Deutsch Velle (DW) | Haïti – Les gangs haïtiens renforcés par les élites, prospèrent grâce à la corruption économique et politique

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A qui profitera une nouvelle occupation militaire d’Haiti?

DW: « Pendant des années, les élites politiques haïtiennes ont utilisé les gangs pour atteindre leurs propres objectifs, faire taire les dissidents et affronter leurs rivaux. »

DW: « Les politiciens haïtiens, notamment Jean-Bertrand Aristide, arrivé au pouvoir en 2001, ont de plus en plus recours aux gangs comme source de pouvoir plus fiable et plus docile pour réprimer les rébellions.

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Haïti : Comment les gangs criminels ont pris le contrôle

Encouragés par les politiciens pendant des années, les gangs haïtiens se sont équipés d’armes sophistiquées et contrôlent la majeure partie de la capitale du pays, Port-au-Prince.

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Dimanche 14 aout 2022 ((rezonodwes.com))–Les gangs haïtiens ont prospéré grâce à la corruption économique et politique, et ont été renforcés par les élites.

Une récente recrudescence de la guerre des gangs a coûté la vie à des centaines d’Haïtiens et en a déplacé des milliers dans la capitale Port-au-Prince et ses environs, alors que le pays plonge dans l’anarchie.

La guerre des gangs fait rage depuis des mois, mais elle s’est intensifiée et étendue ces dernières semaines, paralysant la majeure partie du pays.

Ces dernières semaines, les affrontements entre les gangs se sont étendus aux principales avenues de la capitale, près du palais présidentiel.

Les affrontements ont eu lieu plus particulièrement dans le quartier Cité Soleil de la capitale, qui abrite environ 300 000 personnes et constitue l’un des plus grands bidonvilles du pays, où les gangs ont gagné en influence au cours des dernières années. Les membres des gangs y détruisent les maisons des bidonvilles à l’aide de bulldozers pour étendre leur territoire, violent les femmes et les filles et tuent des citoyens ordinaires au hasard. Désarmée par les gangs, l’armée semble incapable d’exercer un contrôle et de contenir la violence.

Comment les gangs sapent le contrôle du gouvernement

Pendant des années, les élites politiques haïtiennes ont utilisé les gangs pour atteindre leurs propres objectifs, faire taire les dissidents et affronter leurs rivaux.

Bien que l’intervention des organisations criminelles dans la politique ne soit pas propre à Haïti, elle a atteint des niveaux sans précédent dans cette nation pauvre des Caraïbes, surtout depuis l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moise en juillet 2021 – par son « parrain ».

Dévasté par la violence, le manque de nourriture et de carburant, les Haïtiens ont défilé dans les rues à plusieurs reprises au cours des derniers mois.

De puissantes familles d’entrepreneurs haïtiens ont payé des gangs pour assurer la sécurité de leur commerce. C’est ainsi que certains des groupes les plus importants, comme le G9, ont pris le contrôle du port de la capitale et ont réussi à faire passer en contrebande des armes de guerre pour eux-mêmes, dont certaines sont plus perfectionnées que les fusils utilisés par les forces armées haïtiennes.

En juillet, une série de scandales liés au trafic d’armes en Haïti, notamment la découverte d’armes dans un conteneur d’expédition étiqueté comme étant des dons de l’Église, a incité le Conseil de sécurité des Nations unies à demander une coopération internationale pour mettre un terme au flux d’armes des États-Unis vers Haïti.

Ces dernières semaines, le G9 a bloqué le port, où la plupart des marchandises importées entrent dans le pays, exacerbant ainsi la crise alimentaire et énergétique.

Des gangs à la place d’une armée

L’absence d’une armée bien financée a créé un vide de pouvoir que les principaux gangs d’Haïti se disputent pour combler. Haïti a démantelé son armée en 1995 à la suite d’un coup d’État en 1991, après des décennies d’ingérence militaire dans la politique et de mutineries.

Depuis lors, les politiciens haïtiens, notamment l’ancien président Jean-Bertrand Aristide, arrivé au pouvoir en 2001, ont de plus en plus recours aux gangs comme source de pouvoir plus fiable et plus docile pour réprimer les rébellions.

Le président assassiné, Jovenel Moise, a tenté de remobiliser l’armée en 2017, mais il n’a jamais réussi à rassembler suffisamment de soldats et de ressources pour faire face à l’armement et aux effectifs croissants des gangs.

Le nombre exact de membres de gangs est difficile à obtenir, mais selon le Réseau national de défense des droits de l’homme, il y a plus de 90 gangs dans le pays.

Le pays s’enfonce dans le désastre

Autrefois l’une des colonies françaises les plus riches, cette nation de 11 millions d’habitants souffre d’une économie improductive, les deux tiers de son PIB provenant de l’argent que les migrants haïtiens envoient chez eux et de l’aide internationale, selon les données de la Banque mondiale. Les recettes fiscales du gouvernement, principale source de financement de l’armée nationale, ne représentent que 5,6 % de son PIB relativement faible.

La production locale d’Haïti est pratiquement à l’arrêt depuis quelques années, le pays important la plupart de ses besoins de l’extérieur.

Environ 60 % de la population vit dans la pauvreté, près de la moitié de la population a un besoin immédiat d’aide alimentaire et 1,2 million de personnes souffrent de faim extrême, selon le Programme alimentaire mondial des Nations unies.

La propagation de la violence des gangs n’a fait qu’empirer les choses.

Entre 2016 et 2020, la violence des gangs a coûté au pays 4,2 milliards de dollars (4,1 milliards d’euros) par an, soit 30 % de son PIB, a rapporté Bloomberg en septembre 2021. Le chaos qui en résulte a également découragé les investissements étrangers, bloqué les routes commerciales et perturbé les restes de l’économie locale, faisant grimper les taux d’inflation et les prix des aliments et des carburants.

Un rapport des Nations unies cite une enquête menée par deux organisations locales axées sur la jeunesse, selon laquelle 13 % des enfants d’un quartier en difficulté de Port-au-Prince ont été en contact avec des membres de bandes armées qui ont tenté de les recruter.

Sans une intervention immédiate et d’envergure capable de mettre fin au cercle vicieux de la violence, du chaos et de la pauvreté, les jeunes Haïtiens n’auront guère d’autre choix que de rejoindre les gangs pour survivre.

source: Haiti: How criminal gangs have taken control (dw.com)

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