Texte du jour | Me voici : René Dépestre,  »fils païen de la pluie et du feu”

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1985

Mardi 8 novembre 2022 ((rezonodwes.com))– Né le 29 août 1926 à Jacmel, René Depestre a seulement dix-neuf ans quand il publie son premier recueil de poésies  »Étincelles » qui le fait connaître rapidement dans les milieux littéraires.

En 1946, il participe avec Gérard Lafontant [archive] et Gérald Bloncourt au mouvement révolutionnaire qui permet de renverser Élie Lescot. Mais à l’arrivée à la tête du pays d’un régime militaire, il est arrêté et emprisonné, puis obligé de quitter son île.

Il voyage dans plusieurs pays et rejoint Cuba mais le régime de Fulgencio Batista le fait expulser. Il s’installe en France mais se fait également expulser pour avoir participer activement aux mouvements de décolonisation. Il part à Prague, d’où il est chassé en 1952.

Il retourne en Haïti (1956-57). Refusant de collaborer avec le régime duvaliériste, il appelle les Haïtiens à la résistance et se retrouve en résidence surveillée.

Avec l’avènement du régime communiste, il revient finalement à Cuba en 1959, à la suite de l’invitation de Che Guevara avec qui il a envisagé un débarquement militaire en Haïti.

Écarté du pouvoir castriste pour ses critiques à propos du manque de liberté d’expression sur l’ile, il fuit Cuba et revient s’établir définitivement à Paris.

Il reçoit le Prix Renaudot en 1988 pour “Hadriana dans tous mes rêves”, œuvre onirique et picaresque qui convie les croyances vaudoues et les rites de zombification dans un récit qui évoque clairement la créolisation du monde et de son île natale. 

sources combinées

Me voici

Me voici
citoyen des Antilles
l’âme vibrante
je vole à la conquête des bastilles nouvelles.
Je glane dans les champs ensoleillés
des moissons d’humanité
j’interroge le passé
je mutile le présent
j’enguirlande l’avenir
tout mon être aspire au soleil!

Me voici
fils de l’Afrique lointaine
partisan des folles équipées.
Je cherche la lumière
je cherche la vérité
je suis amoureux de l’âme de ma patrie.

Me voici
nègre aux vastes espoirs
pour lancer ma vie
dans l’aventure cosmique du poème
j’ai mobilisé tous les volcans
que couvait la terre neuve de ma conscience
et j’ai renversé
par un pompeux coup d’État
toutes les disciplines nuageuses de mon enfance.

Me voici
prolétaire
je sens gronder en moi la respiration des foules
je sens vibrer en moi la rage des exploités
le sang de toute l’humanité noire
fait éclater mes veines bleues
j’ai fondu toutes les races
dans mon cœur ardent.

Me voici
poète
adolescent
poursuivant un rêve immense d’amour et de liberté.

(René Depestre, Étincelles, 1945)

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