17 juin 2024
Edito de Haïti-Observateur | Violation de la parole donnée, culture pratiquée dans la politique haïtienne
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Edito de Haïti-Observateur | Violation de la parole donnée, culture pratiquée dans la politique haïtienne

Les observateurs, majoritairement étrangers, qui suivaient les élections du président Jean-Bertrand Aristide, organisées sous Mme Ertha Pascal-Trouillot, première femme présidente de l’histoire d’Haïti, en décembre 1993, ne tarissent d’éloges à son administration, déclarant qu’elles étaient les « premières élections libres et démocratiques de l’histoire d’Haïti ». De tels propos ont, par la suite, disparu du vocabulaire électoral haïtien, car cette bonne habitude a vécu dans le monde politique de notre pays, le mauvais génie ayant infecté la société haïtienne. L’influence étrangère envahissant nos mœurs, sans aucune retenue, notre société s’est trouvée infectée à tous les niveaux. Ce n’est donc pas pour rien, de nos jours, qu’il est impossible de trouver des patriotes intègres au service de la République.

Depuis la chute de la dynastie des Duvalier, les élections sont l’occasion d’exposer les crimes politiques se donnant libre cours dans le système politique, avec l’impunité enracinée dans la mauvaise gouvernance, les transgresseurs courent encore sans désemparer. Voilà pourquoi ces dérives ne cessent de se reproduire, même en série, les acteurs n’ayant rien à craindre. La création du Conseil présidentiel de transition (CPT) met en évidence les violations dont se permettent les candidats qui prennent des décisions leur permettant de violer des accords qu’ils ont signés eux-mêmes.

Au beau milieu du processus de création de cette institution illégale, anticonstitutionnelle et rejetée d’avance par de larges franges de la société, des candidats s’autoproclamant « Groupe majoritaire indissoluble » (CPI) se croyaient autorisés à écarter du vote d’autres candidats ayant les mêmes droits qu’eux. Il est opportun de souligner aussi que le président élu du CPT, l’ex-président du Sénat, Edgard Leblanc Fils, s’est mis de la conspiration ayant écarté les autres membres de l’institution présidentielle du vote du président.

Non content d’avoir fait cause commune avec ses collègues conseillers, dans l’escamotage du vote du président du CPI, M. Leblanc Fils, au nom de l’organisation dont il est président, a violé l’accord portant sur le nombre de candidats au poste de Premier ministre, ne devant pas dépasser 15. Car plus d’une centaine de postulants ont été recensés. Dans l’esprit des acteurs politiques haïtiens, les lois, les accords, conventions et autres instruments juridiques sont faits pour être violés. C’est pourquoi ils les profanent sans avoir froid aux yeux, mais surtout sachant qu’ils ne tomberont sous aucune sanction prévue dans les textes de loi, qui seront sérieusement appliquées.

Ces derniers violeurs des lois et des accords ne sont pas les premiers. Cette nouvelle vague en suit d’autres qui ont eu leur lot d’infractions. On peut citer, en exemple, le cas de René Préval, qui voulait préserver la victoire de son poulain, Jude Célestin. Aussi avait-il ordonné au Conseil électoral provisoire (CEP) présidé par Frédéric Aupont de « couler » tour à tour Wyclef Jean et l’ambassadeur Raymond Alcide Joseph. Alors que la superstar a été écartée des présidentielles, en raison de sa résidence hors d’Haïti, la non-obtention de décharge a été évoquée à l’encontre de M. Joseph.

Le cas du diplomate a fait l’objet d’une sérieuse discussion au sein de l’entourage de Préval, marquant une stratégie en connaissance de cause de violation de la loi. Des conseillers du chef d’État, qui avaient suggéré que Ray Joseph soit mis à l’écart pour la même raison que M. Jean, ignoraient que, diplomate logeant dans la résidence officielle de l’ambassadeur, dans le Maryland, il se trouvait en territoire haïtien. Et, René Préval de déclarer à ses inspirateurs : retirer Wyclef « sans mettre de côté son oncle » équivaut à laver les mains, puis les essuyer par terre.

