CSPJ – CTC : L’OCNH exprime des inquiétudes concernant les méthodes utilisées pour certifier les juges en Haïti

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COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Samedi 7 janvier 2023 ((rezonodwes.com))–

L’Organisation des Citoyens pour une Nouvelle Haïti (OCNH) observe que depuis plusieurs années la question de la certification des Magistrats a suscité beaucoup de préoccupations. La loi du 17 décembre 2007 portant création du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) en ses articles 22 à 35 consacre l’exercice du pouvoir disciplinaire à l’égard des Magistrats.

Pour mieux accomplir sa mission de contrôle des conduites des magistrats et assainir le système, le CSPJ a institué depuis juillet 2014, une Commission Technique de Certification (CTC) composée de représentants du CSPJ et du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP).

Les premières conclusions des travaux de la CTC ont été publiées le 17 novembre 2017. Sur un échantillon de soixante (60), trente-cinq Magistrats ont été certifiés par le CSPJ et sept (7) autres ne l’ont pas été. D’autres résultats ont été rendus publics durant les années 2021 et 2022.

Tout en admettant l’importance de ce mécanisme en vue d’épurer le système, l’OCNH exprime toutefois ses inquiétudes et ses réserves concernant les méthodes applicables par la CTC pour accomplir sa mission.

Plusieurs Magistrats sanctionnés dénoncent la CTC qui devient de plus en plus un instrument de persécution agissant en dehors des règles minimales applicables en matière d’enquête, des principes généraux relatifs à l’indépendance de la Magistrature adoptés par les Nations-Unies en 1985 et de la Loi du 17 novembre 2007 créant le CSPJ.

Des conflits d’intérêt impliquant des membres du CSPJ et des juges seraient à la base d’une vaste opération de lynchage d’un bon nombre de Magistrats non certifiés. Il faut souligner que dans beaucoup de cas, les principes du contradictoire, de présomption d’innocence, d’impartialité et de neutralité et de discrétion qui doivent caractériser tout processus de certification des Magistrats n’ont pas été respectés. Diverses informations recueillies par l’OCNH font état d’une certaine suspicion sur la crédibilité, l’indépendance, la discrétion au niveau du travail de la CTC.

En effet, le cas le plus récent concerne la non-certification du Magistrat Jean Pérès PAUL contre qui un avis défavorable a été prononcé. Ce dernier a appris que son nom n’a pas été figuré dans la liste des Magistrats proposés à l’Exécutif pour la désignation des postes à pourvoir à la Cour de Cassation.

Selon les faits rapportés, le Magistrat PAUL a reçu un simple appel téléphonique d’un membre de la Commission de Certification pour lui demander des explications sur deux rapports d’opinion publiés par une organisation de défense des droits humains en 2010. Il semblerait que le Juge n’a jamais été l’objet d’aucune enquête ni auditionné de manière transparente sur des allégations portant sur des dossiers qu’il avait traités en vertu de ses attributions comme juge d’instruction.

Aucune plainte n’a été portée contre le Magistrat. Ces comportements confirment le niveau de légèreté avec laquelle les dossiers de certification sont traités. Cette méthode du CSPJ peut constituer une entrave à l’indépendance de la Magistrature, à la sérénité et au fonctionnement du système judiciaire.

L’OCNH se demande est-ce que la CTC remplace le tribunal disciplinaire ou s’érige-t-elle en une instance juridictionnelle sans appel ?

« Toute accusation ou plainte portée contre un juge dans l’exercice de ses fonctions judiciaires et professionnelles doit être entendue rapidement et équitablement selon la procédure appropriée. Le juge a le droit de répondre, sa cause doit être entendue équitablement. La phase initiale de l’affaire doit rester confidentielle, à moins que le juge ne demande qu’il en soit autrement » (Règle No.17.Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la Magistrature).

Malheureusement, les procédures adoptées par le CSPJ ne sont pas en conformité avec les dispositions portant sur les garanties judiciaires consacrées au niveau du Pacte International relatif aux droits civils et politiques, de la Convention Américaine relative aux droits de l’Homme et des Principes fondamentaux des Nations-Unies relatifs à l’indépendance de la Magistrature.

Aucune disposition appropriée n’a été prise pour qu’un organe indépendant et compétent puisse procéder à la révision des décisions rendues en matière disciplinaire, de suspension ou de destitution. Il y a lieu de souligner que les avis favorables émis par le CSPJ constituent des décisions administratives susceptibles d’être attaquées par devant la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA).

Cela confirme que les pratiques du CSPJ n’offrent aucune possibilité de recours ni administratif ni juridictionnel. Pourtant, dans tout système démocratique et d’état de droit, l’accès à des voies de recours demeure une obligation pour tous les Etats en vertu des instruments internationaux. Sur quoi se base le CSPJ pour évincer un Magistrat pour vol sans qu’il n’y ait une décision de Justice passée en force de chose souverainement jugée?

L’OCNH voudrait rappeler qu’en matière disciplinaire, le CSPJ peut être saisi soit par le Ministre de la Justice, soit par le Doyen du Tribunal Civil, le Président de la Cour d’Appel, soit par toute personne estimant avoir été directement victime du comportement d’un Magistrat susceptible d’engager sa responsabilité disciplinaire stipule l’article 22 de ladite loi. Lorsque la plainte est recevable, il revient au Président du CSPJ de désigner un membre du Conseil comme Rapporteur chargé de procéder à l’instruction de l’affaire (article 25).

La procédure définie dans l’article suivant confère au juge mis en cause le droit d’accès au dossier sur lequel repose la plainte et rappelle que la procédure est soumise aux principes généraux de la procédure civile dont celui de la confrontation. Alors si la procédure établie par la loi a été respectée comment le CSPJ peut-il trancher sur la base du « passé douteux » des juges ? La procédure suivie lors de l’émission d’un avis favorable ou défavorable à la certification d’un Magistrat du système judiciaire haïtien n’est pas conforme aux prescrits des instruments internationaux.

L’OCNH tient à rappeler que la Constitution Haïtienne et des instruments internationaux signés et ratifiés par Haïti dont la Convention Interaméricaine des Droits de l’Homme et le Pacte sur les droits civils et politiques permettent à tous, y compris les Magistrats, le Droit à un recours effectif, à une justice équitable, de jouir du principe de la présomption d’innocence. En aucun cas « un passé douteux » ne peut justifier : la réprimande avec inscription au dossier ; le retrait de certaines fonctions au sein de la magistrature ni la mise en disponibilité sans traitement qui sont les sanctions encourues par les Magistrats du siège en matière disciplinaire. De plus, les Magistrats ne peuvent jouir de leur droit de recours puisque le Conseil ne peut siéger avec la totalité de ces membres.

Face à une telle situation, tout en appelant le CSPJ à réviser ses décisions arbitraires ou avis défavorables issus d’un processus de certification non transparent et suspicieux, l’OCNH invite les Magistrats victimes à porter plainte et s’engage à exercer un recours par devant des instances internationales notamment la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) en raison de la non-conformité des pratiques et procédures avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, pour absence du droit d’accès à la justice et à un recours effectif.

Fait à Delmas, le 6 janvier 2023
Camille OCCIUS
Directeur Exécutif

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