6 juillet 2024
Déclaration de la Cheffe du BINUH, Maria Isabel Salvador, au Conseil de sécurité de l’ONU
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Déclaration de la Cheffe du BINUH, Maria Isabel Salvador, au Conseil de sécurité de l’ONU

New York, le 3 juillet 2024

Monsieur le Président, Distingués Membres du Conseil, Premier ministre Conille, Excellences, Mesdames et Messieurs,

Depuis mon dernier exposé devant ce Conseil, des changements majeurs se sont produits en Haïti, et je suis heureuse de vous annoncer que le pays progresse vers la restauration des institutions démocratiques grâce à une sécurité renforcée et des élections crédibles. L’installation du Conseil présidentiel de transition en avril et la désignation d’un Premier ministre et d’un nouveau gouvernement, investi le mois dernier, sont des signes clairs de progrès. Les travaux se poursuivent à l’aéroport de Port-au-Prince, où les vols ont repris et la construction de la base qui accueillera la Mission de soutien à la sécurité multinationale (MSS) est achevée. Un premier groupe de policiers kenyans pour la MSS est arrivé le 25 juin. Ce premier déploiement est une étape importante dans la mise en œuvre de la Résolution 2699 du Conseil de sécurité et apporte un nouvel espoir au peuple haïtien.

Monsieur le Président,

Le 28 mai, le Dr. Garry Conille, dont nous saluons la présence parmi nous aujourd’hui, a été choisi comme Premier ministre par le Conseil présidentiel de transition. Le 12 juin, un nouveau gouvernement de transition a été investi, composé de 14 ministres à la tête de 18 ministères. Avec l’installation de ce gouvernement, l’exécutif bicéphale s’est engagé à conduire Haïti vers la restauration des institutions étatiques par la tenue d’élections crédibles, inclusives et participatives qui mèneront, selon le calendrier proposé, à l’installation des autorités élues au plus tard en février 2026.

Je salue les efforts des autorités de transition pour accroître la participation des femmes et d’autres minorités à des postes clés au sein du gouvernement. En effet, 6 des 18 ministères sont dirigés par des femmes, représentant 33 % de l’ensemble des ministères. 50 % des chefs des missions diplomatiques d’Haïti sont aujourd’hui des femmes. L’inclusion et la diversité sont essentielles pour promouvoir une transition politique qui ouvre la voie à la restauration des institutions étatiques et répond efficacement aux besoins et attentes de tous les Haïtiens. Je célèbre aussi l’engagement et le dévouement du Premier ministre et de son gouvernement dans leur lutte contre la corruption et en faveur des droits humains et de la justice.

La lutte contre la corruption et pour la justice évite l’impunité. Alors que nous nous préparons à commémorer, le 7 juillet, le troisième anniversaire de l’assassinat du Président Jovenel Moïse, l’appel à traduire en justice les responsables de ce crime odieux continue.

C’est dans cet esprit que le BINUH a renouvelé et réorienté son engagement stratégique de soutien au processus politique. Accroître systématiquement la participation des femmes et des jeunes à ce processus est un pilier fondamental de cette stratégie que nous développons conjointement avec le gouvernement. Dans cette vision, le BINUH a appuyé l’organisation du Forum de la société civile qui s’est tenu la semaine dernière, les 27 et 28 juin, à Port-au-Prince. Ce forum, marqué par une participation importante des organisations de femmes et de jeunes des différents départements du pays, avait pour objectif de promouvoir l’inclusion et la participation des femmes et des jeunes dans la transition en cours. Nous nous attendons à ce que le Forum établisse une plateforme de dialogue permanent entre les organisations de la société civile, les leaders communautaires, les groupes de femmes et de jeunes et les structures de gouvernance transitionnelle afin d’optimiser la contribution de ces acteurs pendant la période de transition, avec un accent particulier sur le rôle significatif des femmes, des jeunes et de tous les groupes marginalisés. Le BINUH apportera un soutien stratégique et logistique à cette plateforme clé.

Soutenir la promotion des droits humains à tous les niveaux de la société haïtienne est un deuxième pilier de notre stratégie. La corruption a un effet dévastateur sur les institutions publiques et sur la capacité de l’État à respecter, protéger et réaliser les droits humains, en particulier ceux des personnes et groupes en situation de vulnérabilité et de marginalisation. À cette fin, la section des droits humains du BINUH a récemment soutenu la formation de 61 magistrats de Port-au-Prince et de Croix-des-Bouquets sur les techniques d’investigation en matière de violences sexuelles. Récemment, au Salon du droit, le plus grand événement juridique de l’année en Haïti, j’ai eu l’occasion de transmettre un message fort sur la nécessité de l’engagement de tous les acteurs sociaux, politiques, judiciaires et économiques dans la lutte pour éradiquer le terrible fléau de la corruption.

