15 octobre 2024
Effondrement du mythe fondateur du capitalisme…
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Effondrement du mythe fondateur du capitalisme…

Par Camille Loty Malebranche

Le mythe est essentiellement le fondement paralogique et paradoxal que dispensent les chefs hiératiques et laïques des sociétés en credo à la collectivité pour la conduire selon leurs propres intérêts de classe ou de caste. D’où, la vie « rationnelle » des hommes en société, est menée par suggestion selon des principes échappant à toute critique parce que présupposés comme axiomatique nécessairement et naturellement surlogique transcendant la raison.

Le mythe fondateur du capitalisme, la mobilité sociale par le travail et la propriété que tous peuvent acquérir s’ils travaillent, est totalement démenti vu la population de rudes travailleurs minés par la pauvreté au quotidien. Le mal diabolique, la malignité maléfique des autorités économiques et de leurs suppôts politiques est cette impudence idéologique des médias mainstream et de leurs « spécialistes »  qui voudraient faire croire le contraire. D’ailleurs, quoique copieusement démenti depuis les débuts du capitalisme moderne, ledit mythe aura subi un de ses plus terribles revers à la crise de 2008, laquelle menace de se rééditer sous de nouvelles formes, ce, malgré certains cooptés enrichis que les experts néolibéraux, les tenants très médiatisés du capitalisme en général, particulièrement les chiens de garde idéologiques de la croissance économique sans limite – dans leur argutieux laïus officiel – brandissent comme un rituel parangon de modèle et de réussite. Car la précarité des classes moyennes est encore plus que jamais criante et l’échec du système malgré l’exaltation de la croissance est cuisant quand on voit la paupérisation en masse de certains professionnels et employés. La face de crise permanente du système capitaliste notamment anglo-saxon, imposé au monde, est perceptible à travers la crise de paupérisation telle la crise de logement aux Usa, qui atteint des pics extrêmes en Californie, l’impossibilité de se soigner pour de nombreux malades étasuniens incapables de faire face au coût des frais médicaux et des médicaments comme ces diabétiques ne pouvant même pas se procurer leur insuline! Sans oublier la fragilisation de l’investissement des petits et moyens entrepreneurs, précarisés par les normes du crédit imposé sauvagement au monde contemporain selon les diktats de la finance sous le règne féroce des grandes banques privées qui menacent de ruine nombre de rudes travailleurs espérant par le travail, une élévation sociale voire un transfert de classe. La finance étaie une quasi immuabilité de la classe bourgeoise rendue oligarchie pérenne extrêmement restreinte, appelée à posséder tout et tous par la loi d’une sorte d’économie virtuelle propre à la spéculation financière.

Si « le mythe, disait Mircea Eliade, n’est pas l’histoire réelle mais vraie des peuples », dans le cas d’une institution idéologique qui englobe toutes les structures sociales et étatiques, cette définition du mythe ne tient guère. Alors, pour nous autres qui questionnons un système devenu seconde nature de la réalité quotidienne des hommes, imposée par l’État ploutocratique, force est de remarquer que le mythe n’est autre que prétexte de justification, argutie de manipulation que tissent comme une pré-idéologie, les tenants de l’institution sociale qui argue de vérité en se targuant de droit divin sans vraiment le dire. Car tout le discours social et le jugement, cette finalité idéelle du discours, y tient et en découle. Là, le logos censé rationnel à l’inverse du « mythos » relevant de l’imaginaire rêveur, dérive de ce dernier et n’est plus que multiplicité rythmique d’une même rengaine vouée à créer l’illusion d’une polyphonie moqueuse. Un sordide mode de variations ironiques de pluralisme sociétal factice et trompeur. La modalité même du foin discursif capitaliste est séquestration de l’État et abêtissement de la nation rendue prétexte parce que avortée sans cesse dans l’élimination de la citoyenneté effective pour l’opulence de quelques-uns. Le mythe capitaliste ne demeure que par la force et la monopolisation de toutes les ressources communes à l’humanité par quelques prédateurs qui, ainsi, gardent sous leur coupe, retiennent par le ventre, la grande majorité qu’ils réduisent à être de simples travailleurs esclaves de leur ordre pour la subsistance. La récusation de l’ordre capitaliste mondial n’est pas une adoption automatique du marxisme combien pluriel dans les courants qui s’en réclament, mais une exigence de la dignité fonctionnelle de l’homme dans la société. Pas de dignité sans l’équité économico-sociale et l’espace de liberté globale qu’elle suppose. Liberté ! flamme si fascinante, si intuitive à la nature humaine que tous les désaliénés des générations vont s’y brûler malgré le fer et le feu des tyrans !

