une autre calamité est une nouvelle occasion de création d’escrocs.
La corruption reste et demeure une activité opportuniste, en ce sens, à surveiller certains acteurs sur le terrain, particulièrement ceux-ci qui ont facilité avec aisance et ou qui ont directement pris part dans la dilapidation des fonds de Petro Caribe, selon le rapport de la Cour des Comptes.
Qu’ils viennent en rose et blanc, en rose, en jaune ou encore en rouge, c’est toujours l’image du démon personnifié.
Editorial de Haiti-Observateur du 25 août 2021
New York, mercredi 25 aout 2021 ((rezonodwes.com))–
D ’une manière générale, la corruption reste une activité opportuniste, dont les acteurs enfoncent les portes de la protection étatique pour perpétrer leurs forfaits. Dans un pays comme Haïti, où l’escroquerie est quasiment institutionnalisée, car envahissant pratiquement tous les rouages de l’administration publique, il faut craindre, en dépit des préoccupations exprimées par les présentes autorités, transfuges de délinquants précédemment au pouvoir, que les démons du passé ne reprennent leur droit. Car, une autre calamité est une nouvelle occasion de création d’escrocs.
Dès janvier 2010 et durant les mois qui ont suivi le tremblement de terre dévastateur qui frappa de plein fouet Port-au-Prince et Léogâne, à un degré moindre, ainsi que les autres calamités déclenchées sous forme de cyclones et d’inondations ont offert un champ libre aux délinquants. Avant et après cette date, les donneurs d’aide faisaient feu de tout bois pour s’engager soi-disant dans l’humanitaire, particulièrement sous prétexte de secourir les sinistrés. La situation n’est pas différente de ce qu’elle a été, dans le passé. Moins de 72 heures après que, le samedi 14 août, aux environs de 8 heures 30 du matin, un séisme de 7,2 sur l’échelle de Richter eut secoué les départements des Nip pes, du Sud et de la Grand’Anse, des entités sortaient comme des champignons de la terre pour lancer des collectes de fonds à l’intention des victimes de cette dernière catastrophe. Autant l’occasion est propice au lancement de projets d’aide aux familles sinistrées, autant aussi elle ouvre la porte aux bâtisseurs de fortune.
Dans un pays comme Haïti, où la misère, alliée aux manques de moyens de survie ou de création de richesse, poussent les uns et les autres à toutes sortes d’actes répréhensibles, la crainte d’une répétition de coups fourrés aux sinistrés, dans le cadre de la distribution d’aide, pourrait être une réalité incontournable. En ce sens, le spectre des démons engendrés par le tremblement de terre de 2010 surgit déjà. Voilà ce qui légitime ce cri d’alarme.
En effet, comme par le passé, et en réponse aux différentes calamités naturelles, qui se sont abattues sur Haïti, des pays étrangers, en tout premier lieu, nos amis de la région, la République dominicaine, les États-Unis, le Venezuela, le Chili, la Colombie, mais aussi l’Union européenne (EU), les Nations Unies, etc. se portent rapidement à la rescousse. Quant aux États-Unis, leurs donneurs d’aide, bien équipés, se trouvaient déjà à pied d’œuvre sur le terrain, moins de quarante-huit heures après les secousses initiales. Avant même la première visite, aux Cayes, dans le département du Sud, d’une délégation gouvernementale dirigée par le Premier ministre de facto, Ariel Henry, des secouristes états-uniens étaient déployés à Jérémie, dans la Grand’ Anse, qui met en place un pont aérien reliant cette ville à Port-au-Prince. Ainsi les premières victimes commençaient à avoir accès aux soins qui n’étaient alors disponibles qu’à la capitale.
