La révolution génomique à l’ère numérique : enjeux éthiques et juridiques

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Par Philogène Bernadin

La révolution génomique désigne l’avènement de la génomique, c’est-à-dire l’étude de l’ensemble des gènes d’un organisme ou d’une espèce. Elle est caractérisée par l’explosion des avancées technologiques dans le domaine du séquençage de l’ADN, qui ont permis de décrypter l’information génétique de manière rapide et à grande échelle. Cette révolution a ouvert de nombreuses perspectives dans le domaine de la médecine, de la recherche, de l’agriculture, de l’environnement, etc., en permettant une meilleure compréhension des maladies génétiques, du développement des organismes, des relations entre les espèces et des écosystèmes, entre autres. De plus, les progrès de l’informatique ont permis de stocker et d’analyser ces données à grande échelle. Cette combinaison de technologies a ouvert la voie à une recherche plus approfondie sur les gènes et les maladies, ainsi qu’à de nouvelles possibilités de développement de médicaments personnalisés et de diagnostics.

Cependant, ces développements ont également suscité des problèmes juridiques et éthiques significatifs liés à la collecte, au stockage et à l’utilisation de données génomiques. Le but de cet article est de discuter de certains de ces enjeux clés, notamment la vie privée, la propriété et le contrôle, le consentement éclairé et l’équité et l’accès, et d’explorer comment ils sont abordés par des cadres juridiques et éthiques. Voici quelques exemples :

-Préoccupations liées à la vie privée : La collecte, le stockage et l’utilisation de données génomiques peuvent potentiellement compromettre la vie privée des individus. Les données génomiques sont extrêmement sensibles et personnelles, elles peuvent révéler des informations sur la santé, l’ascendance et même la propension à certains comportements ou maladies. Il y a des préoccupations quant à la façon dont ces données sont collectées, stockées et utilisées, et si les individus ont un contrôle adéquat sur leurs propres données. Une étude de Gourna et al. (2021) aborde les risques de vie privée des données génomiques et propose un cadre préservant la vie privée pour le partage de données génomiques. Ils soulignent l’importance de veiller à ce que les données génomiques soient manipulées de manière à préserver la vie privée des individus et à prévenir tout accès non autorisé.

-Cadres juridiques : Les cadres juridiques tels que le Règlement général sur la protection des données (RGPD) en Europe et la Loi sur la portabilité et la responsabilité de l’assurance maladie (HIPAA) aux États-Unis cherchent à aborder les préoccupations liées à la vie privée et à la protection des données. Le RGPD, qui est entré en vigueur en mai 2018, est une réglementation complète sur la protection des données qui s’applique à tous les États membres de l’Union européenne. Il fournit un cadre juridique pour la protection des données personnelles, y compris les données génomiques. Un article de Gottweis et al. (2018) discute des implications du RGPD pour la recherche génomique et des défis qu’il pose pour le partage de données. L’HIPAA, promulguée en 1996, réglemente l’utilisation et la divulgation d’informations de santé protégées (PHI) aux États-Unis. Un article de Hodge et al. (2016) discute du rôle de l’HIPAA dans la protection de la vie privée et de la confidentialité des données génomiques.

-Propriété et contrôle : Il y a des questions sur qui possède et contrôle les données générées par le séquençage génomique, en particulier dans les cas où plusieurs parties sont impliquées, telles que les chercheurs, les fournisseurs de soins de santé et les patients. Cela peut créer des problèmes de partage et d’accès aux données, ainsi que des conflits d’intérêts potentiels. Trinidad et al. (2012) discutent de la question de la propriété et du contrôle des données dans le contexte de la recherche génomique. Ils soutiennent que les données génomiques devraient être considérées comme une ressource partagée qui est détenue et contrôlée par la communauté de recherche dans son ensemble, plutôt que par des chercheurs ou des institutions individuelles.

-Consentement éclairé : Le consentement éclairé est particulièrement important en génomique, car les données générées peuvent avoir des implications significatives pour la santé et le bien-être d’un individu. Il est crucial de veiller à ce que les individus comprennent les risques et les avantages des tests génomiques et aient le choix de participer ou non. Bredenoord et al. (2011) discutent de l’importance du consentement éclairé dans la recherche génomique. Ils soutiennent que les modèles traditionnels de consentement éclairé peuvent ne pas être suffisants pour la génomique et que de nouvelles approches sont nécessaires pour garantir que les individus ont un choix significatif de participer ou non à la recherche génomique.

-Equité et accès : Il y a des préoccupations concernant l’équité et l’accès à la recherche génomique, en particulier pour les communautés marginalisées qui peuvent être sous-représentées dans les études de recherche. Popejoy et Fullerton (2016) discutent de la question de l’équité et de l’accès dans la recherche génomique. Ils soutiennent que des efforts sont nécessaires pour garantir que la recherche génomique soit menée de manière éthique et équitable et que les chercheurs doivent prendre des mesures pour résoudre les disparités d’accès aux données et aux technologies génomiques.

En conclusion, la révolution génomique a apporté de nombreuses opportunités passionnantes pour faire avancer notre compréhension de la santé et des maladies humaines. Cependant, elle a également soulevé des questions juridiques et éthiques importantes concernant la confidentialité, la propriété et le contrôle, le consentement éclairé et l’équité et l’accès. Aborder ces questions sera crucial pour garantir que la recherche génomique soit menée de manière éthique et responsable.

Par Philogene Bernadin, Etudiant en Master Neuroscience & Psychology a Tomsk State University en Russie

Date:24/04/2023

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