Sortie de crise : Lettre ouverte à Religions pour la Paix d’un économiste vivant à Paris

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LETTRE OUVERTE A RELIGIONS POUR LA PAIX AUTOUR DE LA CRISE POLITIQUE

PROPOSITION DE SORTIE DE CRISE

Jean- Éric PAUL, Economiste, Paris
E-mail : jepaul1973@gmail.com
Tel : 0033607115802

A Monseigneur Pierre-André DUMAS
Président de « Religions Pour la Paix Haïti »
En ses bureaux
Paris, France, le 12 avril 2021

Objet : Proposition de sortie de crise

Honorable Monseigneur,

Par la présente, j’adresse mes vœux de bonheur, de joie et de paix en ce mois de paques aux honorables représentants de différentes religions de la plateforme « Religions Pour la Paix », et saisi l’opportunité pour solliciter votre intervention dans la crise politique qui sème malheur, souffrance et deuil dans les familles haïtiennes.

Honorable Monseigneur,

Je sais combien la plateforme « Religions Pour la Paix » est préoccupée par la crise qui frappe la société haïtienne dans son ensemble et qu’elle a été déjà sollicitée dans des cas similaires afin de faciliter le dialogue entre les différents antagonistes, en particulier les acteurs politiques. C’est dans cette perspective que l’intervention de la plateforme est sollicitée non pas comme médiateur ou facilitateur mais entant qu’artisan, architecte de la solution de sortie de crise impliquant les acteurs politiques.

Honorable Monseigneur,

Pour commencer, par rapport à la réalité politique haïtienne, permettez-moi de préciser que l’art de gouverner ou l’art d’administrer la cité est la chose qui définit depuis l’Antiquité le mieux la chose politique. Platon nous enseigne, dans La République, que la politique est faite pour guider le peuple vers le bien et la République a pour vocation de le matérialiser.

On retrouve encore cette idée du bien dans l’art de gérer la cité, chez l’un des pères de l’Eglise, en la personne de Saint-Augustin qui, dans son ouvrage La Cité de Dieu, décrit deux (2) types de société : l’une guidée par l’égoïsme et le vice et l’autre guidée par l’amour de Dieu. Dans la société guidée par l’amour de Dieu comme par l’amour de l’homme, la finalité de la politique est de créer l’environnement qui permettrait aux hommes de s’élever à Dieu, donc s’élever au bien. Dans le cas d’Haïti, l’idée du bien comme l’amour de l’homme sont repris au préambule de la Constitution de 1987 qui stipule clairement que : « Le Peuple Haïtien proclame la présente Constitution pour garantir ses droits inaliénables et imprescriptibles à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur ».

Si la Constitution de 1987 insiste à ne faire de la politique que de la quête du bonheur collectif, force est de constater en réalité  que la finalité politique en Haïti ne se résume qu’à l’obtention et la conservation du pouvoir.  L’idée du bien collectif de la société n’est autre qu’un mauvais rêve. Dans la crise qui sévit et qui a atteint un niveau inouï, plongeant des millions d’haïtiens dans la souffrance, le malheur et le deuil, la classe politique haïtienne est incapable de faire preuve d’amour immense pour Haïti, de faire preuve d’empathie pour le peuple.

Contrairement à « Religions Pour la Paix » où différentes religions aux relations historiques douloureuses arrivent à transcender leurs différences pour se retrouver dans un seul et unique combat pour la paix et par ricochet autour de l’amour de l’homme. Quelle exemplarité ! Quelle magnificence ! Quelle grandeur ! Quelle bonté ! Quel amour immense pour l’homme !

Par ce geste d’unité dans la diversité, « Religions Pour la Paix » a compris que le sens de l’amour et l’importance de la paix, comme dit Thomas Hobbes, dans Le Léviathan : « la Paix est la santé de l’Etat, la sédition sa maladie et la guerre civile, sa mort ». Mais l’Etat est transposable à la Nation et on pourrait dire que « la Paix est la santé de la nation, la sédition sa maladie et la guerre civile, sa mort ».

La classe politique, à quelques exceptions près est incapable de faire preuve de grandeur, de bonté et d’amour infini envers la nation comme vous l’avez fait pour la paix, parce que tout simplement c’est le machiavélisme qui a pris le pas chez nombre des politiciens. Tous les moyens sont bons pour prendre et conserver le pouvoir. Pour beaucoup de cette classe politique, le moyen le plus utilisé pour arriver à ses fins, c’est l’usage du mal. A tel point que ce dernier est banalisé dans la société.  Comment expliquer que des politiques puissent distribuer des armes et des minutions à des âmes démunies, alors que le but de la politique, c’est de sauver les âmes perdues ?  Hannah Arendt explique ce fait par le manque de pensée, signe d’une conscience éteinte.