D’autres entités internationales ont pris des engagements d’aide monétaire à l’intention des zones sinistrées. C’est le cas, encore, des États-Unis mobilisant les res sources de l’Agence américaine de développement international (acronyme anglais USAID) pour venir en aide aux victimes des trois départements touchés. Si, à l’instar des autres pays ayant promis de l’aide exprimée en USD millions $, le leadership états-unien a mis en branle sa machinerie lourde, des équipements der-nier cri et son personnel expérimenté en pareilles matières, en sus des provisions alimentaires et kits sanitaires, il est certain que l’aide américaine s’évalue à des dizaines de millions de dollars. Un des rares pays dont la coopération s’adresse directement aux sinistrés, cette approche pourrait se révéler plus efficace que d’autres. Puisque, témoins de la gestion de l’aide par nos dirigeants, dans le passé, les Américains savent que les victimes du tremblement de terre du 14 août bénéficieront pleinement de cette nouvelle vague de « dons du peuple améircain au peuple haïtien ».
Dans le cadre de la nouvelle interven-tion des amis d’Haïti, en matière d’aide, d’autres États ont fait des promesses. Comme, par exemple, l’Union européen-ne mettant USD 3 millions $ à la disposi-tion des victimes, par le truchement de ses « partenaires sur le terrain ». Ou la République de Taïwan (Taïpei) promet-tant USD 500 mille $ au gouvernement haïtien, en sus de dizaines de tonnes de produits évalués à des millions de dollars U.S. De leur côté, les Nations Unies ont promis USD 8 millions $, qui seront, sans dou te, remis aux autorités haïtiennes.
De même, des avions venant du Bré -sil, du Chili, du Venezuela, de Colom bie, pour ne citer que ces pays, ont atterri à l’aéroport international de Port-au-Prin ce, apportant toutes sortes de matériels, ainsi que la nourriture. Pen dant ce temps, trois bateaux de la Mari ne dominicaine débar-quaient des kits alimentaires et sanitaires au wharf de Jérémie.
Parallèlement à ces initiatives internationales, la solidarité nationale n’est pas de reste. Des appels à l’entraide des Haïtiens à l’égard des sinistrés des trois départements sévèrement touchés fu sent de toutes parts. Aussi des organisations socio-professionnels, des propriétaires d’entreprises et d’hommes politiques ont-ils répondu généreusement. Signalons que l’ex-sénateur Youri Latortue, à la tête d’une délégation de son parti, Ayiti Ann Aksyon (AAA), a effectué une visite auprès des sinistrés, dans le Grand Sud, notamment aux Cayes et à Jérémie, distribuant des produits alimentaires ainsi que des enveloppes aux victimes. Même chose pour l’ex-député Jerry Tardieu, qui a visité plusieurs zones, du Sud et des Nippes, notamment la ville des Cayes et la communauté de Lasile. Au niveau du PHTK (régime au pouvoir), le sénateur Rony Célestin, dont le nom est lié à des activités douteuses, y compris l’achat de propriétés, au Canada, ayant coûté des USD millions $, a annoncé un don de 50 millions de gourdes (USD 500 mille $) aux victimes du séisme.
Pour sa part, l’ex-président musicien, Michel Martelly, accompagné de sa femme, Sophia Saint-Rémy, a rendu visite dans le Sud, surtout à la ville des Cayes. Aucune valeur monétaire n’a été annoncée, dans le cadre de cette visite, ni relative à un don octroyé à l’intention des victimes. Vu la taille de la fortune bâtie par ce dernier, tant au pouvoir que dans les activités illicites de toutes sortes, on devrait s’attendre à une allocation aux sinistrés des trois départements portant sur des millions. Il semble que l’intervention du « Bandit légal » se confine uniquement dans le symbolisme.
Nationalement encore, les propriétaires de petites entreprises des autres départements du pays se sont inscrits en dons aux victimes du séisme du 14 août, sous forme d’eau traitée mise en bouteille ou d’autres articles de ménage aisément transportables et non périssables. L’eau, en particulier, constitue un besoin précieux, surtout dans les endroits dont le réseau d’adduction et de distribution d’eau est totalement dévasté par le tremblement de terre. Ces dons, que d’aucuns diraient minimes, revêtent une importance capitale, particulièrement dans ces zones profondément affectées, fait évoquer la boutade arguée par l’ex-député Tardieu : « Bay piti pa di chich ».
