Port-au-Prince : La capitale d’Haïti transformée en un « champ de bataille » pour les gangs

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par Matias Vega

Mercredi 20 juillet 2022 ((rezonodwes.com))–

Des affrontements entre gangs ont paralysé et ensanglanté une partie de Port-au-Prince, la capitale d’Haïti, dont la population souffre d’une inflation galopante et d’une grave pénurie de carburant qui entrave l’aide humanitaire indispensable.

Depuis vendredi dernier, des coups de feu ont été entendus toute la journée à Cité Soleil, un quartier pauvre et densément peuplé de Port-au-Prince, où deux factions rivales s’affrontent tandis que la police, en sous-effectif et sous-équipée, reste sur la touche.

Rien que la semaine dernière, les affrontements ont fait au moins 89 morts, 16 disparus et 74 blessés par balles ou par armes blanches, selon le Réseau national de défense des droits de l’homme.

Dans les bidonvilles qui y ont vu le jour au cours des quatre dernières décennies, des milliers de familles n’ont d’autre choix que de s’abriter chez elles, sans pouvoir s’approvisionner en nourriture et en eau.

Certains habitants sont victimes de balles perdues, même à l’intérieur de leurs habitations précaires en tôle, mais les ambulances ne sont pas autorisées à circuler librement dans la zone pour aider les blessés.

« Nous demandons à tous les belligérants de laisser passer l’aide à Brooklyn », le quartier de Cité Soleil où se concentrent les violences, « et d’épargner la vie des civils », a exhorté mercredi le chef de la mission locale de Médecins sans frontières, Mumuza Muhindo.

« Champ de bataille

L’ONG, gênée dans ses opérations d’évacuation des blessés, soigne depuis vendredi une moyenne de 15 blessés par jour dans son hôpital situé près de Cité Soleil.

« Le long de la seule route menant à Brooklyn, nous avons trouvé des corps en décomposition ou brûlés », a ajouté Muhindo.

« Il peut s’agir de personnes tuées dans les combats ou qui tentent de s’échapper et qui ont été abattues. C’est un vrai champ de bataille.

Ces affrontements meurtriers entre gangs affectent les activités de toute la capitale, puisque Cité Soleil abrite le terminal pétrolier qui alimente Port-au-Prince et le nord d’Haïti.

Pas une goutte d’essence n’est fournie dans les stations-service de la capitale, ce qui a provoqué une flambée des prix du carburant sur le marché noir.

Des chauffeurs de taxi-moto en colère ont érigé plusieurs barricades sur les routes principales de Port-au-Prince mercredi.

Seuls de courts trajets en moto étaient possibles dans les quartiers, ont pu constater les journalistes de l’Agence France-Presse.

Pendant ce temps, les habitants de la capitale s’efforçaient d’organiser leurs activités quotidiennes, déjà entravées par le risque d’enlèvement.

Depuis plus de deux ans, les gangs multiplient les enlèvements dans la ville, ciblant des personnes de tous milieux socio-économiques et de toutes nationalités.

Bénéficiant d’une large impunité, les bandes criminelles ont intensifié leurs activités ces dernières semaines : au moins 155 enlèvements ont été enregistrés en juin, contre au moins 118 en mai, indique le Centre d’analyse et de recherche sur les droits de l’homme dans son dernier rapport publié mercredi.

De nombreux Haïtiens fuient vers la République dominicaine ou les États-Unis. D’autres, sans moyens financiers ni visas, risquent leur vie en embarquant sur des bateaux de fortune dans l’espoir d’atteindre la Floride.

Pendant ce temps, de nombreuses autres personnes sont bloquées sur les côtes cubaines ou bahaméennes ou sont retenues en mer par les garde-côtes américains.

Plus de 1 200 migrants en situation irrégulière ont été renvoyés en Haïti au cours du seul mois de juin, selon les statistiques de l’office national des migrations.

Et lorsqu’ils reviennent, ils ont du mal à survivre, acceptant des emplois informels dans un pays où l’inflation annuelle franchit la barre des 20 % depuis trois ans.

Les économistes préviennent que ce taux pourrait dépasser 30 % d’ici la fin de l’année, compte tenu de l’impact de la guerre en Ukraine sur l’économie mondiale.

« Nous constatons une augmentation significative de la faim dans la capitale et dans le sud du pays, Port-au-Prince étant le plus durement touché », a déclaré mardi Jean-Martin Bauer, directeur du Programme alimentaire mondial (PAM) en Haïti.

L’agence des Nations unies utilise des voies aériennes et maritimes pour envoyer l’aide dans le sud et le nord du pays afin d’éviter les banlieues de Port-au-Prince où sévissent les gangs.

Près de la moitié des habitants d’Haïti sont en situation d’insécurité alimentaire, dont 1,3 million sont confrontés à une urgence humanitaire qui précède la famine, selon la classification du PAM.

Biobiochile / Radio France International

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