Il existe un territoire numérique qui porte les deux lettres de notre nation. Il existe, il est légal, accessible, actif. Et pourtant, très peu de gens en Haïti savent qu’il leur appartient. Ce territoire, c’est .ht : le domaine internet national d’Haïti.
Oui, Haïti a son propre bout d’Internet. Deux lettres, un point. Un domaine réservé à la nation, comme le .fr pour la France, le .ca pour le Canada, ou le .de pour l’Allemagne. Le .ht, c’est notre signature dans le monde digital. Mais qui le signe, qui le revendique, qui le fait vivre ?
La réponse risque de vous décevoir : presque personne.
Un symbole ignoré
Créé en 1997 et confié à la gestion de l’Université d’État d’Haïti via le NIC Haïti, le .ht n’est pas un caprice numérique. C’est un outil stratégique, un acte de souveraineté digitale, un pouvoir d’affirmation. Pourtant, ni les entrepreneurs, ni les artistes, ni même l’administration publique ne semblent pressés de l’utiliser.
Pendant ce temps, des milliers de sites haïtiens naissent chaque année… en .com, .org, ou même .net. Parce que c’est plus connu, parce que c’est moins cher, parce que c’est ce que tout le monde fait.
Mais en agissant ainsi, on abandonne notre territoire numérique. On cède un pan de notre identité sans le savoir.
Et pourtant, quelle opportunité !
Utiliser le .ht, ce n’est pas juste faire preuve de patriotisme. C’est aussi faire preuve de stratégie. De vision. De marketing intelligent.
Un nom de domaine en .ht peut renforcer la crédibilité d’un projet local, positionner clairement l’origine géographique, raconter une histoire, instantanément, est souvent disponible quand le .com est déjà pris, et donne une voix à ceux qui veulent porter haut les couleurs d’Haïti dans l’espace numérique.
Imaginez un site comme artisans.ht, startup.ht, livres.ht, ou même culture.ht. Ce ne sont pas des noms abstraits. Ce sont des actifs puissants dans une stratégie digitale.
Pourquoi alors est-il si peu utilisé ?
La vérité est brutale : le .ht est cher, peu promu, mal connu. Et aucun acteur majeur – ni État, ni secteur privé, ni société civile – ne s’est engagé pour en faire un moteur de transformation.
Un domaine .ht peut coûter 50 à 80 USD par an, bien plus que les 10 USD d’un .com. Il n’est pas intégré aux offres standard des plateformes populaires (Wix, Shopify, WordPress.com). Et surtout, personne n’en parle.
Résultat : il reste un outil oublié dans un tiroir verrouillé, alors qu’il pourrait devenir un levier de modernisation, de confiance, d’identité.
Mais les choses peuvent changer. À commencer par nous.
Ce premier article n’est pas un hommage nostalgique. C’est un rappel à l’ordre. Une invitation à reprendre le contrôle de notre espace numérique. Une déclaration d’intérêt pour un nom de domaine que nous avons trop longtemps laissé à l’abandon.
Dans les prochaines semaines, cette série ira plus loin : nous explorerons les usages possibles, les obstacles actuels, les solutions à envisager, et les pistes pour faire du .ht une fierté, un atout, un réflexe.
Parce que l’avenir numérique d’un pays commence par une adresse.
Daniel Alouidor