Patriotisme et nationalisme, équilibre et perversion de l’amour identitaire

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Par Camille Loty Malebranche

Vendredi 2 décembre 2022 ((rezonodwes.com))–

Le patriotisme peut se définir comme assumation lucide du soi collectif en rapport à la patrie, à l’ethnie, à la communauté dite nation auxquelles l’on se sent appartenir. Le patriotisme est simplement le regard juste sur un collectif et un milieu géographique dont on se sent pleinement membre. Ainsi, un pays d’exclusion ne peut vraiment engendrer de patriotes car c’est précisément le sentiment duel d’appartenance-propriété qui alimente le patriotisme. Quant au nationalisme, c’est un délire identitaire imbriqué à la nation dont on se dit citoyen et qui devient une sorte d’excès de zèle dangereux, agressif contre quiconque n’en relève ou ne s’y efface pour y être assimilé.

Au stade collectif, ce qui différencie patriotisme et nationalisme serait comme cette fondamentale voire abyssale nuance existant entre l’amour de soi et le narcissisme chez l’individu. Pourtant si contigus sont-ils, que le patriotisme ne se protège de son prolongement excessif et excentrique, son extrapolation déviante et primaire, sa corruption qu’est le nationalisme, que par la manière de vivre et d’assumer le rapport d’amour à l’identité collective, rapport sain ou toxique, patriotique ou nationaliste selon le niveau et l’état mental des individus et groupes qui l’affirment.

Il est intéressant de remarquer que les grands révolutionnaires tout comme les théoriciens de la révolution tendent plutôt tous à un internationalisme humaniste tout en restant patriotes. Seuls les petits esprits mesquins le plus souvent fascisants proclament le nationalisme comme fondement et bannière de leur mouvement. Le nationalisme, cet essentialisme de la nationalité, est à l’identité nationale, ce que sont le racisme et le colorisme à l’ethnie.

Le patriotisme vrai est allant de soi sans besoin d’élaboration idéologique et discursive pour créer un monde de représentation. Quant au nationalisme, il tient de la soif de quelques-uns qui ont besoin de se sentir surhommes dans leur différence identitaire pour assimiler autrui sinon le bousculer et l’ostraciser pour son altérité inférieure. De fait, avouée ou inavouée, la thèse nationaliste est un tissu d’invective et de péjoration de l’autre identité non nationale. Un nationaliste qui dispose de pouvoir suffisant aboutit fatalement à la persécution de l’autre, à son infériorisation et parfois à son élimination pure et simple. Les grands génocides de l’histoire ont presque toujours été liés et propulsés par un mode de nationalisme. Hitler en est le modèle le plus monstrueusement achevé.

L’amour de soi qui pousse à la haine de l’autre ou à sa péjoration, n’est pas de l’amour mais de la frilosité et de l’inconfort dans l’identité proclamée que l’on dit aimer. Une identité forte et sûre d’elle, peut se proposer à autrui tout en s’ouvrant à ce que cet autrui porte de bon sans craindre de disparaître ou d’être altérée. Au stade collectif, seules les identités faibles sont haineuses de la différence.

Une feuille ténue sépare le patriotisme dans ses glissements, du déséquilibre nationaliste. À l’heure des crises de toutes sortes, où des premiers ministres et présidents, par démagogie, feignent d’attiser la flamme patriotique des foules, prenons garde de basculer dans l’horreur graduelle de la haine nationaliste que quelques-uns voudraient instiller aux cohues désemparées et incultes en excitant les basses émotions et abjects instincts de horde, soi disant patriotiques!…

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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