Dr Bobb Rousseau : La magie dans le football haïtien

0
1226

La majorité des clubs de foot, si ce ne sont pas tous d’ailleurs, seraient frappées par la foudre si elles auraient juré de n’avoir jamais fait de la magie pour maintenir leur position en leur division respective ou pour monter en division supérieure. La magie est si fréquente dans le football haïtien qu’après les victoires, le crédit est rendu premièrement aux houngan avant qu’il soit rendu au leadership des dirigeants ou aux performances des joueurs et aux décisions des entraîneurs. 

Vendredi 4 décembre 2020 ((rezonodwes.com))– La magie est un douzième joueur sur les terrains. Les fanatiques et les dirigeants l’acceptent comme un atout majeur pour affaiblir l’autre équipe ou pour maintenir leur position. Ceux qui n’y sont pas directement impliqués en contribuent financièrement pour s’assurer qu’ils ne sont pas la raison que leur équipe favorite ne remporte pas un match d’heures de pointe. 

Ce phénomène existe tant au niveau des championnats nationaux qu’au niveau des championnats de quartiers ou vacances. Les fanatiques, sans gêne ou avec fierté, se vantent de connaître ou d’avoir les meilleurs houngan du pays dans leur camp. En maintes occasions, un même honugan est embauché par deux équipes qui se disputent le même match. Certains houngan ne se spécialisent que dans la magie sportive ou ne reçoivent des clients qu’en temps de championnats.

Les équipes utilisent la magie pour rester en première division, pour ne pas tomber en deuxième ou troisième, pour ne pas prendre trop de buts ou pour remporter la compétition. Quelques joueurs contactent eux-mêmes des bokor pour monter leurs pieds pour qu’ils soient les meilleurs buteurs ou pour qu’ils soient les premiers à être sélectionnés pour être des onze ou des sélections nationales. Quelques entraîneurs et arbitres en font idem pour conserver leur boulot ou pour qu’ils soient les meilleurs de leur profession. 

Le football haïtien est à ce point où les fanatiques croient aux houngan mieux qu’ils croient en la technique ou les performances des joueurs. Par exemple, le Valencia ; une équipe de la commune de Léogâne, actuellement en troisième division, a un fanatique qui s’habille en tenue vodouesque et porte un fouet qu’il taille inlassablement derrière le but de l’équipe adversaire. Un autre exemple est le Cavaly, une équipe aussi de Léogâne évoluant en première division, quant à lui, a des fanatiques qui ont tous les numéros de téléphone des houngan du pays en numérotage abrégé (speed dial). Ils voyagent de longues heures et parfois à pied et traversent des rivières en crues pour les rencontrer. 

Lors des matchs, les stades ou les parcs, les quartiers généraux et les carrefours quatre chemins des équipes qui reçoivent se transforment en de véritables hounfor des rituels se performent en pleines vues du public. Des fanatiques paient des visites au cimetière pour communiquer avec ceux-là, qui durant leur vivant, ont supporté l’équipe pendant que d’autres frappent les portes d’églises, de loges, ou de péristyles pour invoquer les saints et les anges et enlever les linteaux des archanges pour que leurs victoires soient garanties. D’autres se lancent dans des pèlerinages de d’absolutions, de pénitences, d’expéditions, de charités et de sacrifices pour retourner avec l’affirmation solennelle que le match est déjà gagné. 

Les équipes consentent de grands sacrifices pour gagner les matchs. A Léogâne, il circule encore cette rumeur que deux fans au hasard du Cavaly auraient perdu leur vie après que leur équipe aurait remporté une victoire décisive sur le Valencia. Inversement, si c’était l’équipe du Cavaly qui aurait perdu, 3 joueurs du Valencia auraient perdu leur vie dès le jour suivant car il (le Valencia) aurait troqué les vies de trois de ses joueurs pour cette victoire. 

On se souvient de beaucoup de personnes historiques, âgées d’ailleurs, dont les noms sonnaient si fort comme connaisseurs qu’ils étaient consultés avant toute rencontre. Aujourd’hui ce sont les jeunes qui ont pris la relève et selon plusieurs dialogues avec des fanatiques loyaux, cette nouvelle génération est dangereuse, téméraire, aventureuse, curieuse et prête à tout. Hier c’étaient les hommes qui, dans les carrefours ou dans leur cuisine faisaient de la magie les soirs avant les rencontres, maintenant ce sont les jeunes filles fanatiques qui en plein midi s’habillant en sévitéz, hounsi, bata ou manbo qui rôdent autour et sur la pelouse des parcs avec des bouteilles de potions composées et des bougies montées pour placer des zombis partout elles peuvent ou pour dessoûler l’équipe visiteuse avec de l’eau formolée.

Malgré tous les débours financiers pour recruter les houngan, nul ne peut confirmer ou infirmer de l’efficacité de ces magies ou si ces pèlerinages ne sont que des dépenses à fonds perdus. Néanmoins, après les victoires, les fanatiques fièrement carillonnent que leurs sorties n’étaient pas faites en vain.  

Dr. Rousseau, Bobb RJJF

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.