par Dr Jean Ford G. Figaro
Lundi 31 octobre 2016 (rezonodwes).- Nous voici, parvenus au terminus du mois d’octobre 2016, date à la laquelle des personnalités et institutions, sont déjà plébiscitées par le comité Nobel norvégien, les académies royales suédoises et l’institut Karolinska. Les lauréats se sont illustrés dans leur discipline, grâce à leur travail au bénéfice de l’humanité. De grandes récompenses seront déférées à ces hommes et femmes, qui ont œuvré dans le domaine scientifique, littéraire et qui ont secondé pour pacifier nos sociétés.
À l’heure où je suis entrain de crayonner ce texte, tous les gradués de l’année en cours, sont déjà officiellement promulgués. Ce sont toujours les mêmes nationalités (américaine, française, japonaise, allemande) et les mêmes universités (Harvard, Oxford, MIT, Princeton), les plus couronnées et distinguées lors des cérémonies somptueuses de remises des prix, assistées par les familles royales norvégienne et suédoise.
De 1901 à 2015, les prix Nobel ont été décernés 573 fois à 900 personnes et institutions. Plusieurs personnalités ont reçu plus d’une fois cet honneur, ce qui fait un total de 870 personnes y compris 822 hommes, 48 femmes et 23 organisations. Si les États-Unis d’Amérique s’apprêtent à voter la première femme présidente de toute son histoire, il faut noter que les institutions en charge ont déjà honoré les femmes, en la personne de Marie Curie, la toute première à être gratifiée par un prix Nobel de physique en 1903. Elle a été aussi intronisée en 1911 par les académiciens, en lui octroyant cette fois-ci, un prix Nobel de chimie. Elle représente la première personne à recevoir deux prix Nobel dans deux disciplines différentes.
Suivant les vœux testamentaires d’Alfred Nobel, créateur d’un prix pour la Paix, étant l’inventeur de la dynamite, chaque 10 décembre, jour qui marque l’anniversaire de sa mort, des prix sont gratifiés à des génies et surdoués, qui ont contribué au progrès du savoir et de la culture dans cinq disciplines différentes: Paix ou diplomatie, littérature, chimie, physiologie ou médecine et physique.
Si l’on considère la gravité et l’ampleur de certaines actions humaines, posées par des personnes, dites « qualifiées et responsables »au détriment du critère utilitariste, »le plus grand bien au plus nombre », on est conduit à constater, que le suédois sur son lit de mort, n’avait pas tout prédit ou prévu, quand à la classification et la délimitation des prix Nobel. Il aura fallu que la fondation Nobel fasse une intervention rapide afin de réviser le modèle de ce magno événement.
Je voudrais rappeler à ces entités, responsables d’auréoler les bienheureux, de l’importance de la loi de la gravitation ou loi de l’attraction universelle, découverte par Isaac Newton. Cette dernière décrit le mouvement gravitationnel, comme une force responsable de la chute des corps, en d’autres termes, que rien ne peut rester stationnaire ou inaltérable, soit qu’il avance, ou soit qu’il régresse.
Selon le postulat de la mécanique Newtonienne, énoncé dans son ouvrage, philosophiae naturalis principia mathematica en 1687, l’académie devrait innover et augmenter les catégories et les critères de sélection. Ce changement exalterait un « Prix Nobel de la médiocratie ou de la nullité absolue », qui serait prédestiné aux « exceptionnels » dirigeants haïtiens.
Il convient de préciser, qu’aucun haïtien à cette date, n`a gagné ce prix d’excellence internationale, mais nous avons un compatriote, qui avait été ovationné, par l’académie, la famille royale et les récipiendaires, lors de la cérémonie de 2009. À ce rendez-vous, le premier noir, président des États-Unis, était le prix Nobel de la Paix, le quatrième président de la république étoilée à recevoir cet honneur. Nous ne sommes pas trop loin, même si, c’est pour amuser la galerie, l’international Wyclef Jean nous avait fait goûter de la cérémonie.
Malgré les propagandes en grande fanfare du régime Martelly d’une politique « environnementale » pendant son quinquennat, force est de constater que depuis plus de six ans, Haïti, la Somalie, l’Afghanistan et la Sierra-Leone ont été dénombrés comme les quatre pays les plus vulnérables aux effets du changement climatique. Haïti est située dans une zone particulièrement menacée par les aléas naturels aussi bien d’origine hydrométéorologique (cyclones, inondations, vent violent) que géologique (séismes, Tsumani, glissement de terrains). Dans une publication faite en 2009, l’organisation Oxfam avait montré à quel point le changement climatique constitue une arme mortelle qui s’ajoute au cocktail toxique haïtien : insécurité alimentaire, pauvreté et déforestation massive.