Fascisme subtil du capitalisme contemporain…

De fait, le fascisme est la fausse sensibilité de classe que suggère le pouvoir capitaliste à des strates des dites classes moyennes afin de mieux les porter à la haine raciale, ethnique et groupusculaire pour les dévier de la question systémique essentielle du dysfonctionnement tout court ou du fonctionnement arbitraire et despotique du capitalisme. Un dysfonctionnement qui a besoins d’épidémies comme le coronavirus pour cacher ses crises en manipulant les peuples par la désinformation sous forme d’une surinformation intoxicante. C’est l’art du bourgeois de se maintenir au pouvoir en générant des imbécillités d’extrême droite voire de gauchisme populiste chez des frustrés désorientés, et c’est aussi un talent de l’État bourgeois que de créer des chocs sous formes de crises parallèles à la politique économique, telles des pandémies tombant à bout portant, diaboliquement providentielles pour dissimuler ses crises qui allaient exploser.

Le fascisme – « idéologie de l’individu frustré des classes moyennes », selon W. Reich – est la frénésie politique du lâche opportuniste et médiocre, incapable de se révolter pour faire la révolution, et qui cherche des défouloirs humains innocents à ses manques non comblés comme des boucs émissaires de l’insanité sociopolitique, économique et humaine de la société bourgeoise pleine de clivages tyranniques et d’injustices sociales extrêmement douloureuses. La « doctrine » fasciste est un exutoire pour politicailleur haineux. L’on comprend pourquoi le fascisme surgit avant tout, comme conséquence d’un complexe d’impuissance collective de classe et d’infériorité de minus politicards. Médiocrité, impuissance, infériorité diluées au délire nationaliste et érigées en idéologie d’État, telle une honte de soi dissimulée dans le faire semblant et la rage politique de vils complexés. Dans les états nantis fragilisés et endettés par le financiarisme qui frappe essentiellement le plus grand nombre constitué des classes moyennes décadentes d’aujourd’hui, le fascisme prend des formes de protection du national à travers des politiques de haine et d’ostracisme fignolées subrepticement par des establishments qui vont pourtant piller le monde via des multinationales et organismes financiers internationaux. L’on sait déjà que le fascisme, de par son amalgame idéel, est un protée dans ses procédés politiques où il se permet d’être tout comme en jeu de rôle pour défendre ses principes inhumains, antidémocratiques et discriminatoires de tendance plus ou moins essentialiste, populiste, raciste et xénophobe. Aujourd’hui, le capitalisme par l’empan étouffant de la finance, s’arroge le droit d’être de tous les partis, tous soumis par allégeance sourde aux tenants des institutions financières et du crédit. Une omnicratie financière qui consacre l’ubiquité planétaire de l’économie oppressive des grands consortiums bancaires privés.

Vivant de crises successives, le capitalisme contemporain bascule dans la xénophobie officielle des états et la haine des groupes considérés non productifs, haine que des secteurs bourgeois entretiennent chez les couches défavorisées des classes moyennes et les masses contre lesdits groupes coupables… La seule vertu dans cette société étant de générer des profits aux dieux maudits du crédit et du commerce, gare donc à qui ose refuser la prostitution généralisée. L’homme est rendu l’objet premier par la production et ultime par la consommation de l’infamie collective qui fait de l’économie malsaine du système, le commencement et l’aboutissement de l’existence des esclaves modernes inavoués. Ainsi pleins et hantés des misérables rudiments de cette idéologie, les humains se partagent les saletés comme des colifichets sacrés et veillent répressivement que leur prochains en soient imbus ! Dans la horde infernale des esclaves décorés ou en haillons, épris de l’ordre qu’ils idolâtrent, il n’y a pas de place pour la différence qui refuse de consommer pour consommer. Une telle altérité contestataire est marginalisée soupçonnée soit de crime soit de folie contre l’ordre nécessairement moral, sain et transcendant inscrit dans la mécanique cosmique selon l’idéologie dominante… En fait, le crime, dans sa factualité, peut se définir comme toute désobéissance constituant de la lèse-autorité. Et quelle pire lèse-autorité, que le refus d’insertion coupable de l’individu ou du groupe dans l’ordre idéologique accepté du grand nombre ! Nous disons « insertion » car il n’y a pas d’intégration dans un ordre appartenant à quelques ploutocrates qui asservissent tous par le crédit et le travail éreintant pour la subsistance. Tout refus ou inadaptation à l’ordre est impitoyablement proscrit par les geôliers et bourreaux d’asile que sont nombre de nos bons citoyens mièvrement complices par aliénation, de leurs profiteurs dans nos sociétés policières et mollement fascistes sans en avoir l’air.