Comment expliquer dans une société imprégnée de misères atroces, on peut voler, tuer, dilapider les deniers publics au vu et au su de tout le monde, en toute impunité ? Partant de cette réalité, nous disons d’emblée que la politique haïtienne est loin de la Cité vertueuse de Platon et encore plus loin de la Cité guidée par l’amour de Saint-Augustin. Ainsi, nous sommes face à un exercice de pouvoir guidé par l’amour de soi, l’égoïsme et le vice. Donc, l’idée du bien collectif est vide de tout contenu. De même que le discours ici et là consistant à faire croire qu’aucun sacrifice n’est plus grand que le bonheur du peuple haïtien, est un discours creux, vide de sens. C’est le machiavélisme à outrance qui est à l’œuvre à tout bout de champs, tout en oubliant que le Prince accède et conserve le pouvoir dans le seul but de hisser la nation vers le bien collectif et comme l’a dit Machiavel lui-même, le Prince est avant tout un Grand Homme. En ce sens, il incarne la nation pour elle-même et pour le monde entier et constitue un symbole national vivant.

Comme tout grand homme, sa récompense n’est pas dans les quelques pécules accumulés sur son compte bancaire mais son nom, sa trace qu’il laisse dans l’histoire pour l’éternité.

Proposition de sortie de crise

Quand la furie des hommes politiques tend à détruire la société, les forces morales de cette société ont le devoir de s’ériger en rempart pour sauver les âmes qui restent à sauver. C’est dans cette perspective que « Religions Pour la Paix » a un rôle fondamental à jouer dans la solution de la crise politique. Cette proposition de sortie de crise est basée sur le postulat suivant :  la solution à la crise ne viendra jamais du secteur politique (Pouvoir et Opposition). Nombre des cas dans l’histoire de notre pays le prouvent. L’homme est par nature de mauvaise foi. Glaucon, le frère de Platon, a dit que l’homme pratique la justice que quand il y est contraint.

Partant de cette réalité que les acteurs politiques ne vont jamais s’entendre, on peut donc envisager une solution de sortie de crise. Il faut prendre conscience qu’on ne peut pas demander à quelqu’un ce qu’il n’a pas. La classe politique haïtienne n’est pas « Religions Pour la Paix ». Il faut la considérer pour ce qu’elle est et non comme on voudrait qu’elle soit- c’est-à-dire vertueuse, vouée au bonheur de la société et à la paix. Cette paix, considérée comme la santé de la nation. La nature et le comportement des acteurs politiques haïtiens prouvent que toute tentative de trouver une issue à la crise les impliquant est une entreprise vaine.

Elle est incapable de faire preuve de grandeur, de magnificence, de bonté et d’amour infini pour la nation. Cette classe politique par ses agissements a jeté l’honneur et la dignité de ce pays symbole sont au chien. Elle a corrompu la jeunesse haïtienne et réduit l’homme haïtien à l’état de nature. La population haïtienne est traumatisée en assistant à des actes de barbarisme extrême où on découpe l’homme comme un animal. Mais, ces messieurs-dames de la politique, oublient qu’il y a des yeux qui nous regardent.  

Par conséquent, puisque la solution ne peut sortir des acteurs politiques, la société doit prendre ses responsabilités et vous imposer sa solution. Par principe, la souveraineté est détenue par le peuple. Le Président de la République, le gouvernement comme les partis politiques existent parce que le peuple leur a conféré la légitimité pour s’exprimer et agir en son nom. Mais le peuple, il est dans les églises, les temples vaudou et les organisations socio-professionnelles. La société haïtienne ne doit pas être prise en otage par le secteur politique. Les acteurs politiques haïtiens ont cette capacité extraordinaire à générer des crises or nous n’avons pas de mécanisme de résolution de ces conflits et la société dépérit.

En matière judiciaire, il existe une cour de cassation qui a le dernier mot et en matière de constitutionnalité de lois, il y a le Conseil constitutionnel. Mais en matière de conflit politique, nous n’avons rien or ces crises politiques sont à l’origine de nombreux dégâts dans la société et les victimes ne sont jamais les acteurs impliqués. Voila pourquoi la résolution de la crise doit venir du peuple haïtien. Elle doit être la solution haïtienne, trouvée par les Haïtiens, pour les Haïtiens et pas sans les Haïtiens.

Pour y parvenir, « Religions Pour la Paix » ne doit plus chercher de solution avec les acteurs politiques et servir de médiateur. Non, « Religions Pour la Paix » est le peuple. Les près de 350 partis politiques ne sont pas le peuple. Sinon comment expliquer qu’un homme puisse remporter les élections présidentielles en 2016 avec moins de 600 000 votes ? « Religions pour la Paix » représente le peuple. En ce sens, elle doit être l’artisan ou l’architecte de la solution de sortie de crise. Plus précisément, la plateforme doit prendre le leadership de la démarche visant la paix en mobilisant toutes les forces vives de la nation qui sont aptes à réfléchir, concevoir et agir pour la nation.

Il s’agit entre autres, de la Conférence des Recteurs, Présidents et Dirigeants des Universités et des institutions d’enseignement supérieur haïtiennes (CORPUHA), Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), l’Association Nationale des Magistrats Haïtiens (ANAMAH), la Fédération des Barreaux d’Haïti (FBH), l’Association des Journalistes Haïtiens (AJH), l’Association des écrivains haïtiens (Centre Pen), le secteur des affaires, etc.