D’un autre côté, les spécialistes estiment que pour répondre aux besoins en énergie, le pays est obligé d’abattre chaque année 12 millions d’arbres. Cela correspond à une consommation qui varie entre 3,4 à 4,05 millions de tonnes de bois de feu (1 326 000 et 1 580 000 de tonnes d’équivalent en pétrole). De ce total, 37 % sont prélevés pour être convertis en charbon de bois, dont la quantité oscille entre 250 et 280 000 tonnes chaque année. Les risques de désastres qu’encourt le pays, comme les tremblements de terre, les cyclones, les tempêtes tropicales, les glissements de terrain et les éboulements sont liés en grande partie à notre position géographique, notre topographie, notre géologie et surtout notre manque de vision. Face à ce constat, l’état haïtien a démontré sa totale incapacité de gestion des désastres et les dirigeants n’ont rien fait pour protéger l’environnement et la population.
Sans aucun doute, même si le doute est cartésien, si un quelconque pays dans le monde, pouvait se décerner une couronne d’or de médiocrité, Haiti le gagnerait en bon lauréat.
Chaque catastrophe naturelle est une tragédie de plus pour le peuple haïtien. Après le passage de l’ouragan Matthews, qui a tout balayé sur sa route, le bilan provisoire est de plus de 1500 morts et disparus, selon les données extra-officielles. D’après les précisions du bureau des affaires humanitaires des Nations Unies en Haiti, près de 2.1 million de personnes sont affectées par la colère de Matthews. Environ un 1.4 millions d’habitants ont besoin d’assistance humanitaire. Un nombre de 750.000 d’haïtiens ont besoin d’une aide urgente et la quantité de 175, 509 personnes sont déplacées, vivant dans des abris provisoires ou dans les rues. Ce même ouragan, a traversé plusieurs pays de la région tels que, la Jamaïque, Cuba et l’état de la Floride, on peut facilement déduire que les impacts sont moins visibles et le bilan en perte de vies humaines est presque nul. Les dirigeants de ces états avaient pris des mesures de prévention pour éviter le pire à leur population. L’état de la Floride par exemple, avait déplacé ses habitants trois jours avant l’arrivée de l’ouragan et le président Barak Obama avait décrété un état d’urgence afin de débloquer les moyens fédéraux d’assistance et aux agences de sécurité intérieure (DHS) et de gestion des situations d’urgence (Fema) de coordonner les secours.
On a comme l’impression, que les actuels dirigeants, parmi lesquels se retrouvent de grands professionnels de la fiscalité, du droit, anciens prêtre et sénateur, économistes de carrière, magistrats, députés, sénateurs etc… n’ont rien appris des expériences catastrophiques passées. Les observateurs locaux et d’outre-mer, ne seraient pas irrespectueux de penser à une amnésie gouvernementale, comme si, c’était la premier cyclone/ouragan qui frapperait le pays.
Deux questions importantes à se poser:
1- quelles leçons en matière de prévention et planification le pays a-t-il tiré des cyclones Hazel, Flora, Gordon, Jeanne, pour ne citer que ceux-là?
2- serait-il superfétatoire de rappeler à ce gouvernement, que les catastrophes naturelles/technologiques et la gestion des risques de désastres sont une étude scientifique enseignée à l’université?
Si l’autre disait que diriger, c’est prévoir, en Haiti, être dirigeant, c’est fermer les yeux et attendre les dégâts. Le gouvernement et ses chefs n’avaient aucun plan pour épargner le grand sud de ces morts. S’il se révèle impossible de protéger les infrastructures routières et les maisons, force est de constater que rien n’a été fait pour mitiger et prévenir les impacts astronomiques de cet ouragan sur la population humaine.
Il y a trois choses qui sont primordiales dans la prévention et la gestion d’un désastre naturel: la communication, le personnel et l’approvisionnement. Le peuple du sud a été laissé à sa solde. On a vu un gouvernement seulement aux écrans des téléviseurs, alors que le vrai travail se trouvait sur le terrain. Il fallait déplacer à temps la population et la placer dans des abris sûrs avec de l’eau potable, des aliments sains, une équipe paramédicale expérimentée, sans oublier l’installation des latrines.
Après l’occurrence de la catastrophe, il fallait planifier avec son centre de contrôle, ce que les anglophones appellent, « incident command » une réponse rapide aux sinistrés. Deux jours après, le président et son gouvernement faisaient encore le tour des départements de la région Sud dans un hélicoptère des États-Unis, en regardant par la fenêtre les multiples dévastations et dégâts de cette tragédie humaine, dit-on, pour « évaluer » la dimension des dommages de l’ouragan Mathews.
Faut-il faire la leçon à nos dirigeants? Après un ouragan de catégorie 4, les dégâts sont faramineux et de nature multidimensionnelle. À cause de la puissance du vent et des pluies torrentielles, les zones affectées connaissent des inondations, et des endommagements inabordables. Il était prévisible le déplacement des populations et la crise humanitaire après le passage d’un ouragan de cette catégorie. Il aura été nécessaire une grande mobilisation de l’état haïtien avec une préparation multidisciplinaire organisée et équipée, comme par exemple: des agents de force de l’ordre, médecins, aliments, kits hygiéniques, services d’urgence. Avec les matériels et équipements déjà sur place, on commencerait le travail de normaliser la situation avec des techniciens pour déblayer les routes nationales et les rues des villes altérées.
