citoyens. « J’ai confiance en vos capacités », a déclaré Ruto lors de la cérémonie d’accueil à State House.
Un parcours de commandement et d’action
Avant sa nomination, Kanja dirigeait l’Unité de Service Général (General Service Unit – GSU), une force de réserve spécialisée dans les opérations délicates et la gestion des désordres civils. Il a également occupé brièvement le poste d’Inspecteur Général par intérim en juillet et a été Directeur des Enquêtes Criminelles (DCI) ainsi que Commandant de l’Unité Anti-Terrorisme (ATPU).
Cette vaste expérience confère à Kanja une crédibilité certaine au sein de la police kényane. Cependant, il hérite d’une institution profondément décriée, notamment en raison des abus commis par des officiers voyous, responsables d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées. Selon la Commission Nationale Kényane des Droits de l’Homme, plus de 60 manifestants ont été tués par la police, sans que les responsables n’aient été inquiétés.
Les défis de la réforme policière
Restaurer la confiance des citoyens dans les forces de l’ordre passe par la fin de l’impunité et de la brutalité policière. Pour beaucoup d’analystes, comme Dominic Wabala, la clé réside dans l’arrestation et la poursuite judiciaire des policiers coupables de crimes. Par ailleurs, la corruption qui gangrène la police kényane, notamment au sein de la division du trafic routier, demeure un fléau. Kanja a promis l’introduction de caméras corporelles pour combattre la corruption, une mesure bien accueillie par les transporteurs publics, souvent victimes d’extorsion.
Le nouveau chef de la police devra aussi s’attaquer à la criminalité organisée, notamment le vol de bétail et le banditisme dans la région du Nord Rift, ainsi qu’à la menace terroriste d’Al Shabaab. Kanja a d’ores et déjà prévenu les criminels qu’il ne leur laisserait « aucun espace », tout en exhortant les Kényans à coopérer avec la police.
La nécessité d’une volonté politique
Pour réussir dans sa mission, Kanja devra naviguer habilement entre les exigences du public et les pressions politiques. Comme le souligne l’analyste politique Kelvin Ochol, l’indépendance de Kanja face aux interférences politiques déterminera en grande partie son succès. L’histoire récente montre que l’absence de volonté politique et le manque de soutien populaire ont conduit ses prédécesseurs à l’échec. En effet, les conditions de travail des policiers, marquées par des infrastructures inadéquates, de faibles rémunérations et des promotions tardives, figurent parmi les principales doléances qui attendent d’être résolues.
Kanja semble déterminé à apporter des changements profonds et durables à la police kényane. Cependant, seule une réforme structurelle, soutenue par une volonté politique sincère et la collaboration active des citoyens, permettra de transformer une institution décriée en un service public digne de confiance.