Monsieur le Président, Distingués Membres, Mesdames et Messieurs,

Sur le front de la sécurité, bien que des progrès aient été réalisés, des niveaux alarmants de violence restent une source de grande préoccupation. La violence aveugle des gangs se répand constamment au-delà de la capitale vers d’autres régions du pays. Les attaques récurrentes des gangs depuis le 29 février ont gravement entravé les efforts nationaux et internationaux pour accélérer le processus de recrutement de nouveaux policiers, et les taux d’attrition dans la police nationale restent élevés. La désignation récente d’un nouveau Directeur général de la police nationale haïtienne apporte un nouvel espoir dans la lutte continue contre la violence des gangs.

Les violations et abus des droits humains persistent à des niveaux alarmants. Les incidents documentés incluent des fusillades de masse et des assassinats ciblés, des viols collectifs, des enlèvements, l’incendie et le pillage de maisons et de commerces, ainsi que la destruction intentionnelle des installations des prestataires de services sociaux, y compris les hôpitaux et les écoles.

Je reste profondément troublée par la violence aveugle et les graves abus perpétrés par les gangs armés contre les enfants. Également préoccupante est la prévalence des menaces et des attaques contre les défenseurs des droits humains, les journalistes et les membres du pouvoir judiciaire, dont beaucoup ont été contraints de limiter ou d’arrêter leur travail, voire de fuir le pays.

Dans mes discussions avec le Premier ministre Conille, j’ai transmis l’engagement des Nations Unies à continuer de soutenir Haïti en accord avec les priorités nationales. En tenant compte du nouveau contexte marqué par une coopération accrue avec l’OEA et la CARICOM, le BINUH continuera, dans le cadre de son mandat et dans cette nouvelle dynamique, à soutenir les autorités de transition dans des domaines clés tels que les élections, la réforme constitutionnelle, le développement de la police, l’amélioration du dialogue politique et de la justice, ainsi que la réduction de la violence communautaire, pour n’en nommer que quelques-uns. Le BINUH redéfinit et réoriente ses priorités pour soutenir la nouvelle structure de gouvernance de cette transition dirigée et menée par les Haïtiens. Comme les élections sont au cœur des objectifs fixés par les nouvelles autorités de transition, la possibilité de renforcer l’expertise électorale du BINUH pourrait être envisagée.

Alors que la MSS continue de se déployer, l’établissement d’un mécanisme de coordination entre les autorités nationales, la MSS, les Nations Unies en Haïti et d’autres partenaires sera crucial pour promouvoir les complémentarités, échanger des informations et concevoir des stratégies de communication efficaces.

Je tiens à exprimer ma gratitude aux efforts des États membres pour assurer la mise en œuvre de la Résolution 2699 du Conseil de sécurité et à saluer la volonté du Kenya de diriger la Mission de soutien à la sécurité multinationale. J’appelle également tous les États membres à s’assurer que la Mission de soutien à la sécurité multinationale reçoive le soutien financier nécessaire à son succès.

En ce qui concerne la situation humanitaire, elle continue de se détériorer. Il y a 578 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays, soit une augmentation de 60 % depuis mars 2024. Les taux de violences sexuelles et d’abus restent troublants. Seulement 20 % des établissements de santé fonctionnent normalement. Malgré les contraintes d’accès au cours des derniers mois, comme vous le savez, les Nations Unies et leurs partenaires ont continué à intervenir dans tout le pays. Malheureusement, le Plan de réponse humanitaire 2024 n’est financé qu’à hauteur de 24,3 %.

Monsieur le Président,

La Résolution 2699 du Conseil de sécurité a autorisé un renforcement de la composante policière du BINUH, bien que la situation financière de l’Organisation avec le gel des recrutements nous ait empêchés de progresser dans le renforcement de la Police et de la zone de correction, et la situation sécuritaire qui s’est développée depuis le 29 février a encore aggravé cette situation. Dans cette nouvelle dynamique pour Haïti, alors que nous avançons, c’est aussi une opportunité de revitaliser le BINUH et de repositionner son rôle dans le contexte actuel. Alors que la Mission de soutien à la sécurité multinationale se déploie, le renforcement du domaine des droits humains au sein du BINUH afin de pouvoir fournir le soutien et le suivi nécessaires à la conformité avec la politique de diligence raisonnable en matière de droits humains est fondamental. La Résolution 2699 mandate la MSS pour établir un mécanisme de surveillance des droits humains. Le BINUH, dans le cadre de son mandat sur les droits humains, est prêt à fournir un soutien, si nécessaire, à la définition d’un cadre robuste de conformité aux droits humains.

Alors qu’Haïti entre dans une nouvelle dynamique, le BINUH serait prêt à soutenir une visite de ce Conseil distingué en Haïti si et quand cela est jugé opportun.

Je renouvelle mon engagement total, ainsi que celui du BINUH, à travailler avec le gouvernement et tous les acteurs vers la stabilité, la paix et un avenir meilleur pour les hommes, les femmes, les jeunes et les enfants haïtiens.

Je vous remercie.

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