Haïti: Le drame du Pont-Rouge

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Aucun autre libérateur au monde d’un peuple aussi opprimé et marginalisé que le nôtre l’était au 19ème siècle, n’a connu à l’instar de l’Empereur Jean-Jacques Dessalines une triste fin. Pas de funérailles officielles, pas de deuil national, non plus aucune enquête n’a été diligentée sur sa mort, un complot ourdi contre l’Etat alors que la jeune Nation qu’il dirigeait, prônait pour l’établissement des principes de droit, de liberté et d’égalité pour tous. Ses successeurs immédiats lui ont tout ravi au point d’interdire pendant 39 ans que son nom soit prononcé ou cité dans toutes conversations publiques ou privées après son cruel assassinat dans les portes de Port-au-prince, tôt dans la matinée du 17 octobre 1806.




Port-au-Prince, mercredi 17 octobre 2017 ((rezonodwes.com)).-Sans courir le risque de nous tromper, nous nous rappelons une phrase d’un notaire agréé habitant une grande ville de la province. « Il n’existe presque plus pour ne pas dire qu’il n’a jamais existé, un seul titre de propriété dont l’acte original ne remonte pas à un ancien général de la Guerre de l’Indépendance« , c’est pour nous dire que la subdivision du pays, deux ans après son Indépendance, était tenue à cœur par les nouveaux maîtres. Et malheur à celui qui se mettait en croix sur leur chemin d’où le drame du Pont-Rouge et le début de la fin de la jouissance de nos droits comme nation libre et indépendant.

Avec la mort de Dessalines, à peine âgé de 46 ans en 1806, qui n’avait pas demandé à mourir ce jour-là avec les rêves de grands projets idéaux et ambitieux pour le pays, cette malencontreuse erreur irréfléchie d’un groupe d’envieux, a jusqu’aujourd’hui ses ascendants sur notre vie de peuple. Au seuil du XXe siècle, l’affichage de ce comportement d’arriérés d’individus incapables de prendre notre destin en main se précisait. Nous avons nous-mêmes ouvert la voie à l’occupation au cours de laquelle seuls les acteurs d’autrefois sont remplacés. Et en ce 17 novembre 2017, 211 années plus tard depuis que nous avions assassiné l’Empereur, nous n’en sommes pas sortis de l’auberge.

Après l’assassinat de Dessalines le 17 octobre 1806, le pays au bord de la scission plongé dans la division à cause d’une lutte de classes pour le pouvoir, nous avions raté la célébration de notre Indépendance, le 1er janvier 1807. Ironie de l’histoire, le 17 octobre 2017 nous ramène plus de 200 ans à l’arrière, à la seule différence prêt, il n’existait pas encore un Sénat qui vilipende ses mandants tout en cherchant à légitimer la présence d’étrangers armés sur le territoire national sous prétexte de ratification d’un « accord » n’ayant nullement sa raison d’être. Dessalines dont les apatrides, les hypocrites se targuent de ressusciter dans la mémoire des haïtiens,  fut un oublié de l’histoire pendant presque 40 ans après son lâche assassinat.

Le pays doit « la date du 17 octobre » au président Pierre-Louis Pierrot qui commémora la mort de Dessalines pour la première fois le 17 octobre 1845




Le Président haïtien Jean-Louis Pierrot, détesté des Port-au-Princiens pour avoir déplacé le siège du gouvernement vers le Cap-Haïtien, durant son règne d’ avril 1845 à mai 1846, a eu un grand mérite que l’ histoire n’ oubliera jamais. C’est de faire du 17 octobre, un jour férié en Haïti, en mémoire d’un illustre disparu. Le 17 octobre 2015 tourné en dérision par le régime Tèt kalé1, n’avait pas fait honneur à la dimension d’homme de Dessalines qui visait la constitution d’une nation que des intérêts mesquins et particuliers.

Cette date de commémoration devrait être le seul vrai jour chômé, ajoutée aux journées de réflexion des 1er et 12 janvier, 7 février et la fête des mamans qu’ on devrait uniquement célébrer en Haïti, un pays où la majeure partie de la population, en âge de travailler, se retrouvent au chômage.

