Vendredi 11 Novembre 2016 (rezonodwes).-
Faut-il croire les sondages en Haiti?
Dans un article des Temps Modernes publié par Pierre Bourdieu, il affirme que « l’opinion publique n’existe pas ». Apres la victoire insoupçonnée du candidat républicain Donald Trump qui défie tous les instituts de sondage aux États-Unis, cette interrogation est devenue plus légitime et apodictique pour les élections présumables du 20 novembre 2016. Fantasme ou réalité, l’opinion est devenue l’objet de toutes les attentions dans nos sociétés politiques et commerciales. Les deux grands événements électoraux de l’année, le référendum britannique sur le Brexit et l’élection présidentielle américaine viennent de nous réserver. Malgré le perfectionnement des méthodes, les sondeurs font face à une crise de crédibilité qui pourrait même menacer la pérennité et l’existence de cette industrie.
Les sondages, devenus l’arme de la propagande politique en période électorale, ne sont qu’un des moyens de mesurer l’opinion publique. Il en est de nombreux autres, appelés études ou enquêtes, beaucoup plus prétentieux, qui tentent d’expliquer cet incognito qu’est l’opinion publique dont certains philosophes et sociologues comme Jean Baudrillard et Pierre Bourdieu se sont montrés très sceptiques, quand à leur authenticité et véracité. Au mois de juin 2016, presque tous les sondages favorisaient la préservation du Royaume-Uni dans l’Union européenne comme le plus probable des deux options. Et dans la nuit du 23 au 24 juin, le 52 % en faveur du maintien s’est transformé en un 52 % en faveur du Brexit.
Pendant la campagne de la présidentielle américaine, les enquêtes d’opinion ont de nouveau largement déconsidéré la popularité de Donald Trump dans les États décisifs, (swing state), que toutes les institutions de sondages ont surveillés tout au long du processus électoral. Presque toutes les institutions les unes plus respectées que les autres, prodiguaient une victoire écrasante de la candidate démocrate sur le républicain Donald Trump. Ces projections étaient bien aussi dirigées dans les États théoriquement acquis au vote démocrate, où le candidat républicain a fait des scores considérables, parfois même décisifs. La nuit électorale américaine, comme celle du Brexit, nous doit nous interpeller sur la situation électorale haïtienne. La classe politique qui demande souvent l’annulation des élections se basant sur leur placement des fois métaphorique, devrait prendre note et réfléchir sur les résultats de ces élections.
Un sondage d’opinion est une application de la technique des sondages à une population humaine visant à déterminer les opinions probables des individus. Jean Stoetzel dans sa thèse consacrée à la théorie des opinions, soulignait le caractère dangereux et abusif de l’enquête d’opinion. Le sociologue Patrick Campagne dans son ouvrage’’ Faire l’opinion le nouveau jeu politique’’ estime que des professions para-politiques (sondeurs, journalistes) se sont appropriées des sondages pour vendre et impatroniser leur vision du monde à la société. L’effet bandwagon ‘’le wagon ou se trouve l’orchestre’’ laisse entendre qu’une frange des électeurs indécis peut être perturbée par les choix des autres et même décider de changer d’opinion au volant de leur voiture. Pour cette raison, certains codes électoraux interdisent des sondages avant le vote.
Des le début de la campagne électorale haïtienne, des candidats pour montrer leur grande popularité font état des sondages qui leurs donnent une certaine avance sur les autres concurrents. Le candidat Jovenel Moise du parti PHTK, a même dans un spot publicitaire, exposé tous les sondages qui lui donnent favori pour gagner la présidentielle haïtienne. En substance pour le Neg banan, ce sera le « thé Vervèn ». Certains acteurs politiques ont évoqué la possibilité ou la réalité décriante, que des protagonistes avides de pouvoir, ont payés aux fins de les placer dans une position plus avantageuse qu’ils en soient réellement. Le succès de Mr Trump démontre encore une fois que la seule enquête d’opinion qui compte est celle des votants aux urnes.
Il faut que les candidats haïtiens s’instruisent de cette expérience pour mieux appréhender que les sondés pour des raisons conjoncturelles peuvent changer leur idée d’un candidat à un autre. Qu’ils sachent aussi que les méthodes et techniques utilisées par les sondeurs peuvent être mal appliquées dans le mode de choix de l’échantillonnage. Je suis presque convaincu que les données électorales ont changées après l’ouragan Matthews et les multiples inondations que connaissent le pays ont chamboulées le panorama politique. La population en général, et des zones sinistrées pourraient apprécier le comportement des concurrents d’une façon différente à celle d’avant l’ouragan. Avec beaucoup de raison affirme le dicton, « Ventre affamé, n’a point d’oreilles ». Une tâche très difficile de raisonner une population tiraillée par la faim. Les candidats et les firmes de sondage ont-ils compris cette réalité? Les sondages mesurent la préférence de l’électeur au moment où il est interrogé et non pas nécessairement pour qui il va voter le jour de l’élection.
Le but d’un sondage selon les spécialistes est d’observer un échantillon d’individu, extrait d’un population afin d’extrapoler les caractéristiques qualitatives et quantitatives d’un caractère de la population observée. Il est important de souligner, dans un sondage d’opinion, la population n’est pas profondément connue. L’opinion est un caractère qualitatif changeant dans le temps, donc les résultats peuvent ne pas être interprétés rigoureusement. Il existe une autre spécificité non moins importante, les personnes sondées peuvent ne pas aller voter le jour du scrutin. Il y a toute une pléiade de facteurs qui peut entraver les sondages auxquels je laisse le soin aux techniciens la tache d’en determiner.
Malheur à ceux, qui par leur manque d’acceptation populaire ou de travail sérieux sur le terrain politique s’appuient sur des enquêtes d’opinion pour protester et contester les résultats des prochaines joutes électorales, au cas ou elle se réalisent. Dans toute élection, il y aura des perdants et gagnants. Déjà pour le grand malheur du pays, on entend des leaders politiques réclamer le pouvoir, je vous avoue ne pas comprendre. Les grandes foules n’augurent pas un vote immanquable. Vos œuvres philanthropiques ne vous assurent pas un suffrage inéluctable et sans conteste. Vos campagnes de propagandes dans les médias et sur Facebook ne vous garantissent pas un serment infaillible des votants. Votre popularité dans le passé ne saurait être irrécusable et inattaquable.
Hillary Clinton a reconnu sa défaite le même soir qu’elle a été déclarée perdante de la compétition. Cette culture anti-démocratique que les perdants n’acceptent jamais leur défaite doit cesser pour le bonheur de la patrie commun. Le Brexit, les élections américaines et d’autres expériences à venir ne font que prouver, que c’est le vote réel qui compte, mais pas le vote présumé. Qu’il soit de Brides, des réseaux sociaux, ou des firmes étrangères, soyez aux aguets. Messieurs les candidats, méfiez-vous des sondages, sinon votre montagne électorale pourrait accoucher d’une souris. Que vous ne soyez pas « Trumpetisés ».
Dr Jean Ford G. Figaro. MD, MsC-HEM
Boston, Massachusetts.
jeanfordfigaro@yahoo.com

