Crises politiques incessantes en Haïti : pour une solution définitive et haïtienne

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par Papouche P. Noel

Mardi 22 octobre 2019 ((rezonodwes.com))– L’histoire retiendra que les diplomates du Core Group sont sortis de leur silence sur la crise haïtienne le lundi 30 septembre 2019. Ils se sont prononcés en faveur de négociations entre les différents acteurs afin de résoudre la crise politique.

Il faut dire qu’au cours des dix dernières années, le Core Group s’est érigé en une véritable force sur le paysage politique haïtien. Ses membres sont dépositaires du pouvoir politique presque au même titre que le peuple haïtien. En décidant de maintenir leur soutien au président Jovenel Moise, j’ai peur que le Core Group ait peut-être choisi une position intenable.

Le Président Jovenel, de son plein gré ou par naïveté, et ce dès le début de son mandat, a décidé de saboter sa propre légitimité en faisant de fausses promesses, promesses que personne n’aurait pu tenir dans le contexte politique actuel, avec le peu de moyens financiers dont il dispose. Le démantèlement du système politique aurait dû être sa priorité absolue. Aujourd’hui, le président Jovenel a perdu le contrôle du pays ; il a sous-estimé le pouvoir gênant et destructeur du système politique. Son autorité comme président ne tient qu’à un fil très ténu, soutenu par la communauté internationale par le biais de ses représentants au sein du Core Group.

La question qui se pose : pendant combien de temps le Core Group pourra-t-il maintenir le Président Jovenel Moise au pouvoir ? Quelques jours après la déclaration des diplomates en faveur du président, les Haïtiens sont sortis en masse à Port-au-Prince pour réclamer sa démission. On peut bien comprendre pourquoi : ils n’ont plus confiance dans leur président. Les gens ont faim. Les gens sont fatigués. C’est l’insécurité totale dans les rues. Il y a des pénuries de carburant. Les gens n’ont pas eu le droit à l’électricité comme promis. L’inflation croît. L’éducation gratuite tarde encore à venir.

Si le Core Group ne parvient pas à changer cette réalité, les tensions continueront de s’exacerber. Tant que la situation sociale et économique demeure telle qu’elle est, les chefs de file de l’opposition “Tant que le doigt qui montre le chemin n’est pas celui d’un Core Group haïtien, le peuple ne suivra pas. Les bruits politiques ne cesseront pas. Les tragédies humaines ne finiront pas.” P. Headly Noel Ajanda 2zyèm Endepndans 2 continueront à tirer profit de la frustration de la population. Dire aux dirigeants haïtiens de dialoguer ne change rien – que vous soyez Core Group ou pas. Maintenant que le Président est faible et à genoux, les chefs de l’opposition vont s’en prendre à lui davantage et sans relâche. Ce qui soulève la question : combien de leurs ressources financières et de leur capital politique les membres du Core Group sont-ils prêts à investir pour soutenir un président défaillant, Président Moise, et pour maintenir un système politique corrompu et inefficace ?

Je soupçonne deux raisons principales qui peuvent expliquer le comportement des diplomates. Premièrement, ils se sont peut-être lassés des crises politiques haïtiennes incessantes et souhaitent pour une fois un gouvernement qui mènera son mandat à terme. Deuxièmement, je pense que le Core Group ne voie pas vraiment une bonne alternative au Président Jovenel et à son parti politique, PHTK.

Par rapport à nos crises politiques incessantes, il faut dire que le Core Group n’est pas innocent dans la crise politique actuelle. Pendant des années, les pays dont ils représentent les intérêts, ont soutenu financièrement, au nom de la démocratie, un groupe de gens qu’ils savaient bien d’être des hors-la-loi et des corrompus. J’ajoute, toujours sur ce même point, Haïti n’aurait pas eu besoin de connaitre toutes ces crises politiques qu’elle a connu au cours des 30 dernières années, si les leader politiques du pays avaient pris le temps de repenser le système politique actuel et d’en instaurer un nouveau.

La crise montre très clairement que Haiti ne peut plus continuer à ignorer les défaillances de son système politique. Dans ce contexte, est-ce qu’il ne serait pas mieux pour les membres du Core Group d’arrêter une fois pour toute de soutenir un système politique qui n’a donné aux Haïtiens que des leaders corrompus, des « toutistes » et des psychopathes ? En plus, n’est-il pas temps que les Haïtiens se posent la question : quelle forme de démocratie voulons-nous pour Haïti ?

La deuxième hypothèse concerne une alternative au Président Jovenel et à son parti politique, PHTK. Car les chefs de file de l’opposition sont eux aussi problématiques. Ils ne sont pas dépourvus de leur propre bagage de « corruption ». Des personnalités emblématiques de l’opposition ont elles-mêmes bénéficié des transactions Petro-Caribe. La population le sait. Les membres du Core Group le savent aussi.

