L’idée, cette dimension féconde, cette purgation de toute stérilité

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Par Camille Loty Malebranche

On ne peut parler d’idéalisme en évoquant le primat naturel de l’idée dans l’action puisque l’idéalisme porte en philosophie la marque de l’excès qui en désavoue le sens affublé d’abus définitionnel.

L’idéalisme philosophique renvoie comme par réminiscence discursive irréversible, au fantasme platonicien d’une préexistence séparée des idées, au prétendu « monde intelligible », où les idées font figure d’hypostases en soi comme des espèces d’entités opérant par elles-mêmes et prédéterminant toute chose sensible, humaine et cosmique, qui irait comme s’y alimenter pour naître ou prendre forme dans l’être!

Pour nous, évoquer l’idée, c’est simplement désigner la démarche abstrayante de l’homme agissant, procédant selon un abstractisme immanent à l’action, en tant que l’homme passe par une phase nécessaire de représentation, d’imaginaire pour agir, qui constitue l’idéation. En fait, il n’y a pas d’action sans idée, que cette idée soit courante ordinaire ou élaborée, qu’elle soit propre à l’individu ou reçue; il n’y a de fait que des idées-actions sauf dans le domaine des réflexes qui, eux, ne sont point action mais réaction, simple programmation du corps ou du psychisme.

L’idée est active en tant qu’elle entretient l’action qu’elle a déterminée, et continue de la projeter, l’adapter, la repenser et l’appliquer tout en veillant à la justesse et au maintien de la nature et de l’orientation de cette dernière. Mère et gérante de l’action, l’idée est maîtresse du jeu, car il est en tout agir humain, un rapport ludique du comportement de l’homme et de la saisie idéelle anticipante de la prospective.
    
L’idée est purgation de toute stérilité, car créativité féconde charriant l’activité conçue, le fait généré sinon dans le réel à tout le moins dans l’imaginaire qui l’érige en chose et évènement actif ne serait-ce strictement que pour la fiction. Il n’y a donc pas de superfluité de l’idée en soi, l’idée pure comme modalité cogitante, la seule inanité qui soit, est celle de l’esprit pervers qui ne pense que le mauvais et conçoit le mal sans penser aux conséquences, accouchant d’idées loufoques inessentielles et vaines, parfois périlleuses pour lui et pour autrui.

L’idée est le fil conducteur de l’orientation comportementale, et c’est seulement en l’élaborant dignement pour la justice et le bien que l’homme vivra justement selon la dignité de son essence humaine; car derrière tout mal, il y a l’idée dénaturée et inhumaine qui le nourrit selon les mauvais sentiments. Là, il est question de complaisance complice avec des sentiments indus que l’homme traite des fois selon une indolence coupable qui laisse faire: indolence face à l’égoïsme, l’envie, la jalousie, la haine irrationnelle ou toutes autres faiblesses mentales et sentimentales du caractère et du tempérament humains.    

L’idée émise est soit le fruit du jugement – quand il s’agit juste de la perception d’objet – soit accouchement de la créativité intellectuelle, auquel cas, elle imprègne la conscience pensante et intelligente établissant la factualité du sens dans une occurrence interrogeante. 

L’idée d’action est une sorte de terreau abstrait du concret imaginé, de sorte que même l’idée d’une idée comme l’idée que caresse un philosophe d’étayer telle idée en concept proprement philosophique, vise à la concrétisation d’un projet; dans ce cas-ci, la concrétisation du projet bien abstrait de conceptualisation. L’idée d’une idée est aussi une réflexion intra-idéelle où l’idée se mire en elle-même pour mieux s’énoncer dans la connaissance exprimée, car l’idée est toujours cognition, cette cognition fût-elle d’elle-même. 

L’idée souveraine – parce que matrice de l’action qu’elle précède dans la pensée humaine – est parturiente du devenir en tant qu’elle est cette projection de la pensée en rêve qui la transforme en germination du fait futur qui en naîtra. Les idées d’un homme constituent la mensuration qu’il donne de lui-même, de ses grandeurs, de ses limites… Car l’idée manifeste la valeur de nos valeurs. Les idées d’un sujet pensant sont en bonne part, la mesure plus ou moins fiable de la stature de son humanité assumée ou abdiquée. 

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

Lisez l’article original sur le blog intellection

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