Mon indignation
Samedi 28 mars 2020 ((rezonodwes.com))– Je suis indigné de voir l’impuissance de l’État de mon pays, à répondre à sa mission, qui est d’assurer des services essentiels à la population.
Indigné aussi d’apprendre l’aveu de défaite de certains membres du personnel médical des départements du Nord et de l’Ouest, qui ont abandonné leur poste de travail, et dans certains cas, le pays pour se soustraire aux risques d’avoir à prendre en charge des malades infectés par le Covid-19.
Le pays possède à peine deux médecins pour 10,000 habitants, loin du seuil minimum de 23 médecins pour 10,000 habitants recommandés par l’OMS. Comment accepter que les rares professionnels dont le pays dispose puissent prendre la poudre d’escampette au premier signe du corona virus et abandonner à leur sort les personnes qu’ils ont pour obligation de soigner ? Que représentent le Serment d’Hippocrate pour ces professionnels ? Quel modèle proposent-ils à nos internes et aux autres étudiants en médecine ?
Haïti est peut-être le pays le plus vulnérable de la planète face à la propagation de ce virus. Nos infrastructures sanitaires sont insuffisantes, nos personnels sont en nombre insuffisant et pas forcément préparés pour affronter un tel défi ; le financement des carnavals est plus important pour nos dirigeants que celui du secteur de la santé. Les milliards de Petro Caribe n’ont pas pris la route du développement et aujourd’hui notre système de santé ne compte aucun hôpital digne de ce nom.
Le coronavirus vient nous interpeller sur le danger qui pèse sur notre population, toutes catégories sociales confondues. Plus de première classe pour aller se faire soigner à Jackson Ville Hospital ; plus moyen de recourir à l’avion-ambulance pour traiter les urgences de la famille. Il faut se résigner à mourir sur place ou contribuer à créer les conditions pour que les choses changent chez nous. Nous sommes donc tous concernés. Nous sommes tous interpellés.
C’est pourquoi en ma qualité de médecin, je me sens moi-même interpellé par la gravité de notre situation collective ; et c’est aussi pourquoi j’interpelle mes confrères à ne pas abandonner la barque, malgré les risques pour eux-mêmes, à assumer avec courage leurs responsabilités en desservant la population en soins sanitaires et en accompagnement médical.
Avec maintenant 8 cas de coronavirus recensés officiellement en Haïti, je demande à L’État haïtien de mettre en quarantaine, les personnes qui ont été en contact avec ces personnes affectées pour éviter une catastrophe avec la propagation du virus dans tout le pays.
Et aussi, d’équiper les médecins et infirmiers en matériel nécessaires pour bien exécuter leurs boulots. Il faut en outre de l’oxygène dans le service de soins intensifs, des gants chirurgicaux aux urgences, etc…
Enfin, j’exhorte tous les Haïtiens à garder leur calme, à appliquer les consignes sanitaires et surtout à ne pas perdre leur sens inné de la solidarité.
Johnson Deshommes, MD
Citoyen engagé
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