Il s’agit d’une concertation de deux (2) à trois (3) jours qui doit aboutir à une solution haïtienne assortie d’une feuille de route dans laquelle doit figurer nécessairement ce que j’appellerai le deuxième Congrès de l’Arcahaie en vue de la refondation de la nation, dans ces lieux immortels où s’étaient réunis les héros de l’indépendance. Là, tous les problèmes du pays seraient débattus par les Haïtiens, pour les Haïtiens et pas sans les Haïtiens. Il y a un point fort qui est nécessairement figurer dans l’agenda des discussions : – la refondation du système politique haïtien. Tel qu’il est, il représente un danger pour Haïti et une menace pour la démocratie.  A Près de 350 partis politiques, Haïti est devenue une véritable plaisanterie aux yeux du monde entrainant ainsi une succession d’hommes impréparés à la tête de l’Etat. C’est un aspect non négligeable de la crise, à ne pas minimiser.

Les héros de l’indépendance, dans les premiers actes, visant à édifier la nation haïtienne, ont été suffisamment vigilants sur cet aspect. Les articles 23 et 29 de la Constitution impériale ont été très clairs, l’un mettant l’accent sur le caractère non héréditaire de la couronne et l’autre, la nature du successeur de l’Empereur. L’article 29 de la Constitution impériale précise que « Tout successeur qui s’écartera des dispositions du précédent article ou de la marche qui lui aura été tracée par l’Empereur régnant, ou des principes consacrés par la présente Constitution, sera considéré et déclaré en état de guerre contre la société. En conséquence, les conseillers d’Etat s’assembleront, à l’effet de prononcer sa destitution, et pourvoir à son remplacement par celui d’entre eux qui en aura été jugé le plus digne, et s’il arrivait que ledit successeur voulût s’opposer à l’exécution de cette mesure autorisée par la loi, les généraux conseillers d’Etat feront appel au peuple et à l’armée, qui de suite leur prêteront main-forte et assistance pour maintenir la liberté ».

Selon la Constitution impériale, le successeur de l’Empereur doit être le plus digne ou le plus méritant. Beaucoup de penseurs de la philosophie politique ont abordé cette notion de la nature du Prince pour être un bon dirigeant afin que l’harmonie puisse régner dans la cité. C’est d’abord le cas de Platon qui nous enseigne que pour être un bon dirigeant, le Prince doit être philosophe. Car, c’est ainsi qu’il pourra comprendre le fonctionnement du monde et l’âme humaine. Quant à Saint-Augustin, il parle du caractère vertueux du Prince et enfin, Machiavel dit que le Prince doit être avant tout, un grand homme. Et là, les constituants de 1987 ont beaucoup péché. Ils n’ont pas suffisamment normé la société pour empêcher aux hommes impréparés d’accéder aux pouvoirs. Ce n’est pas la faute du peuple. On doit normer la société en tenant compte de la nature du peuple. Ce n’est pas un mépris de dire que n’importe qui ne peut devenir Président de la République, sénateur ou député. Il s’agit de protéger la démocratie et l’harmonie de la société.

Pour revenir à la proposition de sortie de crise, une fois que la concertation aura abouti à la solution et à l’adoption d’une feuille de route validées par au moins 2/3 des forces vives de la nation, à défaut de l’unanimité, « Religions Pour la Paix » déclare que la résolution et la feuille de route imposables à la nation entière. La résolution et la feuille de route sont présentées à la population et le pouvoir, l’opposition politique et le Corp Group sont avisés de la position de la nation.

Et quiconque aurait la prétention de s’opposer à la résolution et à l’exécution de la feuille de route, « Religions Pour la Paix » et les forces vives de la nation doivent faire appel au peuple pour sauver ce qui reste de la société.

Honorable Monseigneur

Considérant que seule une résolution issue des forces vives de la nation peut délivrer le peuple Haïtien de cette crise ;

Considérant que ni nouvelle constitution ni élections ne sont possibles dans cette situation et pire, elles risquent d’aggraver la crise ;

Considérant que « Religions Pour la Paix » constitue un rempart face aux dérives de la société ;

Considérant que ce qui a été détruit par la furie de certains hommes, d’autres hommes peuvent les reconstruire par amour pour la patrie ;

Considérant la souffrance insupportable du peuple haïtien et qu’il est urgent d’en finir avec cette société de l’amour de soi et de vice pour aboutir à une société où la politique est indissociable de la vertu ;

J’interpelle solennellement « Religions Pour la Paix » entant que forces morales de la nation à voler au secours de la patrie en danger.

Espérant que cet appel arrive à toucher votre patriotisme au plus haut point et ainsi que ceux des autres membres de la plateforme, je vous prie de croire, Monseigneur Pierre André Dumas, en l’expression de mes salutations les meilleures.

Vive Haïti et Haïti vaincra

Jean Eric PAUL, Economiste

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