Je pense qu’une grande partie de ce que nous voyons dans les rues de Port-au-Prince et des villes de province est davantage une expression de colère populaire contre la situation économique et sociale du pays et contre le Président Moise, accusé d’en être responsable, qu’une expression de soutien au programme politique et aux leaders des partis de l’opposition. Mais en qui le peuple haïtien peut-il avoir confiance ? Où est l’alternative ? Comment s’assurer, après le départ du président de la République, qu’Haïti ne va pas retomber dans les mêmes problèmes, dans la même situation dans trois ou cinq ans ? Quels sont les conséquences liées au départ de Jovenel ? Que faire pour atténuer ces conséquences ?

Si le Core Group des ambassadeurs étrangers n’a pas encore retiré son soutien à Monsieur Jovenel, c’est peut-être parce que les réponses à ces questions font toujours défaut. Mais je crains que les acteurs politiques haïtiens ne comprennent pas l’urgence de ces questions. Où est le Core Group haïtien qui devrait répondre à ce genre de questions pour Haïti ? N’existe-t-il pas un Core Group haïtien capable de conduire Haïti vers la vraie liberté, la vraie indépendance, vers la paix et la stabilité ?

S’il existe un Core Group haïtien, ses membres sont silencieux, désorganisés, impuissants et sont éparpillés sur tout le territoire et parmi la diaspora haïtienne. Peut-être maintenant plus que jamais, il est temps que les individus, qui se reconnaissent comme étant membres invisibles de ce Core Group, sortent de leur silence et qu’ils s’unissent. Car seul un Core Group haïtien peut réduire les tumultes politiques. Car avec des tumultes politiques comme celles que nous avons en Haïti, il très est difficile pour les acteurs politiques de penser clairement, de poser de bonnes questions et de prendre de bonnes décisions pour le pays. Seul un Core Group haïtien aura la légitimité et le pouvoir pour rassembler la masse critique nécessaire pour faire les changements nécessaires. Et seul un Core Group Haïtien peut commencer à poser les vraies questions.

Et, Les vraies 3 questions ne sont pas de nature politique. Elles sont plutôt de nature économique et sociale. Elles sont de nature écologique. Une vraie question est une question qui concerne la vie des gens, les vrais problèmes des gens. Dans quelques années, les Haïtiens seront confrontés à une famine massive, à une émigration massive de la population vers d’autres pays et à beaucoup tragédies humaines. Ce sont des catastrophes qui peuvent menacer la survie d’une nation. La destruction de l’environnement en Haïti, ajoutée aux effets combinés du changement climatique mondial, ne fait qu’aggraver la situation économique et sociale.

En ce sens, une vraie question n’est pas, par exemple, de savoir qui occupera le fauteuil présidentiel l’année prochaine. Une vraie question, par exemple, est : que peut faire le gouvernement pour nourrir les gens ? Ou bien quels types de denrées alimentaires les Haïtiens doivent-ils produire ? Comment assurer l’approvisionnement en eau en Haïti ? Comment se protéger contre les inondations ? Contre les ouragans ? Comment s’assurer que les gens accèdent aux soins médicaux ? De quel type d’éducation et de formation les Haïtiens ont-ils besoin ?

Avec la crise actuelle, il est clair qu’Haïti se trouve à un moment critique. Le réveil du Core Group haïtien doit se faire aussitôt que possible. Car le peuple haïtien doit décider maintenant s’il faut se joindre au mouvement mondial en faveur du développement durable ou s’il faut continuer sur le chemin actuel. Les effets du chemin actuel sont évidents. Pour contrecarrer ces effets, il faut agir maintenant. Et tant que le doigt qui montre le chemin n’est pas celui d’un Core Group haïtien, le peuple ne suivra pas. Les bruits politiques ne cesseront pas. Les tragédies humaines ne finiront pas. Auteur :

Papouche P. Noel
Politologue
kontak@2endepandans.com

3 COMMENTS

  1. « pour une solution définitive et haïtienne »
    D’accord, mais des gens qui doivent prendre leurs ordres et rendre des comptes à Rome, ceux qui le doivent au Core group ou aux asiatiques, ne sont haitiens que par opportunisme et continuerony seulement avec leurs petites assaires. Les vrais bons Haitiens sont dans les mornes inaccessibles et les hounfors, les marécages et les ravins pollués et abandonnés. je ne vois toujours pas qui parle pour eux dans ce jeu du « quitte de là que je m’y mette pour bouffer ma part »

  2. Il est temps qu’on se lève, que l’on s’unisse et, qu’on avance comme un seul homme, pour un seul et même Haïti
    Téléchargez

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