Pourquoi a-t-on attendu 39 ans après sa mort pour parler de ses principaux bienfaits enfouis dans l’aveuglement de ses pairs à devenir les nouveaux colons. On est en droit de se demander où étaient passés les anciens généraux-présidents d’ Haïti qui ont fait la guerre de l’ Indépendance à coté de Jean-Jacques Dessalines. Aucun d’ entre eux auparavant n’avait pas voulu honorer la mémoire de cet illustre personnage, lâchement assassiné après un complot ourdi contre lui au Pont-Rouge le 17 octobre 1806. Etaient-ils complices de son assassinat? Cette enquête qui n’a jamais débuté a néanmoins trouvé son aboutissement au préambule de la Constitution de 1807 où d’autres héros de l’Autel de la Patrie critiquaient ouvertement son attitude oubliant les atrocités des colons avers les esclaves qu’ils prenaient pour des bêtes de somme.

Les bases jetées de la construction d’une Nation ont créé des ennemis à l’Empereur

Jean-Jacques Dessalines, le Père-Fondateur de notre Nation, aurait quand même pu connaître une douce fin de vie, à l’instar de Georges Washington qui a libéré l’ Amérique de la dynastie des Anglais pour leur goût fort de taxation exorbitante au point que le Tea Party eu été déjà connu au IXXè siècle dans les ports de Boston. Le 17 octobre 1806 mit prématurément fin à la vie de l’ homme qui a subi le joug de l’ esclavage et avait juré d’ y mettre fin.

Contrairement aux héros de l’ Indépendance des Etats-Unis, qui étaient des propriétaires de plantations où vivaient des esclaves, les combattants pour la lutte de notre Indépendance étaient eux-mêmes les esclaves, à part quelques affranchis privilégiés. Ils y étaient sortis avec dignité par force de combattre l’ imparité et faire d’ une réalité la Déclaration Universelle des Droits de l’ Homme et du Citoyen publiée en 1789 et adoptée le 10 décembre 1948 à Paris où Haïti avait répondu présent à l’invitation.




Dessalines, revenant d’ un voyage dans le Sud, dans une vaine tentative de garder uni le pays sous un seul leadership, savait qu’ il n’ était plus aimé de tous et que c’ était fini la lune de miel du 1er janvier 1804 quand l’ euphorie battait son plein à Gonaives. Il avait tiré la sonnette d’ alarme pensant pouvoir mater toute rébellion. Dommage! Il était entouré d’ un cercle vicieux, orgueilleux, ambitieux et soumis. A sa mort, Haïti est devenu ce qu’ elle est aujourd’hui’ un pays divisé tout comme le temps de Christophe dans le Nord, Pétion dans l’ Ouest et Rigaud dans le Sud. Il y a une constante lutte pour garder le pouvoir et assouvir les ambitions.

Et aujourd’hui encore, les effets sont palpables. Une vingtaine de Constitutions élaborées dont celle de 1987 a survécu plus longtemps sans avoir été appliquée complètement dans son ensemble. Le pays se cherche toujours des hommes et femmes crédibles, non pas des mercenaires, pour intégrer le futur Conseil Electoral Permanent. La corruption est à son paroxysme comme à la veille du 17 octobre 1806 avec de nombreuses impressions de faux titres de propriétés, un acte qui n’avait pas bonne presse aux yeux de l’Empereur.

Une tragédie irréparable de notre histoire de peuple

L’ histoire, dont les premiers chapitres rédigés à partir d’une littérature orale et suite à des entretiens réalisés par Thomas Madiou, qui a écrit les premières pages de l’ Histoire d’ Haïti, rapporte que les restes de l’ Empereur, éparpillés sur la chaussée, avaient été ramassés par une vielle folle nommée Défilé. Quelle honte pour une jeune nation fraîchement sortie de l’ esclavage. Cet assassinat prouvait à quel point il était et est toujours difficile d’ opérer des changements en profondeur chez nous. On peut même payer de sa vie l’ initiative d’ un tel revirement.