Assurément d’autres chefs d’entreprise, qui ne se sont pas encore manifestés, ne laisseront point passer cette occasion d’afficher leur élan patriotique et humanitaire. Bien que la friponnerie infâme qui a caractérisé certains dirigeants haïtiens, dans le passé, soit de nature à donner réellement à réfléchir à plus d’un, avant de faire le geste qui s’impose, à cette occasion. Selon toute vraisemblance, les présentes autorités semblent tenir compte de cette préoccupation en créant le « Centre des opérations d’urgence nationales » (COUN). On ne peut oublier de si tôt la réticence qu’avaient manifestée les entreprises nationales par rapport à leur soutien à la campagne anti-COVID-19 qu’avait lancée les autorités du pays, l’année dernière. Des dirigeants de celles-ci avaient opté pour faire des dons directement aux centres hospitaliers. C’était, sans doute, leur façon d’éviter de contribuer à la corruption qui bat son plein dans l’administration publique.
Mais il existe une autre couche potentielle de corruption à combattre, qui pourrait se développer rapidement, le besoin de pourvoir l’aide aux victimes du séisme du 14 août constituant un terrain fertile à son épanouissement. Il s’agit d’organisations opportunistes, nouvellement créées ou nées de nouveau, après avoir été longtemps en hibernation.
Certes, pratiquement au lendemain du jour où la terre a secoué violemment, entraînant un nombre, jusqu’ici provisoire, de décès, des milliers de victimes et la destruction dans le Grand Sud, des individus se sont empressés d’ouvrir des comp tes « gofundme », de réactiver un système de collecte de fonds qui était en veilleuse, ou encore de remettre en activité une institution qui n’était plus en servi-ce.
beaucoup de milliards promis en 2010
Il faut bien se demander si le COUN récemment créé est doté de moyens pour repousser et neutraliser les acteurs qui prennent les décisions à tous les niveaux de l’appareil d’État. Surtout que l’omniprésence des criminels financiers dans le gouvernement rend nul et sans effet les mécanismes de lutte contre leurs activités malhonnêtes. Tant que les décideurs politiques, d’ici et là, ne sont pas tenus responsables par rapport aux dérives dont ils sont coupables, aucun État de droit ne pourra émerger, les criminels de tout acabit auront le vent en poupe. Point n’est besoin de citer de noms, car ils se connaissent. Ils savent bien que leur intention n’est pas de soulager la misère des victimes de cette tragédie, mais de s’offrir un créneau pour s’enrichir de manière illicite. Ainsi, contrarient-ils l’initiative des organisations légitimes œuvrant sur le ter-rain, à l’année longue, apportant de l’ai de aux couches nécessiteuses, soit sous forme de logements aux fa milles dé-munies ou des repas chauds aux ré cents déplacés de Martissant, par exemple.
Haïti a l’obligation d’éviter que se répètent les mauvaises expériences nées du tremblement de terre du 12 janvier 2010. Plus de USD 13 milliards $ étaient promis et quelque 4 milliards versés pour la reconstruction des zones dévastées. La Commission internationale de reconstruction d’Haïti (CIRH), co-présidée par l’ex-président démocrate américain William Jefferson Clinton et Jean Max Bellerive, alors Premier ministre, sous le président René Préval, ne s’est pas acquittée de sa responsabilité. Les fonds alloués se sont volatilisés, la reconstruction des zones démolies attend encore. Signalons que, M. Bellerive habite une luxueuse villa, en République dominicaine évaluée en millions, en sus de posséder des biens immobiliers coûtant des dizaines de USD millions, tels que rapportés par des sources officieuses de l’État voisin.
attention aux escrocs !
Cette mise en garde s’adresse à ceux qui ont la responsabilité de piloter l’administration publique et d’imprimer des disciplines strictes à ceux qui contrôlent les mécanismes de distribution de l’aide. Puisque les personnes présentement au pouvoir sont les successeurs de ceux qui étaient aux commandes après le séisme de 2010, ce cri d’alarme prend une allure vraiment désespérée. En fait, rien n’autorise à croire qu’un dépassement de soi soit possible, sans un changement d’équipe à Port-au-Prince. Relançons donc l’avertissement : Attention aux escrocs, au sein de l’administration publique et en dehors du pouvoir !
Haïti-Observateur 25 août – 1er septembre 2021 ÉDITORIAL