Par Bobb Rousseau, PhD
Les gangs en Haïti ne contrôlent pas le pays. Ils exercent leur emprise sur certaines zones de Port-au-Prince, une capitale que la majorité des Haïtiens, y compris ceux de la diaspora, évitent délibérément. Ce n’est pas un contrôle national, mais une crise localisée déformant la perception globale du pays.
L’emprise des gangs se limite à des quartiers spécifiques de Port-au-Prince, ce qui pousse une grande partie de la population, tant locale que de la diaspora, à contourner la capitale. Cette réalité souligne que la violence actuelle, souvent qualifiée à tort de crise nationale, est en fait confinée géographiquement. Pourtant, elle continue d’alimenter une image exagérée et erronée de l’ensemble du pays.
Le véritable problème ne réside pas seulement dans la présence de gangs, mais dans le fait qu’une grande partie de la vie haïtienne est concentrée dans une seule ville. De la politique à l’économie, en passant par les transports, tout tourne autour de Port-au-Prince. Ainsi, lorsqu’il y a des troubles dans la capitale, c’est tout le pays qui semble être en crise. Pourtant, ce n’est pas toute la réalité.
Les Haïtiens trouvent des moyens de s’adapter et d’éviter le chaos. Le trafic aérien s’intensifie à Cap-Haïtien et aux Cayes. Les routes de transport public sont modifiées, les familles se rendent visite, les marchés sont animés. La vie continue dans le Nord, le Sud et au-delà.
Il n’existe aucune preuve concrète que ces groupes armés exercent une influence sur l’ensemble du territoire ou qu’ils participent aux décisions politiques au-delà de leurs zones. Parler d’un pays « dirigé par les gangs » est une exagération qui alimente des récits erronés. Cela dépeint les Haïtiens comme des victimes impuissantes à sauver, et cela occulte leur résilience et leur détermination à survivre et prospérer.
Qualifier le pays de « contrôlé par les gangs » cause un réel tort. Cela décourage les investissements, favorise l’indifférence internationale et minimise le courage et la créativité du peuple haïtien. Pire encore, cela empêche des solutions concrètes comme la décentralisation et le renforcement des régions.
Fait intéressant, cette volonté d’éviter Port-au-Prince a ouvert de nouvelles perspectives. Elle offre aux Haïtiens, d’ici et de la diaspora, la possibilité de repenser le développement hors de la capitale, en investissant dans des villes comme Cap-Haïtien, Jérémie, Ouanaminthe et Les Cayes. Ce changement ouvre la voie à des stratégies ciblées pour affronter les gangs dans la capitale, sans freiner le progrès du reste du pays.
Bien sûr, Port-au-Prince nécessite une attention urgente. Mais il faut se rappeler qu’Haïti est bien plus que sa capitale, et il serait grand temps que la communauté internationale le reconnaisse.
Bobb Rousseau, PhD