Il n’y a pas de justice quand la justice sociale est bafouée par les lois et le droit dans un système juridico-légal voué à garantir et pérenniser par toutes sortes d’artifices, les privilèges des oligarques autoproclamés maîtres de tous biens et ressources planétaires, ce qui les fait également maîtres des vies et du temps des hommes.

La chute du capitalisme, malgré ses ostentations et triomphalismes médiatisés, est prévisible à moyen et à long terme vu que même le mythe de la propriété se dément dans la fragilité du statut de propriétaire à l’échelle des classes dominées vite dépossédées à la moindre crise façonnée par des banquiers pour se faire renflouer ou grossir leurs caisses par les politiciens. Toutefois, tout est à créer pour mettre en place un ordre plus juste car les révolutions rouges et tyranniques du passé avec leur nomenklatura, leur goulag et gabegie de gestion, elles non plus ne tiennent la route dans l’itinéraire des vrais amis de la liberté militant pour la vraie libération sociale des peuples.

Le mythe est souvent d’essence religieuse sinon de portée sacrée, alors que la fable et le conte relèvent de l’imaginaire laïc et profane qui se contente de décrire les caractères, les tempéraments et les mœurs avec un dessein moralisateur. Quand vient l’immoralisme économique des oligarchies et que sévit la chute du mythe fondateur de leur système, les fables s’imposent alors en oracle pseudo-scientifiques par les spécialistes soudoyés et la propagande éhontée de la presse. Une suprême ironie des intelligences et un dédain extrême du droit des peuples à comprendre et savoir ce qui les regarde dans leur vie quotidienne !

Nous disons que si le sens suprême, l’ontologique, le divin, le transcendant, reste à l’échelle de la conscience spirituelle des individus pour la félicité ou la perdition, le sens social consiste à démythifier le vol autorisé qu’est le capitalisme. Le sens social et son appropriation demeure donc le combat du sens terrestre contre l’absurde dans ce qui est chose humano-sociale et non transcendance cosmique inatteignable.

En attendant, les maîtres de l’économie capitaliste bricolent une société d’ersatz où le substitut, le postiche, par la surenchère de la ruse médiatique et autre, s’impose comme réalité dans l’étau et la démesure extrême du mensonge systémique au cœur d’une population décivilisée qui s’offre le luxe de vivre de bobards officiels et se permet volontiers de se passer de la vérité.

« Le capitalisme n’est ni une institution ni une personne (…) mais une logique » déclare Michel Beaud, nous, nous disons qu’il est une méga-institution plurale qui englobe toutes les institutions systémiques et méta-institutions de rection et de « correction » humaine, une weltanschauung corruptrice du rapport intime à soi chez l’individu ou le groupe social qui, par lui, s’évaluent en monnaie plutôt qu’en substance. Méga-institution sinistre qui prédétermine ainsi jusqu’aux réflexes sociaux les plus égoïstes et les plus méchants des individus à travers la plus vile arrogance induite par la plus débile mégalomanie de la consommation. 

Démythifié, le capitalisme actuel n’en garde pas moins ses airs de mystère, non démystifié qu’il est grâce à l’essentialisme de classe qu’il ancre dans le crâne des individus.

La démystification et le démantèlement des statuts de classe, constituent le seul horizon possible de libération des hommes pour l’avènement d’une société sans classes, non d’égalité ontologique – car les hommes s’ils sont identiques en attributs, ne sont même pas naturellement égaux par leurs facultés – mais d’égalité effective des chances et donc d’équité véritable et de mérite, où la justice sociale n’est pas qu’un mot, où l’exploitation sera abolie grâce à la disparition des classes et la dignité du moins doué des humains, du plus petit d’entre ses semblables, respectée parce qu’au cœur des préoccupations et des politiques adoptées et menées au nom de l’humanité de tous.

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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