Lundi 17 octobre 2016 (rezonodwes).- Le vénérable nom de l’Empereur Dessalines, pendant 40 ans après sa mort le 17 octobre 1806, était jeté dans la poubelle de l’histoire. Et qui l’aurait crû! Son nom, durant les administrations d’ Alexandre Pétion et de Jean-Pierre Boyer, était interdit d’être cité.
Cependant, dans l’histoire des gouvernements éphémères en Haiti, il prend seulement un grand acte posé pour faire toute une différence que des pouvoirs établis, pendant 5, 6, ou 8 ans ou « à vie », n’ont pas su réaliser. A l’administration de 11 mois de Jean-Louis Pierrot, la date du 17 octobre devenue journée fériée et de réflexions, depuis le 17 octobre 1845, le pays lui doit encore un grand mérite.
En effet, le Président haïtien Jean-Louis Pierrot, détesté des Port-au-Princiens pour avoir déplacé le siège du gouvernement vers le Cap-Haïtien, durant son court règne (16 avril–1 mars1846), ne fut pas un oublié de l’histoire d’Haiti pour avoir immortalisé la mémoire de Jean-Jacques Dessalines, en décrétant tous les 17 octobre, un jour férié en Haiti. Le seul vrai jour chômé, ajouté aux journées de réflexion des Premier et 12 Janvier, 7 Février et la fête des mamans que nous devrions uniquement célébrer en Haiti, un pays où la majeure partie de la population, en âge de travailler, est en chômage constant.
Pour ce qui a trait au passage sous silence de la vénération de Dessalines, pendant presque 40 années après sa mort brutale, nous sommes en droit de nous demander où étaient passés les anciens généraux-présidents d’ Haiti qui ont fait la guerre de l’Indépendance à coté de Jean-Jacques Dessalines. Aucun d’ entre eux auparavant n’ avait pensé à honorer la mémoire de cet illustre personnage, lâchement assassiné après un complot ourdi au Pont-Rouge le 17 octobre 1806.
Étaient-ils eux aussi complices de son assassinat? Paské dépi nan ginen ti nèg pa jan’m vlé wè nèg parèy’li avansé. Jean-Jacques Dessalines, le Père-Fondateur de notre Nation, aurait quand même pu connaître une douce fin de vie, à l’instar de Georges Washington qui a libéré l’ Amérique de la dynastie des Anglais pour leur goût fort de taxation exorbitante au point que le Tea Party était déjà connu au IXX ème siècle dans les ports de Boston. Le 17 octobre 1806 a mis prématurément fin à la vie de l’ homme qui a subi le joug de l’ esclavage et avait juré d’ y mettre fin.
Contrairement aux héros de l’ Indépendance des Etats-Unis, qui étaient des propriétaires de plantations où vivaient des esclaves, les combattants pour la lutte de notre Indépendance étaient eux-mêmes les esclaves, à part quelques affranchis privilégiés. Ils y étaient sortis avec dignité par force de combattre l’ imparité et faire d’ une réalité la Déclaration Universelle des Droits de l’ Homme et du Citoyen publiée en 1789 et adoptée le 10 décembre 1948 à Paris. Dessalines, revenant d’ un voyage dans le Sud, dans une vaine tentative de garder uni le pays sous un seul leadership, savait qu’ il n’ était plus aimé de tous et que c’ était fini la lune de miel du 1er janvier 1804 quand l’ euphorie battait son plein à Gonaives.
Il avait tiré la sonnette d’ alarme pensant pouvoir mater toute rébellion. Dommage! Il était entouré d’ un cercle vicieux, orgueilleux, ambitieux et soumis. A sa mort, Haiti est devenu ce qu’ elle est aujourd’hui; un pays divisé tout comme le temps de Christophe dans le Nord, Pétion dans l’ Ouest et Rigaud dans le Sud. Il y a une constante lutte pour la prise du pouvoir par tous les moyens, juste pour assouvir des ambitions. Et aujourd’hui encore, les effets sont palpables avec 27 personnages concourant pour un seul poste de président de la République. L’ histoire, dont les premiers chapitres rédigés à partir d’ une littérature orale et suite à des dialogues entamés par Thomas Madiou, qui a écrit les premières pages de l’ Histoire d’ Haiti, a rapporte que les restes de l’ Empereur, éparpillés sur la chaussée, avaient été ramassés par une vielle folle nommée Défilé.
Quelle honte pour une jeune nation fraîchement sortie de l’ esclavage. Cet acte d’assassinat prouvait à quel point il était et est toujours difficile d’opérer des changements en profondeur chez nous. On peut même payer de sa vie l’ initiative d’ un tel revirement. Quel triste sort pour Dessalines, au carrefour de l’histoire, le 17 octobre 1806. Il était mort comme il avait vécu, un intrépide qui menait la lutte pour survivre. Il essaya de s’ échapper après qu’ un soldat effrayé et tremblant d’ une peur-bleue eût fait feu sur son auguste personne. Abandonné et oublié par ses pairs et comme si sa disparition allait régler les problèmes pour lesquels il était reproché et qu’ il n’ avait pas lui-même engendrés. Des faux titres de propriétés existent encore aujourd’hui pour mieux s’ approprier des biens de l’Etat et des haïtiens vivant dans la diaspora.
S’accaparer de facto du pouvoir était la seule chose qui préoccupait l’esprit des politiciens haitiens depuis la mort de Dessalines en 1806. Dessalines, en février 1804, même quand il ordonnait le massacre des Français en Haiti, par crainte d’un retour à l’esclavage, avec un charisme qu’ on le connaît, a épargné la vie des religieux, des professionnels, des professeurs… n’ en déplaisent aux historiens, ces étrangers restés sur place pourraient être à la base du complot qui a renversé le premier empire d’ Haiti, car la plupart étaient formés à leur école (Pétion, Rigaud…).
Le 17 octobre doit être vu comme une journée de réflexion et de méditation pour tous les haïtiens. On peut toujours arriver à assassiner un homme mais pas ses idées, on en a pour preuve le Dr. Martin L. King qui voulait que le jugement d’ un homme soit fait à partir du contenu de ses pensées non pas selon la couleur de la couche fine recouvrant son épiderme. Le 17 octobre 1806, premier acte officiel d’assassinat politique en Haiti, et c’ en était pas le moindre. Un grand visionnaire était parti. Ses rêves, ses aspirations tout comme ses dépouilles séparées en plusieurs morceaux sont toujours éparpillés à travers les confins de notre firmament.
Qui sera le prochain Défilé pour rassembler tous nos frères séparés sous la bannière du drapeau de Jean-Jacques Dessalines? En tout cas, il ne le sera pas en improvisant des programmes de gouvernement sans allier l’idéalisme au réalisme, en mentant au même rythme qu’ il respire à la population pour soutirer ses votes et surtout en cherchant à redorer le blason.
L’ avenir dira le reste et malgré 210 ans après sa mort, l’idéal dessalinien n’est pas disparu. Devrait-il être ressuscité pour que la nation transcende et évite d’autres drames regrettables du Pont-Rouge ? Le drame qui a freiné tout élan démocratique du pays et l’a entraîné depuis lors vers l’ instabilité politique avec une transition vers la démocratie qui n’en finit pas.
Bonne journée de réflexion !
cba