Malheureusement, le laxisme et l’incompétence de nos dirigeants leurs rendent aveugles et constituent en autres, les facteurs les plus importants de la vulnérabilité haïtienne. Après le tremblement de terre de 2010 et le passage de l’ouragan Matthews, il est grand temps de prendre des mesures destinées à minimiser les impacts des désastres naturels sur la population. L’heure est venue pour impulser et encourager une nouvelle vision qui impliquerait un ensemble d’actions et d’engagements de l’état et le reste de la société afin d’agir sur les facteurs de risques et les causes qui engendrent cette vulnérabilité chronique.
La distribution des aides s’est révélée un chaos, à un point tel, qu’un bateau hollandais a dû laisser la ville de Jérémie, à cause de la désorganisation et du manque de planification des dirigeants. Beaucoup des sections communales ne sont pas encore touchées par cette assistance humanitaire qui insulte la dignité humaine par la façon dont la distribution est faite. Il est douloureux de voir comment les chaînes de télévision internationale retransmettent les scènes de répartition des aliments. Inopportunément dans ce brouillamini et pêle-mêle, une jeune fille de 16 ans a perdu sa vie et d’autres sont traumatisés sous les yeux complices des autorités.
Devant l’attitude permissive des dirigeants haïtiens, l’épidémie de choléra bat son plein dans les zones sinistrées. Plus de 1000 cas ont été reportés dans les zones touchées. Les habitants se plaignent de la pénurie d’eau et de la lenteur de la réouverture des centres de traitement de Choléra.
Sans aucun décorum et sympathie pour les victimes, certains de nos hommes politiques sont entrain de détourner l’aide dirigée à la population démunie. Les candidats à la présidence profitent de cette situation calamiteuse pour exploiter politiquement les « nouveaux appauvris » en distribuant eux-mêmes, certains produits de première nécessité avec le logo ou la couleur de leur parti politique. Il ne serait pas mesquin de dire que certains des postulants à la présidence sont arrivés avant l’intervention du gouvernement haïtien. Ils ont tout simplement substitué le rôle régalien et paternaliste de cet état considéré par plus d’un comme un état naufragé et marron.
Certaines Organisations Non- Gouvernementales ont fait un état des lieux et relayées dans la presse internationale, une absence complète d’un minimum de préparations avant l’arrivée de l’ouragan. La République Dominicaine a du venir en aide avec un convoi de 500 camions au gouvernement haïtien pour aider et pallier la faim de ses voisins, comme elle l’avait fait d’ailleurs en 2010, après le tremblement de terre. Il a fallu la présence dominicaine pour le nettoyage de nos commissariats et les rues dans le sud d’Haiti. Les cris des maires se font entendre à longueur de journée dans les médias pour exprimer leurs frustrations face à des dirigeants insensibles. Des milliers de gens sont encore dans les rues sans assistance et secours.
Le peuple haïtien est fatigué de tendre la main de façon avilissante à la communauté internationale à chaque pluie, à chaque inondation, à chaque ouragan. La République d’Haïti est considérée comme l’un des pays les plus vulnérables aux désastres au monde. Le moment est venu de nous comporter autrement. Il est temps pour cette nation d’anticiper, de planifier, de se préparer contre toutes les menaces dont elle fait face afin de minimiser au maximum les conséquences néfastes et de sauver les vies humaines. C’est le seul moyen de limiter les conséquences tragiques des catastrophes naturelles. Nous devons nous engager dans la véritable prévention contre toutes les formes de menace, qu’elles soient naturelles, socio-naturelles, anthropiques ou terroristes.
La gestion de l’ouragan Matthews par l’actuel gouvernement mérite un prix « d’excellence ». Peut-être qu’un jour, avec toute la bêtise haïtienne, sera attribué ce prix de la médiocratie, qui honorera les dirigeants les plus coriaces de la gestion de la chose publique. Ce jour-là, il ne sera pas nécessaire d’aller fouiller dans les grottes haïtiennes, les postulants sont d’ores et déjà disponibles en grande quantité, et hélas, aussi incompétents que populaires. Il n’est que d’aller au palais national, au parlement, aux ministères, aux mairies de les en trouver. Si ma demande est agréé par l’académie Nobel, je vous donne rendez-vous ce10 décembre 2016, à Stockholm ou à Oslo pour le grand banquet de célébration auquel assisteraient le président, son premier ministre et le ministre de l’intérieur.
Dr Jean Ford G. Figaro
Expert en gestion des urgences médicales de santé publique.
Boston University, Massachusetts.
jeanfordfigaro@gmail.com

