11 octobre 2025
Référendum mort-né 2021 : $40 millions gaspillés, aucun coupable
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Référendum mort-né 2021 : $40 millions gaspillés, aucun coupable

FLASHBACK – Port-au-Prince, 27 mai 2021 (Rezo Nòdwès)

Rappelez-vous les noms : ceux qui ont aidé Jovenel Moïse à gaspiller 40 millions de dollars pour un référendum illégal et mort-né

L’histoire haïtienne retiendra ce chapitre sombre de la gouvernance Tèt Kale, marqué par la dilapidation de près de 40 millions de dollars américains destinés à la préparation d’un référendum anticonstitutionnel. Ce projet, voulu par Jovenel Moïse et son entourage immédiat, devait permettre, selon plusieurs analystes, de légaliser l’illégalité, en redonnant au président de facto un vernis démocratique après des années d’actions menées hors cadre institutionnel.

En mai 2021, à l’approche de la date fixée pour ce scrutin, tout indiquait déjà que cette consultation n’aurait jamais lieu. Le Conseil électoral provisoire (CEP), mis en place sans aval parlementaire, n’avait ni la légitimité ni la capacité technique d’en garantir la tenue. La pandémie de Covid-19, les troubles politiques et les protestations populaires rendaient tout processus électoral impraticable. Le porte-parole du CEP, Hubert Jean, l’admettait à demi-mot : « Si l’épidémie continue d’évoluer et nous oblige à surseoir à nos activités, nous le ferons. »

Malgré ces signes avant-coureurs d’un échec certain, le pouvoir a poursuivi les dépenses. D’après Rezo Nòdwès, la présidente du CEP nommé par Moïse, Guylande Mésadieu, avait confirmé un budget de 40 millions USD, officiellement destinés à « l’organisation du référendum et des élections générales ». Mais ces sommes, prélevées sur le Trésor public sans l’aval de la Cour supérieure des comptes, allaient alimenter un circuit opaque mêlant intérêts politiques, contrats sans appels d’offres et structures internationales complaisantes.

Les acteurs de ce gâchis financier sont nombreux. Ils sont les Claude Joseph d’hier, aujourd’hui donneurs de leçons ; les Mathias Pierre, artisans du “basket fund” ; et les Smith Augustin, membres du cabinet présidentiel, aujourd’hui cités dans le dossier de la Banque nationale de crédit. Plus surprenant encore, Edmonde Supplice Beauzile, André Michel et Joseph Lambert, qui dénonçaient en 2021 la « mascarade constitutionnelle » du tandem Jovenel-Claude Joseph, se sont montrés plus tard complices d’un autre référendum sous Ariel Henry et le CPT, cautionnant ainsi la répétition du même scénario.

En première ligne, Jovenel Moïse lui-même, son cabinet, ses ministres et les responsables de la Banque de la République d’Haïti (BRH), qui ont ordonné ou approuvé des décaissements illégaux : 3,1 milliards de gourdes pour les « activités électorales » et 500 millions pour le « soutien aux partis politiques ». Le tout sans contrôle parlementaire, sans vérification préalable, ni audit indépendant.

En deuxième lieu, les neuf membres du CEP, dont la nomination avait suscité de vives protestations au sein de la société civile et du corps judiciaire. Non assermentés, agissant en dehors de toute légalité, ils restaient tout de même rémunérés par le Trésor. Chacun coûtait plusieurs millions de gourdes à l’État haïtien pour un travail qualifié par la presse de « mascarade institutionnelle ».

Troisième cercle de responsabilité : les institutions internationales.
Le BINUH, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le Bureau des Nations unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS), impliqués dans la gestion du basket fund, ont cautionné la démarche du pouvoir en encadrant logistiquement le référendum. Le ministre délégué Mathias Pierre, chargé du dossier électoral, avait lui-même confirmé une première contribution de 20 millions USD du gouvernement haïtien à ce fonds commun. Ces organismes, censés veiller à la bonne gouvernance, se sont retrouvés partenaires involontaires – ou complaisants – d’un processus déclaré illégal par la Constitution haïtienne.

Enfin, la quatrième catégorie de complices : les partis politiques et les médias.
Selon Rezo Nòdwès, près de 150 formations politiques proches du pouvoir auraient réclamé chacune 10 millions de gourdes pour « sensibiliser » la population. Derrière ce mot, il s’agissait en réalité d’une opération de propagande visant à donner au référendum une apparence de pluralisme et de soutien populaire. Aucun de ces partis n’a jamais publié de rapport financier. Aucun n’a été audité. La liste complète demeure introuvable.

Quant à plusieurs médias locaux, ils ont, souvent sans le savoir, prêté leur plateforme à la campagne officielle en échange de contrats conclus directement avec le CEP. Ces organes sont devenus, selon Rezo Nòdwès, des « comptables de fait des deniers publics », engagés à promouvoir une activité contraire à la Constitution, sans supervision légale.

Ce référendum, prévu pour le 27 juin 2021, devait instaurer une nouvelle Constitution permettant la réélection directe du président, la suppression du Sénat et la centralisation du pouvoir exécutif. Il fut finalement suspendu, puis abandonné, après les pressions combinées de la société civile, de la Conférence épiscopale et de la mission de l’OEA.

Mais l’abandon du projet n’efface pas les traces des fonds dilapidés. Quarante millions de dollars, prélevés dans un pays où plus de quatre millions d’Haïtiens vivent sous le seuil de pauvreté, se sont évaporés sans qu’aucune enquête sérieuse n’ait été ouverte.

Rezo Nòdwès concluait alors :

« L’histoire retiendra les noms de ceux qui ont participé, directement ou indirectement, à la dilapidation de ces 40 millions USD dans les préparatifs d’une activité illégale et interdite par la Constitution. »

Ce texte résonne aujourd’hui encore, à la lumière du CPT de 2025, accusé à son tour d’avoir reproduit le même schéma – gaspillage, illégalité et manipulation politique – autour d’un référendum voué à l’échec.

De 2021 à 2025, les visages changent, les sigles aussi, mais le scénario reste le même : des millions engloutis dans des consultations impossibles, pendant que la misère, l’impunité et la corruption continuent d’user le pays à vif.

texte original : Flashback, mai 2021. Pour l’histoire, retenez les noms de ceux qui aident Jovenel Moïse à gaspiller US$40 millions dans un référendum illégal et mort-né – Rezo Nòdwès

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