16 octobre 2025
Cinéma – « Freda » est présenté au Festival Global de Santo Domingo. Gessica Généus, interviewée par EFE, dénonce l’ingérence de Core Group en Haiti
Actualités Cinéma Culture Société

Cinéma – « Freda » est présenté au Festival Global de Santo Domingo. Gessica Généus, interviewée par EFE, dénonce l’ingérence de Core Group en Haiti

Cinéaste Jessica Généus : « Avez-vous entendu parler d’ambassadeurs d’un autre pays qui se réunissent pour vous dire ce que vous devez faire ? Comment est-ce possible ?

Entretien de Généus avec l’agence de presse espagnole Efe.

Samedi 29 janvier 2022 ((rezonodwes.com))–Après sa toute première à Cannes, le film « Freda » est arrivé au Festival mondial de Santo Domingo, montrant une histoire aux accents autobiographiques, dans laquelle des femmes sont confrontées à des décisions difficiles, notamment le dilemme d’émigrer ou de rester dans une Haïti en crise.

« Les femmes doivent cesser d’être des victimes », déclare la cinéaste Gessica Généus, réalisatrice et scénariste du film, dans une interview accordée à Efe, dans laquelle elle revient sur le rôle des femmes dans la société, le drame de l’émigration et la situation en Haïti.

Efe : Le film et les enquêtes montrent que les femmes sont plus réticentes à émigrer d’Haïti, pourquoi ?

Jessica : Ce n’est pas qu’elles ne veulent pas partir. Je pense que, tout d’abord, pour un homme, si vous n’êtes pas capable de subvenir à ses besoins, vous êtes moins un homme. C’est comme ça que le patriarcat construit la société. Elles sont plus disposées à partir parce qu’elles doivent fournir, pour se sentir plus comme des hommes. Le plus drôle, c’est que quand la femme part, elle ne revient pas.

L’homme fait fortune et pense à revenir, la femme dit « plus jamais ça ». Tu pousses tellement loin tes limites, que quand tu pars, il n’y a pas de retour possible.

Efe : Dans le film, les femmes assument le plus gros fardeau de la société. La crise les a-t-elle placées dans cette position ?

Jessica : En Haïti, les femmes sont les grands pourvoyeurs de la société, car ce sont elles qui vont vendre. Elles sont à la base de l’économie, mais politiquement, nous n’avons plus de pouvoir de décision. Cela nous donne l’impression d’être les plus faibles, mais nous ne le sommes pas.

Il est très facile de dire que les femmes sont faibles et que les hommes sont forts, mais c’est plus complexe que cela. Le système est construit de manière à vous garder dans votre coin. C’est là que réside le problème, nous ne réalisons pas que nous avons le pouvoir. Et tu peux faire ce que tu veux. Je voulais que les femmes voient ça. Parfois, vous demandez une liberté que vous avez déjà. Et je pense que c’est ce qui se passe dans le monde.

Nous devons prendre conscience que pour changer notre comportement, il faut cesser d’être en position de victime. C’est quelque chose que je déteste, on ne peut rien faire quand on est une victime, on doit être un acteur.

Efe – Au début du film, les étudiants discutent de la possibilité que les manifestations puissent mener à la mort violente du président Jovenel Moise. Était-ce prémonitoire ?

Jessica : C’est bizarre, c’était exposé dans le film et puis c’est arrivé. C’était terrible. C’est arrivé de manière très violente. Ça m’a fait mal quand c’est arrivé. Comme l’ont dit les étudiants, est-ce que c’est ce que nous voulons ? Avons-nous besoin d’aller aussi loin pour défendre une idée ? Quand il est mort, j’étais contre tout ce que cet homme faisait, mais ça m’a fait très mal. Parce qu’il nous expose en tant que nation. C’est une autre situation qui vous expose au plus profond de vous-même.

Efe : Comment Haïti peut-il se sortir d’une situation aussi difficile ?

Jessica – Nous voulons croire que c’est une situation difficile, mais ce n’est pas le cas. La question est de savoir s’ils vont vous laisser faire. Nous savons ce qui doit être fait. Par exemple, il y a un trafic d’armes en Haïti, il faut l’arrêter, avec des lois, des règlements. Mais vont-ils nous laisser faire ?

Avez-vous entendu parler d’ambassadeurs d’un autre pays qui se réunissent pour vous dire ce que vous devez faire ? Comment est-ce possible ? Je ne comprends pas comment les gens ne le remettent pas en question comme la chose la plus absurde. Ma plus grande crainte est de savoir s’il y aura l’espace nécessaire pour faire le pays que nous voulons. La communauté internationale, mais aussi l’intérieur d’Haïti, nous laisseront-ils faire ce que nous voulons ? Telle est la question.

Efe – La crise politique a-t-elle influencé le scénario ?

Jessica – J’ai pensé le situer au moment de la première élection de (Jean Bertrand) Aristide, parce que je pensais à ma mère, qui est morte à cette époque. Mais j’ai réalisé qu’il devait se dérouler aujourd’hui, car il dépeint la génération actuelle. Ce mouvement m’a fait changer l’idée de l’époque à laquelle cette histoire est racontée.

Efe – Le film a été très bien accueilli au Festival de Saint-Domingue, en particulier par les migrants haïtiens. Qu’est-ce que cela vous a fait de le projeter ici ?

Jessica : C’est un endroit difficile pour rencontrer des gens. C’est un lieu de rire, mais aussi de douleur. Ils sont hors du pays. En parlant à la femme qui a fait les costumes du film, qui vit maintenant ici, elle m’a dit qu’elle se porte super bien. Ça fait mal. Je veux qu’elle aille bien, mais ça fait mal de savoir qu’elle respire parce qu’elle a quitté le pays. Il ne reviendra probablement pas. Qui veut être dans cette situation ?

Aux émigrants, je dis « n’oubliez pas le pays ». Il y a là 12 millions de personnes qui veulent avoir un pays où vivre. Ils devraient s’en souvenir et je sais qu’ils le font. Les gens me demandent pourquoi je reste. Peut-on tous partir ? Je ne le vois pas comme ça.

source: Efe/El Nacional

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.