Par Camille Loty Malebranche
L’essence est le mode de nature manifesté dans l’existence qui, elle, est strict cours temporel de la durée pour les êtres de nature sans conscience volontaire d’autodétermination, tels les minéraux et les animaux! Une telle existence n’est assumation de rien mais simple figuration selon son façonnement par la nature. Ce n’est en rien le cas de l’homme, conscience téléologique, conscience donc projective et juge qui choisit l’action et la mène.
Pour l’homme – conscience téléologique, par excellence, qui pense et agit vers des finalités en se mettant en scène selon sa propre volition au fil des situations – l’existence est l’assumation de soi dans la temporalité, le cours de sa vie par l’être humain. C’est pourquoi, c’est une aberration que d’appréhender que « l’existence puisse précéder l’essence » comme l’indique la boutade polémique de Sartre. Il s’agissait d’ostracisme de l’essentialisme idéologique exterminateur qui prône une prépondérance inique de certains au nom de leur origine, selon leur « supériorité naturelle » immanente à telles « essences sociales » dont ils relèvent! Sartre a voulu par l’extrême apophtegmatique de cette saillie, désarçonner ceux qui, d’ailleurs, aujourd’hui encore, croient à des essences raciales, des ipséités sociales si supérieures qu’elles autorisent la domination sinon, la punition voire la pulvérisation de la différence. C’était donc un camouflet ironique aux essentialistes, à tous les extrémistes de droite de son temps et d’aujourd’hui, qu’asséna ce passionné de la liberté de l’existant traumatisé par les ignominies aux siècles des deux conflagrations mondiales et de toutes horreurs génocidaires connues. Horreurs orchestrées selon l’effroyable efficacité de l’idéologie qui allait générer les terribles États policiers aux méthodes concentrationnaires qui ont écrasé de la manière la plus monstrueuse qui soit les libertés individuelles et de groupes au nom de l’essence raciale ou nationale définissant les humains selon le prisme tératogène des idéologies.
Sartre qui a vécu les terreurs de l’Occupation, vu la barbarie organisée des déportations orchestrées et toutes les hécatombes du bellicisme nationaliste et raciste de la civilisation occidentale au nom de la nature des races et des nations, lui qui, encore en prolongement de cette même boutade didactique de philosophe, déclarait « un existant n’a pas de nature », voulait exprimer de manière radicale par une sorte d’énormité pédagogique que j’appellerais hyperbole logico-didactique pour insister que malgré tout le déterminisme espéciel, toute l’appartenance factuelle à une nation, une ethnie un pays et tout le conditionnement culturel et social que cela implique, que l’homme n’est pas défini d’avance et que sa manifestation se façonne par ses choix. En aucun cas il ne peut être considéré apte à vivre ou condamné à être détruit par des jugements idéologiques étayant leur représentation de l’espèce à travers la lorgnette des faiseurs décideurs de l’ordre du monde qui prétendent assigner une nature par la contingence des origines, de l’ethnie ou de la géographie. Car avant toutes ces structures culturelles immatérielles ou matérielles, l’homme est avant tout un être libre. Si je suis contre l’athéisme ou l’oubli de l’essence ontologique, nécessairement métaphysique et transcendant quand il s’agit de l’homme, je ne saurais en aucun cas réduire l’homme à cette essence galvaudée que lui prête la théologie idéologisée des religions sociales. Il faut dire que le parcours historique des religions officielles c’est-à-dire institutionnellement établies, étatiquement reconnues et donc influentes dans un certain canton de la weltanschauung sociale même quand elles ne sont pas officielles d’État, (nous avons le cas de la force politique des sectes protestantes aux Usa) désarçonne la moindre sympathie intellectuelle qu’on pourrait avoir envers le religieux malheureusement amalgamé avec la spiritualité et Dieu. Car les définitions essentialistes de l’homme par les origines sociales, « raciales » – mot haïssable pour dire ethnique – dans un certain champ idéologique, religieuses dévoilent des églises catholiques ou protestantes souvent de connivence avec les essentialistes criminels quand ce ne sont les églises elles-mêmes qui, parfois, les ont initiées comme au massacre des arawaks et des caraïbes aux Antilles sans oublier le colonialisme, l’esclavagisme, sur fond de racisme ainsi du cas de Las Casas envers les noirs recommandés par lui, qui ainsi, inspira la traite négrière transatlantique! Enfin, les guerres de religions soi disant chrétiennes – l’on peut évoquer le massacre de la saint Barthélémy ou les guerres d’Irlande, les combats contre-révolutionnaires, tel le soutien du catholicisme aux fascistes, de Franco comme une illustration en plein 20ème siècle, du zèle criminel des catholiques au temps de l’Inquisition! Tout comme l’on peut évoquer les hécatombes sionistes en cette troisième décennie du 21ème siècle.
Tant de turpitudes essentialistes idéologiques, tant de monstruosités innommables et inqualifiables dans les massacres et l’oppression humaine à travers l’histoire, ont fini par donner dégoût et répugnance à certains intellectuels qui n’ont plus voulu prendre le recul suffisant pour délier ce qui est purement divin spirituel de ce qui est institutionnel de la religion. Pourtant ni Dieu ni la vie spirituelle n’ont que faire de ces turpides qui parlent de religion pour régner sur terre avec les reîtres des empires et les paltoquets idéologiques des sociétés et de leurs mythes spectraux dévorant la liberté et l’humanité! Nous savons qu’ils sont légions, je dis bien légions au pluriel car il ne s’agit pas seulement d’individus évoqués par le mot légion en général mais de groupes érigés en légion et formant de terribles légions en guerre contre la vérité. Ainsi, quelle que soit son excentricité formulatoire et proclamatoire, Sartre aura donc rappelé en son siècle, le vingtième siècle – siècle du racisme nazi, siècle des guerres et génocides essentialistes planétaires dont certains industriellement planifiés – aux oublieux de la précession du droit à l’autodétermination individuelle, qu’il y a toujours un espace libre de représentation et d’herméneutique pour l’homme quant à ce qu’il comprend de son être et qu’il veut en faire par delà l’indépassable, incontournable nature, sa nature humaine.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
Lisez sur le blog de l’auteur à ce lien: https://intellection.over-blog.com/2024/10/l-essence-cette-condition-sine-qua-non-de-l-existence.html
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