Le CEP, organe nommé par le CPT, outrepasse son mandat en imposant par un article 138 un quota de 30 % de femmes sous peine de rejet des listes. La Constitution de 1987, dans ses articles 17.1 et 31-1, reconnaît la participation féminine mais n’autorise aucune contrainte de cette nature. Ce pouvoir, incapable de rétablir la sécurité, se réfugie dans des artifices juridiques pour dissimuler son échec politique.
Port-au-Prince, 12 novembre 2025 — Sous le regard attentif d’un public trié sur le volet et des caméras officielles, le Conseil électoral provisoire (CEP) a présenté ce mercredi un nouvel article 138 imposant à tout parti politique de présenter au moins 30 % de candidatures féminines à la députation, sous peine de rejet des dossiers électoraux. En agissant ainsi, le CEP outrepasse clairement son mandat, s’arrogeant un rôle législatif qui ne lui revient pas et renforçant la perception d’un organe inféodé au Conseil présidentiel de transition (CPT). Ce texte, dépourvu de base constitutionnelle explicite, intervient dans un contexte de désintégration institutionnelle, où le CPT tente de masquer son incapacité à rétablir la sécurité et la stabilité nationales derrière un discours de parité électorale.
Un article sans fondement légal clair
Contrairement à ce que laisse entendre la mise en scène orchestrée par le CEP, cet article 138 ne figure pas dans la Constitution haïtienne de 1987 amendée. Il relève plutôt d’un avant-projet de loi électorale interne, préparé sans aval parlementaire — puisque le pays demeure sans Parlement depuis janvier 2020. La Constitution, notamment en ses articles 17.1 et 31-1, évoque la participation des femmes à la vie publique et la nécessité d’une représentation équitable, mais n’autorise en aucun cas un organe administratif à transformer cette orientation en mesure coercitive assortie de sanctions.
L’acte du CEP s’apparente ainsi à une usurpation de compétence législative, dans un système où le pouvoir normatif revient exclusivement au Parlement. En l’absence de celui-ci, le CEP agit comme un substitut politique, souvent perçu comme un instrument du CPT, dont il tient sa nomination et ses ressources.
Une manœuvre de façade sous couvert de parité
Lors de la cérémonie, plusieurs femmes – fonctionnaires, cadres du CEP, représentantes locales – ont défilé avec des pancartes proclamant : « Mwen se Majistra », « Mwen se Senatè », « Mwen se Depute ». Le message visuel, appuyé par des couleurs patriotiques et un discours sur la “revalorisation du leadership féminin”, visait à démontrer un engagement symbolique pour la parité. Mais au-delà de la rhétorique, aucune garantie de transparence électorale, de sécurité nationale ou de financement public équitable n’a été mentionnée.
Dans un pays où la politique est encore marquée par les gangs armés, la corruption électorale et la manipulation administrative, de nombreuses voix féminines craignent que ce quota ne devienne un piège, destiné non pas à favoriser la représentation, mais à instrumentaliser l’image de la femme pour crédibiliser un processus imposé d’en haut.
Un dangereux précédent institutionnel
Ce décret électoral improvisé instaure un précédent dangereux. Il introduit l’idée que le CEP peut créer des obligations légales en dehors de tout cadre législatif, ouvrant la voie à une politisation accrue du droit électoral. Plus grave encore, il détourne le débat sur la parité vers une diversion symbolique, à un moment où le pays sombre dans l’insécurité, le chômage et la crise humanitaire.
Depuis l’unique scrutin reconnu comme libre en 1990, les élections haïtiennes ont été synonymes de fraudes, d’exclusions et de violence d’État. Forcer des femmes honnêtes à se jeter dans ce champ miné sans réforme préalable des institutions, c’est sacrifier la sincérité de la participation civique au profit d’une mise en scène médiatique.
Entre instrumentalisation de la parité et dérive autoritaire
Le CPT, dont la légitimité s’éteindra le 7 février 2026, semble chercher à multiplier les annonces symboliques pour donner l’illusion d’un retour à la normalité. L’article 138, érigé en “avancée démocratique”, relève plutôt d’un outil de diversion : un geste technique dépourvu de portée réelle dans un pays sans cadre électoral, sans sécurité, et sans confiance citoyenne.
Au final, cette opération du CEP n’élève pas la femme haïtienne ; elle l’utilise. Et derrière l’apparente inclusion, se profile le retour d’un autoritarisme électoral déguisé, où la loi devient un simple instrument de propagande institutionnelle.