Le président Préval avait affaire à trop forte partie, en la personne de la secrétaire d’État américain Hillary Clinton lui, et ne pouvait pas protester, quand elle imposait la présidence de Joseph Michel Martelly, en 2010. Aussi a-t-il violé la constitution en faisant du Fonds Petro Caribe son tirelire pour financer les candidats de son parti politique au Sénat et à la Chambre basse.

Avant René Préval, la présidence de Jean-Bertrand Aristide parvenue à sa fin, il se mettait en piste pour violer, à son tour, la Constitution. La Charte du pays interdit un second mandat immédiat du président, qui s’apprêtait à passer outre à cette disposition. Mais le président américain, qui avait ramené le prêtre défroqué d’exil à Washington, derrière 20 000 soldats américains, s’y opposa. L’ex-prêtre de Saint-Jean Bosco devait mettre en veilleuses ses dernières ambitions présidentielles, jusqu’à la fin du second mandat de Préval.

Si M. Aristide a affiché un peu de sobriété dans les détournements de fonds publics, durant son premier mandat, se contentant de générosités de certains ambassadeurs, comme Lee Nan Sing de Taïwan, il s’est comporté bien différemment, à l’occasion de son second tour de piste. Il peut aisément passer pour le président ayant créé le plus de créneaux pour détournements de fonds dans l’administration publique et de trafics illicites. En ce sens il a innové, ayant ramassé des millions à la pelle dans le trafic de stupéfiants.

En effet, Aristide a créé « Les Petits Projets de la Présidence », des millions qu’il a détournés de la caisse publique et qu’il a investis dans des entreprises privées, au profit de ses proches, en partenariat avec lui. Alors même qu’il se trouvait en exil, à Washington, à la capitale américaine, avant d’être rapatrié en Haïti par le président Clinton, il faisait main basse sur les fonds de la Téléco défunte. Il utilisait ces millions pour payer son personnel expatrié avec lui. De retour en Haïti, la fête continuait aux dépens de cette institution. Au moment où, en butte à une révolte des Forces armées démobilisées (FAdH), Aristide démissionnait, pour éviter d’essuyer « un bain de sang », tel que le lui avait suggéré le Corps diplomatique, il exploitait un autre créneau qui rapportait des millions.

Depuis lors, c’est le silence total sur les millions ramassés par le biais des caisses populaires qui avaient proliféré, à travers la République, dans lesquelles il encourageait les citoyens, au pays et comme en diaspora, à investir. C’était alors la ruée vers les sociétaires. De nombreuses familles, surtout des ouailles d’Aristide, basées à l’étranger, avaient pu obtenir une deuxième hypothèque, afin de trouver les fonds nécessaires pour effectuer de tels investissements, qui n’ont jamais pu être récupérés, les propriétaires de ces caisses populaires, des proches du président déchu, ayant disparu dans la nature.

Tous les responsables de partis politiques ambitionnant d’instituer des réformes administratives, à tous les niveaux et dans tous les domaines, n’ont jamais fait état de la nécessité de changer l’homme haïtien, un passage obligé, si l’on tient à faire de ce rêve une réalité.

En effet, il faut reconnaître que les dernières décennies d’influence étrangère sur la société haïtienne ont apporté leur lot de perversions, à tous les niveaux, au pays, transformant honteusement la vie sociale et politique. Il est vrai aussi que limer nos cervelles à celles d’éléments hétérogènes a eu des effets bénéfiques, mais les influences malsaines n’ont pas été évitées. Aussi, dans l’espace de cinq décennies, ou presque, Haïti a subi les conséquences désastreuses des contributions exogènes : désintégration de la famille, déflagration des institutions, effritement des valeurs, sans oublier la division au sein de la société. Ce qui a eu pour conséquence la perversion de la politique et la mauvaise gouvernance, dénaturant le citoyen perdant son état d’âme, par rapport à la patrie.

Nous devons créer de nouvelles institutions et mettre en place des structures innovantes, en vue d’écarter des avenues du pouvoir des personnes de l’acabit de celles susceptibles de se comporter honteusement au pouvoir. À cet égard, un mouvement patriotique, encore plus éclairé que celui lancé après la chute des Duvalier, et qui avait donné naissance à la Constitution révolutionnaire de 1987, doit naître. Ainsi soit-il!

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