Quel triste sort pour Dessalines. Il était mort comme il avait vécu, la lutte pour la survie. Il essaya de s’ échapper après qu’ un soldat effrayé et tremblant d’ une peur-bleue eût fait feu sur son auguste personne. Abandonné et oublié par ses pairs et comme si sa disparition allait régler les problèmes pour lesquels il était reproché et qu’ il n’ avait pas lui-même engendrés.

Des faux titres de propriétés existent encore aujourd’hui pour mieux s’ approprier des biens de l’ Etat, dilapider les fonds publics, la signature des accords sans appels d’offre, les votes détournés… S’ accaparer de facto du pouvoir était la seule chose qui préoccupait l’ esprit des politiciens haïtiens depuis la mort de Dessalines en 1806. Dessalines, même quand il ordonnait le massacre des Français en Haïti, par peur que son peuple redevienne esclave, avec un charisme qu’ on le connaît, épargna la vie des religieux, des professionnels, des professeurs… n’ en déplaisent aux historiens qui campent mieux le portrait de Toussaint Louverture. Ces étrangers restés sur place pourraient être à la base du complot qui a renversé le premier empire d’ Haïti, car la plupart étaient formés à leur école (Pétion, Rigaud…).

Merci président Pierrot, grâce à cet acte héroïque posé en 1845, l’Empereur n’est plus un oublié de l’histoire.

L’ acte accompli par le président Pierrot qui surnommait Port-au-Prince « Port-au-Crime » et en étant, si aucune mesure corrective n’est prise par le chef de la PNH, sur le point de le redevenir en 2017 après le départ des casques bleus, est l’ un des faits marquants son gouvernement même quand il voulait afficher une certaine suprématie des gens de couleurs (mulâtres), dont la plupart sont des fruits de relations forcées adultérines entre le colon blanc et la femme noire-esclave.

Le 17 octobre doit être vu comme une journée de réflexion et de méditation pour tous les haïtiens par la manifestation de leur mécontentement, de leur appréhension de notre état de peuple en cette deuxième décennie du 21è siècle où nous faisons encore nos besoins à même le sol.

On peut toujours arriver à assassiner un homme mais pas ses idées, on en a pour preuve le Dr. Martin L. King qui voulait que l’homme soit jugé à partir du contenu de ses pensées non pas selon la couleur de la couche fine recouvrant son épiderme. Le 17 octobre 1806, premier acte officiel d’ assassinat politique en Haïti, et c’ en était pas le moindre. Un grand visionnaire était parti. Ses rêves, ses aspirations tout comme ses dépouilles séparées en plusieurs morceaux sont toujours éparpillés à travers nos lutes intestines.

Qui sera le prochain Défilé arrivé à l’improviste pour rassembler tous nos frères séparés sous la bannière du drapeau de Jean-Jacques Dessalines? En tout cas, il ne le sera pas en improvisant des programmes de gouvernement sans allier l’ idéalisme au réalisme, tout en ne mettant en place aucun système de justice et de gouvernabilité réelle du pays secoué par la corruption et plongé dans une misère accrue.

Papa Dessalines, quand est-ce finalement, pourrions-nous dire « Repose-toi en paix« ! Vinn di yon kichoy pou nou car ils n’ont plus le sens de la honte et, le pire, ils sont sans état d’âme. Ton pays va mal, on a tiré au sort les richesses de son sous-sol et « les fils dont les pères sont en Afrique, n’ont encore rien reçu« . Et nous éprouvons toujours un peu de gêne à dire que les commandeurs d’aujourd’hui sont des fils d’anciens esclaves d’hier!

cba

1 COMMENT

  1. Et nous les Lumpenprolétariats nous n’avons rien. Et, il nous semble très loin de trouver un fils D’Haïti ayant une connaissance profonde de l’aspiration de la majorité de cette classe prolétarienne. Nous sommes plus nombreux que les nantis, mais, ces derniers nous ont tous volés. Malheureusement nous sommes à la recherche d’un fidèle fils de Dessalines depuis plus de 200 ans pour dire comme notre père fondateur:  » Et les pauvres noirs dont les père sont en Afrique, n’auront- ils rien….? Pas même un seul ne surgit! Mais nous attendons encore!

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