Les Querelles du Sens

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Par Camille Loty Malebranche

La plupart des querelles des relations humaines sont des querelles du sens mais pas de la vérité. Et, la force institutionnelle se charge toujours de fonder la vérité que veulent leurs chefs et d’en assurer la prégnance comme un dogme sacré par la violence tant physique qu’idéologique.

Les rapports humains sont un vaste champ de référents logiques avec les variables aléthiques particulières selon les contextes référentiels que se créent les hommes. Bien au-delà du champ logistique – comme l’a élaboré Frege dans l’expression linguistique en référence à la dualité dénotative évoquant la planète vénus dite tantôt « étoile du matin » tantôt « étoile du berger »; comme en mathématique où c’est facilement vérifiable dans la variation de la vérité selon les contextes, (tel le cas du zéro (0) élément neutre en addition et soustraction, qui devient absorbant en multiplication) – un principe sage et vrai dans une perspective de pensée, peut être totalement aberrant et faux dans une autre, c’est donc plus les perspectives servant de cadre de référence aux multiples formes de logiques qui s’y confrontent intérieurement, qui doivent d’abord être fixés et non les logiques elles-mêmes. À l’intérieur d’une perspective, il peut y avoir une pluralité de logiques au sein de la même configuration doctrinale selon les sensibilités approchant et accueillant la même perspective. C’est un fait courant, un constat élémentairement perceptible dans les grands courants doctrinaux politiques ou religieux. Par exemple, le heurt des différents socialismes et les tensions à l’intérieur de chaque socialisme particulier; les conflits dogmatiques et christologiques dans l’histoire du christianisme social et les heurts au sein d’une même mouvance selon diverses grilles de lecture et d’application par les endoctrinés. L’histoire du catholicisme en est un témoin probant – avec les autodafés, les multiples hérésies noyées dans le sang des hérésiarques selon l’impitoyable jugement des inquisiteurs – qui nous rappelle la cruauté que peuvent avoir les luttes générées par ce qu’il convient d’appeler, des flexions intradoctrinales et intraréférentielles d’une perspective logique, d’un contexte idéel. Arianisme, monarchianisme, monophysisme, pour ne citer qu’eux, ont été des flexions théologiques et christologiques à l’intérieur de la grande théologie de l’église romaine, avant d’être diabolisés. Et, dans le socialisme, que d’accusations de révisionnisme, d’anathèmes orthodoxiques, de suspicions et de dénonciations de félonie jetées aux uns par les autres, au fur et à mesure que se dessinent les ruptures au long de l’histoire socialiste!?

L’exclusivisme référentiel du sens, terreur et tyrannie liberticide.

Le chevauchement de deux visions à l’intérieur d’un même courant de pensée, engendre toujours malaises logiques et crise doctrinale, qui, dans certains cas heureux, provoquent de la scission, et dans d’autres moins pacifiques, guerres, persécutions et massacres. Tout cela tient en un exclusivisme référentiel du sens, une perspective exclusive de signification. Quand un cadre référentiel s’impose par l’autorité violente ou non, il devient officiel et sa logique est proclamée, la seule juste et vraie. Les systèmes officiels de toutes sortes : politiques, éthiques, métaphysiques, didactiques, esthétiques sont des perspectives, des référents qui ont su effacer ou marginaliser leur rivaux à travers l’histoire. La vérité, à ce compte, est le référentiel des vainqueurs ayant à un moment de leur lutte, imposé leur perspective pour lui imprimer une forme de sacralisation, la prégnance artificielle du sacré.

Ainsi, dans la vie politique des sociétés, les pires aberrations victorieuses à travers l’histoire, sont acceptées et jugées acceptables par les multitudes, pour avoir pu brimer les autres référents concurrents tout en faisant taire les dissensions internes. La logique englobante et les logiques spécifiques internes, sont régies par la main du pouvoir. De sorte que les querelles du sens ne sont guère querelles de la vérité, loin s’en faut – la plupart des hommes se sont toujours supérieurement foutus de la vérité – mais chocs de pouvoir, conflagrations de la suffisance d’hommes infatués, voulant avoir raison à tout prix, fut-ce par le fer, le feu, l’effusion de sang, sur leurs rivaux, pour le sacre de leur « vérité » intéressée, l’imposition de leur idéologie, leur aberration de classe ou de caste!

Il incombe aux Esprits dignes de soi, amis de la Vérité en leur conscience éveillée et libre, de vérifier la validité du sens établi voire imposé, le considérant comme un proposé critiquable, tout en cherchant et interrogeant afin de trouver le Sens Véritable, la Vérité pour, soit adopter ce qui est, soit, au contraire, l’expédier sciemment comme non sens.

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

Lire l’article sur le blog Intellection

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