Haïti | Violence des gangs et vide politique – Le Conseil de sécurité entend « quelques appels pressants » pour le déploiement d’une force internationale

0
999

LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI – S/2023/41

Réuni mardi matin, le Conseil de sécurité a fait le point sur la situation critique en Haïti, expliquée en détails par la Représentante spéciale du Secrétaire général en Haïti et Cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH).  Mme Helen La Lime a dressé un tableau extrêmement sombre de la situation d’un pays « sans un seul élu au pouvoir » depuis l’expiration du mandat de ses 10 derniers sénateurs.  La majorité des délégations ont appelé les acteurs haïtiens à travailler ensemble à la mise en œuvre d’une voie consensuelle vers des élections démocratiques, sans prendre position sur l’idée de déployer une force armée spécialisée internationale. 

Haïti est un pays en proie aux exactions de bandes lourdement armées qui ne reculent devant rien pour inspirer la terreur au sein de la population civile: enlèvements, meurtres, viols, y compris d’enfants.  Dans son intervention, le représentant haïtien a relevé que « même les policiers » n’étaient pas à l’abri d’une telle violence, puisque plusieurs d’entre eux ont été assassinés au cours de la semaine écoulée.  Le recours par les bandes au blocage des voies de circulation empêche le travail humanitaire, alors que près de cinq millions d’Haïtiens souffrent de la faim, et qu’une épidémie de choléra sévit, dans un contexte d’effondrement des infrastructures sanitaires. 

Neuf écoles sur 10 demeurent fermées, entraînant un cercle vicieux de retard de développement pour le pays et de recrutement de jeunes désœuvrés par les gangs.  La République dominicaine, qui partage sa frontière terrestre avec Haïti sur l’île d’Hispaniola, a fait part de ses difficultés à gérer l’espace frontalier, étant donné la disparition de l’état de droit chez son voisin: la frontière y est devenue une source de fléaux comme la traite d’êtres humains, le trafic d’armes et de substances illicites, et la contrebande de marchandises. 

Pourtant, l’envoi d’une force armée spécialisée internationale pour épauler la Police nationale d’Haïti (PNH) sous-dotée a été réclamée de nouveau par la Cheffe du BINUH et par Haïti, pour qui il s’agit « d’un impératif du moment » – « ne pas agir, c’est ne pas pénétrer la profondeur de la crise », selon son représentant.  La République dominicaine a regretté que cette principale demande des autorités haïtiennes, approuvée par le Secrétaire général, demeure « sans feuille de route claire ».  Dans cet esprit, le délégué du Mozambique, également au nom du Gabon et du Ghana, a encouragé les consultations en cours pour la mise en place et le déploiement d’une force internationale de lutte contre les gangs qui sèment la terreur en Haïti, qu’il a qualifié de « sixième région de l’Afrique ».  L’Albanie aussi a soutenu « sans réserve » le déploiement en Haïti d’une force d’action rapide. 

Évoquant « l’héritage douteux » des précédentes missions de l’ONU en Haïti, la République dominicaine a voulu peser le souci de planifier adéquatement toute réponse, sans reproduire les erreurs du passé ni ignorer la volonté du peuple haïtien, et l’urgence absolue d’agir, chaque minute écoulée entraînant l’aggravation de la situation.  Le Canada a appelé au contraire à faire les choses différemment et à tirer les leçons de l’histoire des grandes interventions militaires en Haïti, « qui n’ont pas réussi à apporter une stabilité à long terme aux Haïtiens ».  Ainsi le Brésil a-t-il dit croire à « des solutions dirigées par les Haïtiens ». 

En l’absence de consensus sur ce point crucial, les espoirs se sont tournés vers deux initiatives majeures.  La première est l’accord politique signé en Haïti le 21 décembre.  Le « Consensus national pour une transition inclusive et des élections transparentes », adopté en Conseil des ministres, devrait à terme, établir un nouveau gouvernement d’ici à février 2024, et promouvoir des réformes fiscales, afin de collecter des impôts et de rétablir les services publics.  Mme La Lime a aussi évoqué la mise en place d’un haut conseil multipartite de transition; la création d’un organe de contrôle de l’action gouvernementale; la restauration complète de la Cour de cassation, la plus haute juridiction du pays, avec un conseil de transition qui collaborera avec le Gouvernement pour en nommer les juges; la formation du Conseil électoral provisoire, ainsi que l’élaboration de réformes constitutionnelles. 

L’autre avancée à laquelle se sont référés tous les intervenants est la résolution 2653 (2022), par laquelle le Conseil a établi à l’unanimité un régime de sanctions contre ceux qui entretiennent, directement ou indirectement, des relations avec des groupes armés et des réseaux criminels en Haïti.  La Chine, les États-Unis et le Brésil s’en sont de nouveau félicités.  Le Royaume-Uni s’est dit favorable à son élargissement à de nouvelles personnes impliquées dans les violations des droits humains.  Il a toutefois estimé comme la France que si les sanctions constituent un signal dissuasif pour les criminels et leurs soutiens politiques et financiers, « elles ne peuvent pas tout résoudre à elles seules ». 

La Russie, pour qui la crise de l’État haïtien est en grande partie « le résultat de l’ingénierie politique et néocoloniale », a déploré de son côté un amalgame dans le rapport du Secrétaire général entre mesures coercitives unilatérales et sanctions du Conseil de sécurité; elle y a vu une « tentative des États-Unis et du Canada d’influencer les processus internes de ce pays ». 

Le Consensus national et l’adoption de sanctions sont les deux outils qui pourront tracer un sentier clair pour sortir Haïti de l’ornière, a résumé la Représentante spéciale.  Néanmoins, a-t-elle prévenu, sans une force armée internationale pour aider la PNH à combattre les bandes armées, les effets positifs des sanctions demeureront fragiles, et risqueront d’être balayés.  Les Haïtiens, « dans leur grande majorité », a-t-elle insisté, souhaitent cette aide, afin de pouvoir de nouveau mener leur vie quotidienne en toute tranquillité. 

source: ONU

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.