21 décembre 2025
Fritz Alphonse Jean rejoint Laurent Lamothe
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Fritz Alphonse Jean rejoint Laurent Lamothe

le billet de la rédaction

Ici, pas de commentaires : la démocratie s’exprime seule, sous le regard bienveillant de Fritz et Laurent.

La publication du 18 décembre dernier de Fritz Alphonse Jean sur le réseau social X, prenant fait et cause pour le maire intérimaire de Port-au-Prince après une perquisition policière qu’il juge non conforme aux standards de l’action publique pour une autorité en fonction, appelle une lecture critique à l’aune des normes dites démocratiques dans une République exsangue. L’argumentaire s’inscrit dans l’exercice de la liberté d’expression, qu’aucun décret émanant d’un gouvernement de doublure, miné par la corruption, ne saurait légalement restreindre ; la mise en scène, en revanche, pose difficulté. En verrouillant délibérément l’espace des commentaires, l’auteur s’est soustrait au principe élémentaire de la contradiction, socle de toute délibération publique. Ce choix rédactionnel, tout sauf accessoire, consacre une conception hiérarchisée de la parole politique, où l’énoncé se prétend prescriptif et intangible, à l’abri de tout contrôle citoyen.

Cette posture rappelle celle de Laurent Lamothe, deuxième Premier ministre Tèt Kale I, promoteur zélé et controversé des fonds PetroCaribe, lorsqu’il entreprit, par une succession de publications unilatérales, de réhabiliter sa gestion financière et ses vingt-cinq stades proclamés. Premier ministre issu d’un processus constitutionnel régulier — précision juridique nécessaire — Lamothe demeure néanmoins comptable, au sens strict du droit public, des conclusions d’un rapport de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif qui en découle. L’exaltation de réalisations symboliques, fussent-elles sportives, n’a jamais constitué une cause d’irresponsabilité juridique. Les réseaux sociaux, instruments de narration politique, ne sauraient se substituer aux juridictions compétentes ni neutraliser les constats établis par un organe de contrôle financier.

La convergence entre ces deux figures, souvent d’hommes d’État « bò katedral », se manifeste dans leur rapport commun à la critique. L’un comme l’autre se complaisent dans le monologue, érigeant l’absence d’interaction en principe de gouvernance, comme si une légitimité procédurale invoquée selon les circonstances, doublée d’une autorité morale autoproclamée, suffisait à les exonérer, par simple décret implicite, de toute obligation de rendre des comptes au public. Cette pratique évoque un magistère clos, où la parole publique se déploie sans réplique ni évaluation collective. Or, l’absence de commentaires n’efface ni les faits ni les responsabilités ; elle ne fait que déplacer le débat hors des canaux maîtrisés par leurs auteurs.

L’arrière-plan institutionnel renforce la portée de cette dérive. Depuis la rupture totale de l’ordre constitutionnel du 7 février 2021, la succession de gouvernements de facto, jusqu’à l’actuelle administration en mission, perçue comme téléguidée par des intérêts internationaux, a banalisé la coercition institutionnelle et l’instrumentalisation du droit, notamment à travers la rhétorique du délit de presse et de la diffamation. Face à cette configuration, la presse indépendante et l’opinion critique participent de la continuité républicaine, et non d’une quelconque illégalité. Ainsi, l’un rejoint l’autre, non par la force des idées, mais par un effet de miroir où chacun se contemple comme le reflet supposé d’une dignité d’État qu’il proclame davantage qu’il ne l’incarne. Dans ce jeu de reflets, la parole se fige, la critique se disqualifie d’avance, et l’autorité se décrète à elle-même. À ceux qui revendiquent un pouvoir sans origine élective identifiable, l’interrogation demeure entière : de quelle source procède cette autorité, sinon de compromis diplomatiques extérieurs travestis en légitimité interne ? À ce stade, la satire rejoint l’analyse juridique : la République ne se gouverne ni par tweets verrouillés ni par silences imposés, mais par l’épreuve publique du contradictoire, seule mesure opératoire de la légitimité.

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